17 ans, c’est l’âge auquel un jeune homme,

Placé devant un choix par les hommes,

N’a pas voulu prêter serment

Au dictateur du moment.

Il a refusé avec une foi bien ancrée

L’allégeance à tous ces illuminés,

Et des dizaines d’années après

On rend témoignage de ce qu’il a fait.

La protection de dieu

Je me trouvais au milieu de la nuit à plat ventre dans la neige par – 15° ou – 20° de froid, grelottant, cherchant à me frayer un chemin sans être aperçu ; je voulais fuir.

Tout était silencieux, rien ne bougeait.

Je voyais les miradors avec leurs hommes de garde et leurs fusils et mitrailleuses.

Mon but était de passer à travers la neige sous les fils barbelés et électrifiés pour m’enfuir de cet enfer.

Je sentais le froid qui me glaçait les poumons, je grelottais, je cherchais à faire le moindre bruit possible en avançant.

" Pourvu qu’ils ne braquent pas les projecteurs sur moi ".

Tout à coup, j’entendis un ordre : " Debout !" – et la lumière qui se braque sur moi ; et je me suis dit : C’est fini !... Ils vont tirer sur moi !  … et je me réveillai !

C’était un cauchemar qui s’était passé en quelques secondes.

Ce n’était que le chef du block qui, à 5 h 30, avait donné l’ordre de se lever et avait mis la lumière dans le dortoir.

Nous étions frigorifiés, nous dormions dans des baraques sans chauffage et dans mon cauchemar, j’essayais de m’enfuir de cet enfer ; c’était au Struthof (Camps de Concentration de Natzwiller) en décembre 1942.

J’étais bel et bien prisonnier et il n’y avait pas de moyens de pouvoir fuir.

Mais comment suis-je arrivé dans un tel endroit ?

Et comment est-ce que je suis sorti de là ?

Dans le Psaume 27, nous lisons aux versets 1 et 2 :

" L’Eternel est ma lumière et mon salut : de qui aurais-je crainte ?

L’Eternel est le soutien de ma vie ; de qui aurais-je peur ?

Quand les méchants s’avancent contre moi, pour dévorer ma chair, ce sont mes persécuteurs et mes ennemis qui chancellent et tombent. "

Et au Psaume 31, versets 2 et 3 :

" l’Eternel ! Je cherche en toi mon refuge ; que jamais je ne sois confondu !

Délivre-moi dans ta justice !

Incline vers moi ton oreille, hâte-toi de me secourir !

Sois pour moi un rocher protecteur, une forteresse, où je trouve mon salut ! "

En effet, Dieu est un refuge, un appui, une retraite, même dans les circonstances et situations impossibles.

Je voudrais d’abord dire que je suis né à Colmar et que j’ai eu le grand privilège d’avoir été élevé dans un foyer chrétien. Je crois qu’on ne peut mesurer l’immensité de ce privilège.

Mon père s’était converti avant ma naissance. Auparavant il ne croyait pas ; il avait reçu une instruction religieuse, mais il était devenu athée, d’une part à cause de ce qu’il avait vécu pendant la guerre 14 – 18 et, d’autre part, en observant les soi-disant chrétiens.

Il ne voulait rien savoir. Il disait : " Si ceux-là sont chrétiens, qui vivent d’une telle façon pendant la semaine, je ne veux pas en devenir un. Je peux être tout aussi bon qu’eux et suivre mon chemin droit. "

Ce ne sont pas ceux qui se disent chrétiens qui sont nécessairement des enfants de Dieu.

En lisant la Bible, mon père est arrivé à la conviction non seulement que Dieu existe, mais que lui était pécheur et que Jésus était le Sauveur.

Il avait d’abord lu la Bible par intérêt historique et archéologique. S’intéressant beaucoup à l’histoire, il a lu l’Ancien Testament pour comparer l’histoire ancienne avec ce que la Bible disait.

Il est arrivé à la conclusion que ce que la Bible dit est vrai.

Quand il a lu le Nouveau Testament, il a vu qu’il y avait là un autre Jésus que celui que les prétendus chrétiens disent connaître.

