Alexandre Morel entre dans la lignée des innombrables témoins du Christ, inconnus et connus, et lorsqu’il nous est donné de découvrir l’un d’entre eux dont nous ignorions l’existence, il est bon de le faire connaître.

Notre propos en publiant ce livret n’est pas de mettre un homme sur le pavois mais de montrer s’il en était besoin, ce que la souveraine grâce de Dieu peut opérer dans la vie d’un homme de bonne volonté qui entend l’appel divin et livre sa vie sans réserve à celui qui l’a prédestiné.

Alexandre Morel, suisse d’origine, a exercé son long ministère dans les villes de Moutier et de Berne en milieu évangélique.

Né en 1856 et mort en 1929, il a été témoin de deux guerres sanglantes.

Il a exercé, durant la première guerre mondiale, un rôle d’aumônier auprès de nombreux blessés.

Alexandre Morel a pris une part active et efficace dans l’organisation de la Croix Bleue, fondée pour venir en aide aux victimes de l’alcoolisme.

Il a pu voir à l’œuvre la puissance libératrice de l’Evangile dans de nombreuses vies sauvées et transformées.

Nous faisons suivre une courte biographie de quelques extraits d’articles et de sermons choisis de cet homme de Dieu qui pouvait dire :

" Qu’y a-t-il de plus tonique que l’approche d’un homme de valeur ? C’est comme la brise qui vient des cimes. On se sent ranimé par elle, on relève le front, on change sa démarche. "

Ce qu’Alexandre Morel disait en son temps d’un ami dont il faisait l’éloge, nous pouvons l’appliquer à sa propre personne, reconnaissant en lui un " homme de valeur " qui nous interpelle et nous oblige aussi à " changer notre démarche. "

Puisse ce livret encourager plusieurs qui le liront, à la persévérance, nous souvenant de l’exhortation de l’auteur de l’épître aux Hébreux :

" Nous donc aussi, puisque nous sommes environnés d’une si grande nuée de témoins… courons avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte…. "

Vocation de l'enfance

Le petit Alexandre était de santé délicate.

On se demandait s’il vivrait longtemps.

De bonne heure, il témoigna d’un caractère sérieux et réfléchi.

Un jour – c’était en 1866 – il s’en alla, à un quart de lieue de chez lui, voir le temple de Sombeval que l’on était en train de construire.

Il en franchit le seuil et monta en chaire.

Soudain, impressionné par le silence et par la sainteté du lieu, il joignit les mains et récita le Notre Père.

Puis il repartit en se disant à lui-même : " Je serai pasteur. "

Propos d’enfant, mais où reflète déjà la sensibilité d’une âme ouverte aux choses d’En-haut.

Epreuves

Peu après, un chagrin terrible atteignit la famille.

Le 13 juin 1870, Mme Morel mourut.

Elle était dans la force de l’âge – trente-cinq ans – et laissait derrière elle deux garçons et deux filles, dont l’aîné touchait à peine à l’adolescence.

Ce fut pour eux une perte irréparable. Leur printemps s’assombrit, comme en ces journées où, du ciel voilé de minces nuages, ne tombe plus qu’une lumière cendrée et mélancolique.

Le rôle de l'église dans la conversion

" L’Eglise, d’abord, qui, par ses cultes impressionnants du dimanche matin à 11 h 00, dans ce temple, et par ses études bibliques du dimanche soir, à la Chapelle des Terreaux, me gagna complètement à Jésus-Christ.

Je vois d’ici la place que j’occupais là-haut, sur cette galerie, alors que MM. Robert-Tissot et Junod annonçaient avec une vigueur toute apostolique, devant une assemblée serrée, le message que Dieu leur donnait.

Ils me remuaient jusqu’aux entrailles.

Et plus tard, à la Faculté, comment eût-il été possible de résister à l’enseignement si vivant, si enthousiasmant et si conquérant d’un Frédéric Godet ?

" N’étaient-ils pas là comme des chefs ?

Aussi, est-il besoin de le dire ? Il n’y avait pas alors de sectes à Neuchâtel. On était un peuple compact.

Aujourd’hui, où l’on souffre tellement de l’émiettement des Eglises qui se désagrègent et s’effritent, je voudrais rappeler ce bel exemple d’unité. "

Sa pensée dominante

" Aucune créature n’a plus à souffrir de l’empire de la mort que l’homme, chez aucune le combat de la mort n’est plus grand que chez l’homme.

Et cependant la nature a aussi son cimetière ; elle aussi s’incline vers la poussière et la cendre ; pour elle comme pour l’homme, les plus belles apparitions se parent de la sombre couronne de la mort.

Dans la nature inintelligente aussi bien que dans l’humanité, ce sont les choses les plus nobles qui ont la plus courte durée.

La fleur, le papillon, le nuage doré, la splendeur du printemps naissent pour s’évanouir.

C’est qu’une grande catastrophe a eu lieu dans la création toute entière… "

Cette double notion du " soupir de la création " et de la " révélation des Fils de Dieu " resta jusqu’au bout l’un des thèmes de prédilection d’Alexandre Morel.

Le volume auquel il travaillait encore, dans les derniers mois de sa vie, devait précisément s’appeler " les Fils de Dieu. "

Consécration au ministère

" 9 juin 1880. Jour mémorable, car c’est avec lui que commence pour moi cette nouvelle phase de la vie qui s’appelle la vie pratique.

Jusqu’alors, c’est pour moi que je travaillais ; maintenant, c’est pour les autres que je dois vivre.

Après le sermon, commence la cérémonie de la consécration.

Nous prêtons serment aux cinq articles suivants :

" Article 1er. Avancer l’honneur et la gloire de Dieu avant toute chose ;

" Article 2. Exposer sa vie, corps et biens, s’il est requis, pour maintenir la Parole de Dieu ;

" Article 3. Renoncer à tout projet particulier pouvant nuire au saint ministère ;

" Article 4. Etre unis avec les frères dans le saint ministère en la doctrine de piété ;

" Article 5. Eviter toute secte et division dans l’Eglise.

Puis M. Rosselet procède à l’imposition des mains.

Moment sublime !

Je me sens subitement transporté ailleurs que sur la terre.

Je vois devant moi un être étrange qui me communique la puissance du ciel. Je suis un homme nouveau.

Opinion extérieure

Ce que l’on pensait de lui.

Le rédacteur du Journal religieux ne s’est probablement pas trompé, quand il se représente Alexandre Morel, à cette époque, comme " un brave et digne jeune homme, un peu timide, aimant la vie, cordial, affectueux, prompt à s’émouvoir, toujours prêt aussi à obéir aux ordres de sa conscience, mais que rien encore ne désignait pour le poste très en vue qu’il occupa plus tard.

C’était le ministère pastoral qui devait mettre en lumière les trésors d’énergie courageuse et de piété vivante qu’il portait au fond de son âme. "

En entrant dans son ministère à Moutier le 1er août 1880, voici quel était l’état d’esprit d’un serviteur conscient de ce qu’impliquait sa consécration au service de l’Eglise.

Il écrit :

" J’entre enfin dans une nouvelle période de ma vie. Je quitte cette vie égoïste dans laquelle on ne travaille que pour soi-même. Désormais, c’est à la paroisse de Moutier que je vais vouer toutes mes forces. "

Il prit des résolutions. Quelques temps plus tard, il dira :

" Aujourd’hui, j’ai pris la résolution de consacrer la première heure du matin à la prière d’intercession. "

Devant l’ampleur de la tâche, il confesse :

" Je me sens petit, très petit, et insuffisant pour une lourde tâche. Que donnerais-je, aujourd’hui, pour être un simple berger de moutons ! "

Lors d’une rencontre avec un ami au cours de laquelle il reçut comme une révélation, il dira :

" Jusqu’ici, je m’efforçais d’embrasser la doctrine du Christ, au lieu d’embrasser Christ. "

Entrée dans la Croix Bleue, une magnifique œuvre de tempérance au travers de laquelle nombre de " terribles buveurs d’eau-de-vie " que le diable réveillait tôt le matin pour les conduire au cabaret la corde au cou, avaient été délivrés et rendaient grâce à Dieu.