Il a prié : " Dieu, si tu existes vraiment, révèle-Toi à moi ! Et si Jésus est tel que je le vois dans Ta parole, je T’accepte comme mon Sauveur. "

Le Seigneur a fait son œuvre dans son cœur. Ma mère s’est convertie après, ainsi que mes grands-parents. Ainsi c’était un immense privilège que d’être né dans une famille chrétienne.

Dès mon jeune âge j’ai entendu parler de Jésus. Mais, voyez-vous, avoir entendu parler de Jésus ne fait pas de nous automatiquement un chrétien, un enfant de Dieu.

J’ai dû reconnaître moi-même mon besoin de Jésus. J’ai dû être convaincu par l’Esprit de Dieu que moi aussi j’étais pécheur et que j’avais besoin de la grâce de Dieu.

Et je sais que, même très jeune, j’étais conscient de mon péché, de ma perdition aux yeux de Dieu. On n’a pas besoin d’être âgé pour comprendre qu’on est perdu.

Je suis venu à Jésus-Christ tout simplement, conscient de mon besoin du Seigneur Jésus.

Je Lui ai dit : " Tu es mon Seigneur, sauve-moi ! Pardonne mes péchés ! " Oui, bien qu’ayant été élevé dans un foyer modèle, j’étais un pécheur et j’avais besoin de me convertir.

En grandissant, j’ai encore appris davantage la grâce de Dieu et l’abîme de mon propre cœur, et j’ai compris que je devais me livrer complètement entre les mains de mon Seigneur, Lui faire entièrement confiance et faire en sorte que Jésus puisse vivre vraiment dans ma vie, dans mon cœur… et je ne l’ai jamais regretté.

Ensuite la guerre a éclaté. En 1940, les armées hitlériennes sont entrées en Alsace. Ainsi l’Alsace et la Lorraine ont été annexées d’office à l’Allemagne.

Nous étions donc considérés comme citoyens allemands à partir de ce moment-là.

Nous n’avions plus le droit de parler le français ; il fallait apprendre l’allemand et uniquement parler allemand. Les livres français devaient être brûlés.

Les lois allemandes étaient mises en application, la " jeunesse hitlérienne " introduite. Chaque garçon et chaque jeune fille devaient s’enrôler dans cette organisation.

J’ai toujours refusé ainsi que mon frère et ma sœur qui étaient plus jeunes que moi.

Au lycée, nous devions, avant chaque cours, faire le salut hitlérien (dire " Heil Hitler ", c'est-à-dire " le salut vient d’Hitler ").

Je ne l’ai jamais fait.

Au début de 1942, il a été décidé que tout jeune lycéen ou étudiant qui ne faisait pas partie du mouvement hitlérien devait être expulsé de l’établissement scolaire.

J’ai été placé devant le choix : continuer mes études et faire comme tout le monde ou être expulsé.

Et puis le jour est arrivé où j’ai été expulsé.

Premièrement parce que je ne faisais pas le salut hitlérien et deuxièmement parce que je ne faisais pas partie de la jeunesse hitlérienne.

Certains professeurs m’ont dit de ne pas gâcher ma vie et de m’enrôler dans ce mouvement, même sans y croire. Ils m’ont dit : Tu peux continuer à croire en ton Dieu….

Mais je savais que je ne pouvais pas faire les deux à la fois. On ne peut servir deux maîtres ; et j’ai refusé.

J’ai dû quitter le lycée et j’ai travaillé chez un fermier chrétien pendant quelques mois.

Mais début août 1942, j’ai été enrôlé dans " l’Arbeitsdienst ", l’armée de travail.

C’était une armée préliminaire à l’armée régulière.

J’ai été mis sur la liste, du fait de mon expulsion du lycée. Ainsi mon appel a été devancé et il n’y avait pas moyen de faire reculer l’appel pour quelques mois.

Je suis donc allé à Vieux-Brisach où j’ai été placé dans une section disciplinaire. C’était un petit bataillon où il y avait des " durs ".