Alexandre Morel, lui-même, prit un engagement de tempérance* qui, dira-t-il, mit dans sa vie tant de joies pures et de bénédictions.

Ce premier engagement ne fut que temporaire, et Alexandre Morel n’a pas dit à quelle date précise il entra définitivement dans la Croix Bleue.

Mais il est certain que cette décision eut des conséquences extrêmement heureuses pour son ministère.

L’œuvre du relèvement des buveurs en était alors à une période de vie intense, d’allégresse, d’enthousiasme et de conquête.

Des malheureux, réputés incurables, signaient l’engagement libérateur, et se voyaient transformés.

Un vrai souffle de réveil et de printemps passait sur le pays.

En se joignant à ce mouvement, Alexandre Morel assista à des miracles.

Il vit et comprit que l’Evangile est toujours la puissance de Dieu pour le salut de ceux qui croient.

Sa foi y prit un accent joyeux de conviction, d’espérance, de confiance persuasive et d’autorité.

Doué comme il l’était, il devint naturellement l’un des chefs de la Croix Bleue.

 Sans elle, sa parole n’eut pas été si émouvante, ni son ministère si rayonnant.

* Ceci n’est pas " car la tempérance est un fruit de l’Esprit " Galates 2 : 23

Profonde crise intérieure

Alexandre Morel dut passer par le creuset et par une crise intérieure profonde.

Il fut amené à saisir avec force les puissances de victoire qui sont dans l’Evangile de Jésus-Christ.

En effet, malgré de belles heures vécues dans son ministère, il éprouvait l’ardent désir de connaître autre chose qu’une fade médiocrité.

Il était dans la situation de ceux qui soupirent après une délivrance, après la possession du salut qui donne la pleine victoire sur le péché.

Chez lui, la crise devint de plus en plus aiguë, et si douloureuse qu’il en écrivit l’histoire.

Cela se passait au début de 1891.

Voici en quels termes il décrit cet état d’âme dans lequel il se trouva jusqu’à ce que vint l’entière délivrance :

" Commencé l’année par un profond sentiment de découragement. Ce soir je suis brisé, mon attente devient de jour en jour plus douloureuse ! Oh ! que je souffre ! continuation de mes souffrances aiguës.

Je ne vois pas d’issue.

J’ai de temps à autre des moments où le Saint-Esprit se fait vivement sentir sur moi. Mais je n’ai pas encore le baptême ".

Au travers de ses luttes et combats, il en arrive à la conclusion que :

En dehors de Christ, il se sent perdu, digne de la plus grande condamnation et il ne trouve de repos que lorsqu’il est conscient que Christ est sa justification et sa satisfaction.

Puis après avoir eu divers entretiens avec des hommes de réveil, il parviendra à la victoire, il réalisera que s’il veut chercher à sauver sa vie, il la perdra.

Alors, délibérément, il consentira à la perdre.

En peu de mots :

Alexandre Morel passa par la régénération où en toute vérité il put dire avec l’apôtre Paul :

" Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi. "

De telles expériences lui conférèrent une singulière autorité.

Appelé à évangéliser des soldats de la légion étrangère

Frappée de ses dons d’évangéliste et de la virilité de son message, Melle Eloa BOVET pria le pasteur de Moutier de venir visiter les soldats de la Légion étrangère pour lesquels elle avait ouvert une salle de lecture à Saïda.

C’était en 1898.

Il passa là-bas une semaine, et y vécut des heures exceptionnellement belles.

Plusieurs des hommes qui l’avaient entendu vinrent ensuite lui parler.

Voici par exemple, un grand gaillard, usé par la débauche et rongé par le " cafard ".

Il déclare qu’il désertera, la nuit suivante, avec l’aide d’un agent espagnol nommé Rabata !

" – Mais, lui dit Alexandre Morel, j’en connais un qui pourrait vous guérir !

Tirant précipitamment son portefeuille, il me dit :

" – Donnez-moi son adresse !

" Il se figurait que j’allais lui donner l’adresse d’un professeur de Paris !

" – C’est Jésus-Christ !

" – Jésus-Christ ?

Je vis que ce nom n’était pas tombé dans son horizon.

Je lui racontai l’histoire de l’enfant prodigue, et lui citai des paroles comme celle-ci :

" Jésus-Christ n’est pas venu pour condamner, mais pour sauver ce qui est perdu. "

Tandis que je parlais, son regard s’allumait de plus en plus ; c’était comme une musique qui montait à son âme.

Ah ! La joie de pouvoir dire ces choses à quelqu’un qui ne les a jamais entendues !

" Tout à coup, debout au milieu de ma chambre, il croisa les bras et prononça la prière suivante :

" Jésus-Christ, je ne me suis jamais occupé de vous, mais j’apprends que vous vous occupez de moi.

" Je ne suis qu’un morceau de décombres, mais, puisque vous l’acceptez, je vous le livre.

" Ce n’est plus mon affaire, c’est la vôtre. Je ne vais pas chez Rabata, cette nuit ; je rentre au régiment. "

Puis il me serra la main et partit.

Je pus encore lui glisser un Nouveau Testament avec mon adresse. "

Un autre soldat vient de faire 350 jours de cellule.

" J’en suis sorti hier, me dit-il, et, passant dans la rue, j’ai entendu les chants de votre assemblée, et je viens vous annoncer que j’ai accepté ce que vous avez dit.

" – Qu’avez-vous compris ? lui dis-je.

" – J’ai compris qu’avec Jésus-Christ, je pourrai redevenir un homme, et je viens vous demander ce que je dois faire.

" – C’est très simple. Si vous avez compris cela, vous n’avez qu’une chose à faire : vous décider pour lui, le choisir comme votre Maître suprême, et le suivre jusqu’à la fin de votre vie.

" Et alors je vis cette chose unique, que je ne reverrai sans doute plus jamais :

Ce soldat se leva, prit la position militaire, dressa son front vers le ciel, et s’écria d’une voix ferme :

" A l’ordre ! " il salua le grand et glorieux Invisible, qu’il voyait devant lui et auquel il se consacrait. "

Et c’est enfin, le dernier soir, l’adieu à ceux de ces hommes qui avaient accepté l’appel divin.

La couleur de cette scène est tout à fait apostolique.

Ainsi faisait Paul à Troas :

" Nous eûmes ensemble une réunion de prière peu banale. C’étaient des prières neuves, ardentes, dépouillées de toute vaine redite et de ces vieux clichés qui rabaissent si souvent les plus beaux élans de l’Esprit.

" A onze heures, je les congédiai et n’en gardai qu’une dizaine, les plus intimes, ceux avec lesquels j’avais pu traiter plus à fond la question du salut.

Je jetai une nappe blanche sur une table, pris un morceau de pain, un verre de vin, et je communiai avec eux.

J’ai présidé des cultes de Cène dans bien des Eglises, même dans des cathédrales, mais je vous assure que celui de Saïda, entre onze heures et minuit, autour de la petite table de sapin, reste dans mon souvenir comme un des plus vivants. "

Il attacha toujours une grande importance aux études bibliques.

Préoccupé de gagner des âmes à l’Evangile, il aimait la mission et y prit une part active.

La Croix Bleue continua à Berne à tenir une grande place dans sa vie.