J’étais prêt à me soumettre, à faire les travaux que l’on me demanderait, mais je leur avais dit dès le premier jour que je ne prêterais jamais le serment de fidélité à Adolf Hitler.

Chacun de ceux qui entraient dans cette armée de travail pour être muté ensuite dans l’armée allemande, devait prêter serment généralement deux mois après.

Il y avait la parade où toutes les nouvelles recrues prêtaient serment devant les officiers ; chacun devait mettre la main sur le drapeau à croix gammée et puis répéter certaines paroles comme (en résumé) : Je jure fidélité au nazisme, à la doctrine nazie, à Adolf Hitler et je suis prêt à donner ma vie pour cette cause et pour Adolf Hitler.

Je leur ai dit que jamais je ne pourrais faire cela, parce que j’avais donné ma vie à Jésus-Christ.

Jésus était mon Sauveur et je ne pouvais pas donner ma vie pour une cause, pour une doctrine dans laquelle, non seulement je ne croyais pas, mais qui était contraire à ma foi.

L’officier m’a fait comprendre que je devais me plier à leurs exigences.

On a cherché à me faire punir pour des banalités.

Rappelons que je me trouvais dans une section disciplinaire.

Ce fut donc enfin le jour où les jeunes (tous des Allemands) qui étaient arrivés avec moi devaient prêter serment.

J’ai dit que je ne le ferais pas.

Alors je dus rester dans les quartiers pendant la cérémonie.

Après cela, j’ai dû comparaître et on essaya de me forcer.

J’ai été puni avec 5 jours d’arrêt sévère dans la cellule.

" L’arrêt sévère " était la plus grande punition qu’ils pouvaient infliger. Cela signifiait que tout mon uniforme était ôté.

J’ai reçu un treillis de combat assez léger, sans lacets dans les chaussures, sans ceinturon ; pas de paillasse, il y avait juste le long du mur, à 1 m 50 de hauteur, une couchette de 60 cm de large, composée de quelques planches inégales, avec des jours de 5 à 10 cm entre elles.

C’est dans cette cellule solitaire que je devais dormir.

Dans la journée, je devais rester au " garde-à-vous ".

Il n’y avait pas de chaise pour m’asseoir.

Pour toute nourriture je recevais le matin un morceau de pain et de l’eau ; c’était tout.

Le 4ème jour, on donnait, à midi, une assiette de soupe, quelque chose de chaud.

Le commandant avait donné l’autorisation de me donner cette punition de 5 jours.

Après ces 5 jours, ils me demandèrent si j’étais prêt à prêter serment.

Je répondis : Non !

Alors je fus amené à Colmar devant le général de la région.

Celui-ci était autorisé à me punir de 10 jours d’arrêt sévère ; ce qu’il fit.

Ainsi j’ai réintégré la cellule ; cette fois-ci pour 10 jours du même traitement.

Le commandant est venu plusieurs fois pendant ces jours d’emprisonnement pour me convaincre.

Il m’a également remis sa copie du livre " Mein Kampf " d’Adolf Hitler en pensant que son message me changerait les idées.

Après ces autres 10 jours, le second en chef est venu dans ma cellule, pensant que j’étais maintenant prêt à me plier après ce traitement de rigueur.

Après ma réponse négative, il était comme abasourdi. Il sortit puis revint quelques minutes plus tard pour s’assurer que j’avais bien compris la question.

Le refus signifiait 40 jours !

Et cela, ordonné par le général à Berlin.

Il m’a fait comprendre qu’ils devaient maintenant faire un rapport à Berlin.

- Je lui ai répondu que Jésus-Christ était toujours celui que je voulais servir.

En attendant, j’ai été relâché de la cellule.

Le même matin, lorsque je suis sorti de la prison, toutes les recrues devaient se présenter devant la commission médicale, comme cela se faisait tous les 15 jours à trois semaines.

J’ai été le dernier à passer.

Lorsque ce fut mon tour d’être pesé, le médecin s’est levé pour constater la chute du poids après 15 jours de régime sévère.

Mais quelle surprise : J’avais le même poids que 15 ou 17 jours auparavant !

Le médecin me regardait, donnait des coups de pied à la balance.

Il a appelé celui qui avait été pesé avant moi pour vérifier son poids.

Mais la balance montrait le bon poids.

Alors le médecin m’a repesé et a dû écrire dans le livre le même poids qu’avant l’emprisonnement à régime sévère.

C’était incompréhensible selon lui.

A partir de ce moment-là, aucun des officiers n’osait me toucher et ils m’ont appelé
" le ressuscité des morts ".

Entre-temps, les autres étaient envoyés dans l’armée régulière et moi je restais.

Quelques jours après, l’ordre est venu d’être livré à la Gestapo.

Je fus amené à leur bureau à Freiburg i/Br.

Après un interrogatoire de toute une journée, ils m’ont placé dans une prison disciplinaire à Freiburg.

A nouveau je me trouvais dans une cellule tout seul, mais, cette fois-ci, sous haute surveillance avec porte blindée, etc.….

Mais dans cette cellule j’ai expérimenté la réalité et la puissance du Seigneur.

J’étais dans cette cellule depuis deux mois, ayant très peu à manger.

De plus on m’amenait de temps en temps dans les bureaux de la gestapo pour y subir des interrogatoires où je passais deux, trois ou quatre heures, six ou huit heures d’affilées.

Ils me posaient et reposaient des questions et tout cela n’allait jamais sans " traitements " pour lesquels ils étaient experts.

On m’a boxé sans que je puisse me défendre ; il ne fallait pas bouger !

Presque toutes les dents de ma mâchoire étaient branlantes, l’intérieur des gencives coupé…

Lorsque l’officier était fatigué après une ou deux heures, un autre le remplaçait, et ainsi de suite.

A la fin de la journée, on me ramenait dans la cellule pour être interrogé à nouveau quelques jours plus tard.

Parfois ces interrogateurs étaient doux et ils voulaient me prendre par la douceur ; le plus souvent ils étaient durs et utilisaient les pires sévices, mais en comparaison de ce que j’ai vécu plus tard, ce n’était rien encore.

Après le dernier interrogatoire, on m’avait donné quelques jours de réflexion.

L’un des officiers de la Gestapo m’avait dit : " Nous nous sommes assez longtemps occupés de vous. Si vous capitulez, toutes les peines seront effacées etc.…, mais si vous refusez et ne répondez pas par oui en nous assurant que vous êtes prêt à prêter serment à en entrer dans la " Wehrmacht ", alors, vous voyez ce mur dans la cour, c’est contre ce mur qu’on vous fusillera. "

Les jours qui suivirent, dans la solitude de la cellule, ne furent pas faciles, je peux vous l’assurer.

Mais j’avais la certitude que j’étais dans la main du Seigneur. Je n’ai donc rien répondu.

Une semaine après, un allemand d’un certain âge, qui faisait fonction de gardien, est venu dans ma cellule et m’a tendu une feuille de couleur rose qui me concernait, avec l’en-tête de la Gestapo, émanant du quartier général de Berlin.

Il y avait environ 15 lignes tapées à la machine, déclarant que j’étais un ennemi du " Reich ", et que par la position que je prenais et mon refus de prêter serment et d’entrer dans l’armée allemande, je créais des troubles dans la population, mettant ainsi en danger la sécurité du front intérieur du " Reich " !

Et je devais donc être éliminé.

Il y avait ensuite 3 ou 4 signatures de hauts gradés.

Je devais signer dans un coin de cette feuille pour certifier que j’avais pris connaissance du contenu.

Le gardien me tendait une plume et un encrier, mais sa main tremblait et des larmes coulaient sur sa joue.

Comme il refermait la porte, je l’ai entendu dire à l’autre gardien : " Ah ! Ce gamin a aussi reçu ce même papier " – (j’avais 17 ans !)

Il savait ce que cela signifiait.

La même nuit ou le lendemain, la Gestapo pouvait venir et emmener le prisonnier quelque part pour le faire disparaître – on pouvait entendre un coup de feu et c’était tout !