D’ailleurs, comme son Maître, Alexandre Morel alimentait sa vie intérieure par la prière et le recueillement.

Plus il avait à faire et plus on lui apportait de douleurs, plus aussi il recherchait le contact avec le Christ invisible.

" Que l’Ennemi est puissant ! écrit-il, en apprenant un douloureux suicide. Je me sens appelé à m’unir toujours plus étroitement avec le Vainqueur. "

Ou bien : " J’ai le cœur rempli de tous les scandales qui m’ont été racontés aujourd’hui.

Il semble qu’on se soit entendu pour me rapporter toutes ces choses le même jour.

Mais non !

Le monde est ainsi, il faut que je le sache.

Il faut que je sache que partout, dans la chrétienté, il y a des infidèles et des êtres scandaleux, afin que je me sanctifie d’autant plus pour être un véritable enfant de Dieu, du sel qui ait toute sa force. "

Ou ailleurs : " En cette veille du Jeûne, je prends la position de l’enfant prodigue qui, ayant tout perdu, ne vécut plus que de la fortune de son père. "

Ou encore : " Je vais lutter par la prière ; c’est ma grande arme. "

Réflexions sur la guerre de 1914

Dans ces journées de septembre, si douces et si ensoleillées, la guerre paraissait plus affreuse encore :

" N’avez-vous pas été douloureusement frappés, ces temps-ci, du contraste parfois si tranché entre les beautés de la nature et les horreurs de notre humanité ?

Tandis que les foules se précipitaient avec avidité aux carrefours de notre ville pour y lire les dépêches pleines des abominations de la guerre, nous avions sur nos têtes un ciel d’une pureté incomparable, le soleil faisait glisser ses rayons d’or à travers le feuillage si richement nuancé de ce bel automne.

Tandis que les engins de guerre lancent leur mitraille meurtrière et massacrent les plus beaux hommes de l’Europe, les abeilles remplissent leurs ruches d’un miel délicat, et nos arbres fruitiers, que je ne me souviens pas d’avoir vu si riches, se parent silencieusement de leurs merveilleuses couronnes.

Il y a comme une ironie sanglante dans ce contraste.

Il semble même que ce soit les jours où la voix des hommes se montre la plus discordante, que le ciel et la terre s’illuminent le plus glorieusement.

La retraite

A la retraite, alors qu’il avait atteint l’âge de 70 ans, Alexandre Morel restait très actif. Il prêchait assez souvent et écrivait.

L’article qui suit exprime bien les sentiments dont son cœur était rempli.

La vie et la mort - Consécration

" 1er mars – La lecture des " Paraboles de la croix " m’a rappelé la grande loi de la vie par la mort.

Je reconnais que, dans mes craintes de la semaine dernière, il y avait une grande part de recherche propre ; je voulais soigner mon avenir, ma réputation, mes aises.

Je suis jugé ; aussi je lâche tout, aujourd’hui, jusqu’au dernier fil qui pourrait encore retenir un dernier grain dans la gousse ; je laisse tout rouler.

Comme Paul, je dis : Je vais à Jérusalem pour y mourir, non pas à Berne pour y pérorer.

Avec George Muller, je dirai :

" Il y a un jour où je suis mort, complètement mort – et, en parlant ainsi, il se baissait de plus en plus jusqu’à ce qu’il touchât le sol – mort à G. Muller, à ses opinions, à ses préférences, à ses goûts, à sa volonté, mort au monde, à son approbation et à ses critiques, mort même à l’approbation et au blâme de mes frères et de mes amis, et depuis lors je ne me suis attaché qu’à une chose : me présenter devant Dieu comme un ouvrier éprouvé. "

- O Dieu, écoute, c’est là mon vœu ; c’est ainsi que je vais à Berne, que je commence ce nouveau feuillet de ma vie.