Pouvez-vous imaginer la situation dans laquelle je me trouvais ?

Maintenant c’était la fin….  Mais j’avais confiance dans le Seigneur.

Quelques jours après, l’ordre est venu de me transférer quelque part.

Finalement après avoir passé la nuit dans différentes prisons et voyagé dans des wagons cellulaires, je suis arrivé, en passant par Strasbourg, à Rothau.

Là, à la descente du train, il y avait des S.S. armés qui attendaient avec des chiens-loups.

Nous étions environ 70.

On nous a fait mettre en rang à coups de pied et à coups de crosse.

Ensuite, entassés dans une petite camionnette, on nous transporta dans la montagne.

Mes autres compagnons d’infortune qui étaient Tchèques, Russes, etc.… ne savaient pas où nous allions, mais craignaient le pire (ils me faisaient comprendre que nous risquions d’être gazés dans cette camionnette et ainsi liquidés – cette pratique se faisait en Russie et en Pologne), tandis que moi j’avais entendu parler du camp du Struthof qui avait juste commencé en 1941.

Effectivement, nous sommes arrivés là.

Imaginez cette arrivée, en plein hiver par – 15°, entre 1 et 2 mètres de neige.

On nous bascula de la camionnette où nous étouffions presque.

Je n’avais que les vêtements très légers de la prison.

Alors nous avons dû nous mettre au garde-à-vous le long des fils de fer barbelés pendant 4 heures, à 10 cm des fils de fer électrifiés ; un mouvement et cela aurait signifié la mort.

Nous avons grelotté sans pouvoir bouger.

Finalement nous avons pu partir et nous rendre au baraquement de désinfection.

Tous les cheveux et poils du corps étaient rasés ; on nous plongea alors dans une grande bassine de désinfectant, puis on nous fit passer par la douche où l’un des S.S. nous arrosa avec un jet glacial.

Ensuite il fallait se mettre au garde-à-vous pendant 20 – 30 minutes, avant de recevoir la chemise, la veste et le pantalon rayés des bagnards, et une paire de sabots.

J’ai reçu le numéro 1670.

Nous étions à ce moment-là environ 350 détenus dans le camp.

Plus de mille avaient déjà disparu.

Je suis arrivé avec 70 autres.

Deux mois plus tard, nous ne restions que trois dans le camp, deux autres et moi-même. Beaucoup de ceux qui arrivaient au Struthof faisaient partie des contingents " Nacht und Nebel " c'est-à-dire " Nuit et Brouillard " selon les documents des S.S.

Cela signifiait que personne ne savait ce qui se passait là et ce qu’il était advenu de ces détenus.

Je ne veux pas décrire en détails les conditions.

Mais déjà ce traitement des premières heures nous avait frigorifiés. On grelottait pendant des jours jusqu’à ce qu’on réussisse à se réchauffer un peu. Et c’est dans cette période-là que j’ai eu ce cauchemar que j’ai décrit au début.

Souvent on nous faisait sortir pendant les nuits d’hiver à peine vêtus et à 1000 mètres d’altitude.

La nourriture était bien maigre et mauvaise, mais nous étions reconnaissants d’avoir au moins quelque chose de chaud.

On devait être au garde-à-vous pendant des heures : le matin une heure et demie et le soir au moins deux heures et demie, parfois plus longtemps.

On rentrait ensuite dans les blocs, fourbus, transis de froid ou trempés. Matin et soir on nous comptait soigneusement pour être sûr que personne n’essayait de s’enfuir.

Le travail était inhumain, parfois inutile.

Nous devions par exemple déplacer des m3 de terre et de rochers et cela quelques centaines de mètres plus loin, pour les rechercher quelques jours plus tard ; tout cela pour nous exténuer.

Début mars 1943 j’ai été mis avec d’autres sur une liste pour un transport.

C’était à nouveau l’inconnu.

Quel suspense !