- Remplis-le de ton écriture, empêche-moi d’y mettre un seul iota de mon écriture ! Amen.

Grand ministère

Alexandre Morel étendit d’ailleurs son ministère bien au-delà de sa paroisse.

Il s’occupait beaucoup de la Croix Bleue.

Il y voyait un admirable moyen d’évangélisation. Il la voulait vivante, active et conquérante.

En 1899, on le chargea de la prédication à la fête fédérale, à Berne.

Et ce culte, célébré à 6 h 00 du matin, sous les voûtes grises de la cathédrale, dans la forêt des bannières, avec l’accompagnement éclatant des fanfares, devant une grande assemblée dans laquelle se trouvaient tant de buveurs merveilleusement relevés, fit à tous une profonde impression.

Chant d’un merle et chant d’un coq

Quoique retraité, Alexandre Morel restait fort actif.

Il instruisait des catéchumènes, prêchait assez souvent, écrivait dans le journal " Libérateur."

On continuait à l’appeler au dehors.

Et surtout, par les innombrables visites qu’il recevait, il poursuivait un admirable ministère d’encouragement, de direction spirituelle, de cure d’âmes.

C’est qu’en effet, on sentait en lui le calme, la joie, la force, l’harmonie intérieure.

Une lumière venait de lui, semblable à ces rayons qui, vers la fin du jour, dorent si doucement la montagne.

Au reste, l’article qu’on va lire et qu’il écrivit alors, dit bien les sentiments qui remplissaient son cœur :

Chant d’un merle et chant d’un coq

" Est-ce que Dieu ne se servirait pas, m’a-t-on écrit, d’un article émanant d’un joyeux septuagénaire, qui poursuit sa route, rempli de la joie d’En-haut, pour stimuler plus d’un pèlerin âgé et mélancolique, si ce n’est découragé ? "

" J’essaierai donc d’écrire cet article, afin d’éclairer quelques-uns, puisqu’il n’y a rien de plus triste, ici-bas, que le spectacle de personnes âgées qui passent leur temps à geindre et à broyer du noir.

" Pour cela, je raconterai tout simplement l’histoire de deux chants d’oiseau que j’ai entendus cet été :

" Le chant d’un merle et le chant d’un coq. "

" Le chant du merle.

C’était au mois de mai dernier.

Le docteur m’avait dit que, pour faire vie qui dure, le moment était venu pour moi de prendre ma retraite.

Je rassemblai donc mon conseil d’Eglise, et, quoique la chose fût très douloureuse pour moi, on le comprend, je lui donnai ma démission.

Le moment était solennel ; la nuit qui suivit le fut davantage encore.

On ne tranche pas le fil d’un ministère de quarante-six ans sans éprouver quelque chose qui ressemble à une amputation.

Quand je me réveillai, le lendemain matin, vers quatre heures et demie :

" Et maintenant que tu es libre, me dis-je avec une certaine angoisse, maintenant qu’aucune obligation ne te lie désormais, que tu n’as plus de sermons à préparer ni d’escalier à gravir, que vas-tu faire ?

Aujourd’hui même, que vas-tu faire ? "

" Tandis que je me posais cette question pleine d’inquiétude, voici qu’un merle vint se poser sur la balustrade de ma fenêtre et lança dans ma chambre son chant éclatant avec un brio retentissant.

C’était un ordre clair et net donné à ma question :

" Ah ! Tu te demandes ce que tu as à faire désormais ?

" Chante, chante à pleine voix ! " Me disait ce messager ailé que Dieu m’envoyait.

" Aussi lorsque, trois jours après, les membres de l’Eglise se réunirent pour prendre connaissance de ma décision, je leur dis :

" Mes amis, je me sens appelé à vous donner dorénavant une leçon de choses.

" J’essaierai, par la grâce de Dieu, de vous présenter le spectacle d’un vieux qui vieillit joyeusement.