Je me suis demandé : " Qu’est-ce qu’il va m’arriver maintenant ? "

Parfois cela signifiait le four crématoire, ou bien être destiné à des essais sur les êtres humains.

En entrant dans le bloc, j’ai croisé un communiste qui était interné depuis 1933 et qui avait vu beaucoup de choses.

Il connaissait ma position, savait que j’étais croyant, que je croyais à la Bible (je n’avais plus de Bible).

Il a vu que j’étais un peu désemparé, comme beaucoup d’autres aussi.

Il m’a dit : " Toi, tu n’as pas à t’en faire. Ton Dieu te conduira et Il te gardera ".

Ce communiste avait remarqué combien de fois j’aurais pu être tué et combien de fois Dieu était intervenu d’une manière extraordinaire.

Cet homme est décédé trois semaines après mon départ et moi je suis encore de ce monde.

J’aurais pu passer dans l’éternité bien des fois, j’aurais pu être fusillé ou pendu ou battu à mort.

C’est ainsi que je suis arrivé au camp de concentration de Buchenwald où j’ai reçu le n° 10564.

Ce n’était pas mieux, mais là aussi j’ai expérimenté la fidélité de Dieu.

Le système concentrationnaire des S.S. était très élaboré en vue d’une extermination rapide, sans grande peine de leur part ; mais Dieu m’a gardé.

Et si je suis en vie aujourd’hui, ce n’est que par la puissance de Dieu.

 Outre mon numéro matricule cousu sur la poitrine et sur le pantalon, j’avais le triangle rouge (politique), sans lettre distinctive (car les Russes avaient un R imprimé sur le triangle, les Belges un B, les français un F, etc.…) et j’étais ainsi considéré par les allemands comme étant de nationalité allemande ; cela n’a rien changé au traitement que j’ai reçu, bien au contraire.

Chaque fois qu’un officier S.S. me voyait, il me demandait pourquoi j’étais là, un jeune homme qui, selon eux, aurait dû être dans l’armée et au front.

Je leur expliquais la raison de mon refus de prêter serment pour Adolf   Hitler. Vous pouvez vous imaginer qu’elle était leur réaction.

Ainsi, ils cherchaient tous les moyens pour me nuire, pour m’exterminer.

Là j’ai vu bien des fois que la main de Dieu était sur moi. Si ce qu’ils avaient souhaité était arrivé, j’aurais pu mourir des dizaines de fois.

Oui, le Seigneur est merveilleux, même quand on voit des centaines de personnes mourir à ses côtés.

Personne n’était sûr du lendemain, même du moment qui suivait.

Vers la dernière année de la guerre, c’était un peu différent, quoique les conditions ne fussent pas meilleures.

Les camps étaient surchargés.

Durant l’appel, il pouvait arriver que le commandant du camp ou un officier S.S. aille dans les rangs, il comptait 1, 2, 3, 4, 5, …. 10 et chaque dixième devait faire un pas en avant.

Ceux-là pouvaient être fusillés, mis au cachot, ou désignés pour un certain commando ou transport.

Cela était fait pour nous terroriser.

Quand j’étais au Struthof, un sous-officier S.S., qui tuait un prisonnier sous prétexte qu’il voulait prendre la fuite, s’évader, recevait 10 marks de bonus et quatre jours de congé spécial à la maison.

Vous pouvez vous imaginer ce que cela signifiait.

Ces sous-officiers ne s’en privaient pas. C’était bien simple.

On travaillait avec la pioche ou la pelle.

Le sous-officier venait en disant : " Donne-moi ta pioche. "

Il la lançait derrière lui et ensuite il disait : " Pourquoi ne travailles-tu pas ? Va chercher ta pioche ! " Il fallait exécuter ses ordres.

Alors, en allant chercher et ramasser la pioche qui se trouvait juste derrière le cordon de sentinelles armées, le prisonnier était tout simplement abattu !

Il était considéré comme fuyard et c’était terminé pour lui.

Par contre le sous-officier S.S. recevait une prime et son congé.

Je vous donne cet exemple pour que vous ayez une idée de l’esprit de terreur et d’angoisse dans lequel nous vivions.