Le diacre Philippe, après avoir achevé le travail que Dieu lui prépara sur la route de Gaza, " continua son chemin plein de joie. "

"Eh bien !

" C’est ainsi que, par la grâce de Dieu, j’ai l’intention de continuer le mien. "

" Tel fut l’enseignement du merle. Et voici celui que je reçus par le chant d’un coq.

" C’était à la veille de mon soixante dixième anniversaire.

" J’avais passé la nuit dans la maison hospitalière d’Emmaüs, sur Lausanne, où s’ouvrait la " Retraite d’automne. "

A quatre heures et demie, comme au mois de mai, alors qu’il faisait encore nuit, je fus subitement réveillé par le chant d’un coq.

Ce premier chant du coq est d’ordinaire très bref ; il y a quatre ou cinq cris lancés, et c’est tout.

On dirait un coup de clairon qui retentit dans la nuit, puis se tait.

Lorsque la troupe entend celui-ci, elle se lève, elle s’équipe et marche au combat.

C’est ainsi que chanta le coq d’Emmaüs.

Un autre, un peu plus loin, lui répondit, puis un troisième, et toutes les basses-cours du pays suivirent, puis ce fut un grand silence.

On n’entendit plus que le bruissement de feuilles des arbres du jardin.

" Je songeai alors à la parole du Psaume disant :

" Heureux le peuple qui connaît le son de la trompette ! "

Comme le chant du coq, la trompette ne sonne qu’un instant, et, quand elle joue, ce ne sont pas des romances qu’elle fait entendre.

La trompette réveille, elle met sur pied, elle appelle au combat, puis elle se tait.

Ainsi en est-il de Dieu ; il appelle, puis il se tait.

Malheur à celui qui ne le comprend pas !

" A l’heure qu’il est, on organise partout des " semaines de retraite ".

Chaque groupe chrétien veut avoir la sienne.

Il y a des retraites pastorales, des retraites d’unionistes, des retraites de tempérants, même des retraites pour compagnes de pasteurs.

Tout cela est excellent, est-il besoin de le dire ?

Mais tout cela peut aussi tourner fâcheusement.

Si ceux qui les fréquentent obéissent au son du clairon qui retentit, et se réveillent pour courir au but, c’est bien ! Ce sont des heureux !

Mais s’ils s’habituent à ce son de trompette, comme des soldats que la diane* ne réveille plus, alors mieux vaudrait de beaucoup ne rien entendre du tout !

" J’ai la conviction que, pendant ces cinquante dernières années, grâce aux appels multiples qui ont retenti partout, l’œuvre de Dieu aurait pu faire des pas de géant, si nous avions mieux su obéir à ces appels !

Hélas !

Il arrive presque partout ce qui se passe quand le coq chante au premier matin :  Après l’avoir entendu, on s’assoupit, le sommeil reprend, et, bientôt, l’on n’entend plus que le bruissement des feuilles d’automne dans les jardins d’alentour !

Le fleuve du temps continue à rouler ses ondes, comme si rien ne s’était passé !

" Vous me demandez pourquoi je suis joyeux ?

" Parce que le septuagénaire que je suis a entendu le chant du coq, clair et précis.

" Il a compris que c’en était à tout jamais fini de " la nuit ", et que l’heure avait sonné où chaque croyant doit ceindre ses reins, tenir sa lampe prête, et, serviteur fidèle, attendre l’arrivée du Maître ! "

* Sonnerie de clairon

Dernier adieu

Alexandre Morel rendit le dernier soupir le dimanche matin du 27 janvier 1929 au moment où toutes les cloches de la ville sonnaient pour le culte.

Cette grande figure du monde évangélique suisse nous interpelle.

En son temps, l’apôtre Paul écrivait :

" Soyez mes imitateurs comme je le suis moi-même de Christ. "

Des croyants comme Alexandre Morel restent pour nous, alors que nous sommes dans les temps de la fin, des modèles de consécration à imiter.

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