Au camp de Buchenwald, environ 80 % des prisonniers ont péri durant les 7 ans ½ de son existence.

On compte qu’il y avait selon les statistiques officielles, près de 239 000 prisonniers de toutes nationalités qui ont été enregistrés dans ce camp (sans compter ceux qui sont arrivés morts dans les convois ou qui ont été massacrés ou fusillés avant d’y entrer, par exemple les 8 000 prisonniers de guerre Russes ou plus, abattus d’une balle dans la nuque au cours d’un simulacre de visite médicale.

Début avril 1945, une semaine avant que les Américains n’arrivent, nous étions encore environ 53 000.

Quand ils sont arrivés au camp, nous n’étions plus que 19 à 20 000, car les S.S. avaient cherché à faire évacuer tout le camp et à le liquider.

Un grand nombre de prisonniers ont été exterminés dans la forêt ou en route ; environ 10 000 sont arrivés à Dachau et dans d’autres camps.

Cela donne un peu une idée.

Il y avait donc encore environ 30 000 détenus de Buchenwald vivants à la libération.

De ces 30 000, y en a-t-il encore 6 ou 7 000 en vie aujourd’hui ?

Il ne faut pas oublier que 7 500 000 ont péri dans les camps de concentration nazis.

Et sur 230 000 déportés partis de France, seulement 33 000 ont été rapatriés en 1945.

Oui, dans cet " enfer ", Jésus était réel et j’avais dans mon cœur cette assurance, cette paix, cette joie intérieure, que j’étais dans la main de Dieu.

Et même quand j’étais en prison, j’avais reçu du Seigneur, dans mon cœur, la certitude que je rentrerais à nouveau à la maison.

Et pourtant, humainement, tout démentait cette promesse que j’avais reçue dans mon cœur. J’aurais pu mourir chaque jour !

Ou même à la rentrée, j’aurais pu mourir comme des milliers d’autres qui sont morts la première année de leur retour à la maison.

Une grande partie de mes camarades rescapés sont morts entre 50 et 55 ans, suite aux séquelles.

Encore tout récemment, j’ai vu trois anciens camarades déportés de Buchenwald.

L’un d’eux m’a dit qu’il ne se passe pas une semaine sans qu’il ait des cauchemars la nuit (auparavant c’était chaque nuit).

Les médecins ne peuvent rien faire.

Je peux remercier le Seigneur car, à part cet unique cauchemar que j’ai eu après 4 ou 5 jours au Struthof, je n’ai plus jamais eu de cauchemar pendant ces trois années dans les camps : ni même par la suite.

Le Seigneur est puissant et Il peut sauver parfaitement ceux qui s’approchent de Dieu par Lui, étant toujours vivant pour intercéder en leur faveur (Hébreux 7 : 25).

Pour moi, Dieu m’a fait passer par les camps et je suis resté vivant, relativement en bonne santé, tandis que d’autres rescapés ont aujourd’hui encore de graves séquelles, ont été handicapés, mutilés ou mentalement désaxés.

Dieu est puissant.

Cela ne veut pas dire que toujours Il délivre.

Je connais le cas de personnes qui ont refusé de renier leur Seigneur et qui ont été amenées à Berlin et là elles ont été fusillées à cause de leur foi.

Mais je suis persuadé qu’elles sont allées rencontrer leur Sauveur dans la joie, dans la paix.

Quel que soit le chemin par lequel le Seigneur nous conduit, Il est avec nous et on peut Lui faire confiance.

Pour cela il faut Le connaître comme Sauveur et comme Seigneur et Berger.

Si je suis ainsi Son enfant, je peux Lui faire entièrement confiance ; Il veut mon bien.

Bien sûr, je ne souhaite à personne de devoir passer par de telles expériences.

Et pourtant, dans un sens, je ne les regrette pas, parce que j’ai expérimenté la réalité de Jésus-Christ d’une manière tout à fait tangible.

Jean-Paul KREMER

Témoignage transcrit d’une réunion donnée à Châteauroux en Septembre 1985.

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