La folie de la rose

Un jour que je me promenais au jardin, il se mit à souffler une délicieuse brise qui agita toutes les fleurs et les feuilles.

C’est de cette façon que parlent les plantes, aussi dressai-je l’oreille pour écouter.

- Fleurs secouez vos chenilles ! commanda un vieux sureau.

- Et pourquoi donc ? raisonnèrent plusieurs en même temps, car elles étaient comme certaines jeunes personnes de ma connaissance qui demandent toujours " pourquoi ? " quand on leur dit de faire quelque chose.

Le sureau répondit :

- Si vous ne le faites pas, elles vous mangeront, croyez-moi.

Les fleurs se mirent à se secouer jusqu’à ce que toutes les chenilles fussent tombées.

Au milieu d’un parterre il y avait une belle rose qui secoua toutes ses chenilles sauf une, car, se dit-elle : " Celle-là, c’est une beauté ; je vais la garder. Quel mal peut-elle me faire ? "

Le sureau qui avait l’oreille fine, l’entendit et lui cria :

- Une chenille c’est assez pour te gâter !

- Mais répliqua la rose, regarde donc comme elle est jolie avec son velours brun et ponceau et ses brillants yeux noirs. Je veux la garder. Une seule ne peut me faire de mal !

Quelques jours après, je me retrouvai au jardin et passai près de la rose.

Elle n’avait plus un pétale entier ; toute sa beauté avait disparu, et elle se mourait, rongée par le chancre fatal qu’elle avait abrité en son sein.

Il ne lui restait de vie que juste assez pour déplorer sa folie, ses larmes tombant comme des gouttes de rosée sur ses feuilles flétries.

- Hélas ! que n’ai-je cru qu’une chenille suffirait à me ruiner !

C’est là une vieille histoire mais dont la leçon est toujours de saison.

Que de vies ruinées par un seul péché entretenu en dépit des avertissements de la conscience !

Que de jeunes gens, de jeunes filles, boutons de fleur pleins de promesses, dont l’épanouissement a été misérable, gâtés, rongés qu’ils ont été par une séduisante chenille ! …

" Les insensés se font un jeu du péché " (Proverbes, chapitre 16, verset 9).

" Telle voie parait droite à l’homme, mais son issue, c’est la voie de la mort. " (Proverbes, chapitre 14, verset 12).

Luc, Chapitre 14, verset 10

" Quand tu seras invité, va te mettre à table à la dernière place. "

L’invitation est un honneur pour l’invité, mais il ne doit pas fixer lui-même sa place au festin.

Le rang qu’il doit occuper n’est point son affaire.

Ce n’est pas à nous à estimer ce que vous valons par rapport aux autres, ni à juger du degré d’honneur qui nous revient.

Celui qui présume être quelque chose, quoiqu’il ne soit rien, se séduit lui-même.

Et ce serait déjà trop présumer de soi que de se mettre à l’avant-dernière place.

Evitons donc de nous comparer aux autres convives, et de nous mesurer nous-mêmes.

C’est l’affaire du Maître.

S’il nous faut monter, ce sera un honneur ; s’il nous laisse à notre place, nous n’aurons pas la confusion d’y avoir été remis.

Combien l’observation d’une règle aussi sage éviterait d’agitations, dans l’Eglise comme dans la société, en étouffant l’ambition, l’envie, le désir de briller !

Combien de mauvais sentiments du cœur elle éteindrait, et comme elle ramènerait la paix là où elle est troublée !

Si nous étions bien pénétrés de la faveur que Dieu nous fait en nous invitant, nous ne penserions guère au rang que nous devons occuper dans son Royaume.

Baboushka

Les Mages d’Orient traversaient le sud de la Russie pour se rendre à Jérusalem.

Toutes les fois qu’ils rencontraient les moujiks ou des barines (maîtres), ils leur disaient la grande nouvelle qui était la cause de leur voyage.

Après avoir fait une marche de plusieurs verstes dans les steppes, ils arrivèrent vers le soir à un petit village formé par la réunion de quelques cabanes construites avec des poutres de sapin superposées et surmontées d’un toit de planche.

Une vieille femme se tenait assise sur un banc, hors de la première de ces izbas.

Elle était seule, seule au monde ; elle était songeuse ; ses vêtements eux-mêmes, faits de poils de chèvre de Cilicie, jetaient sur sa personne comme un air de tristesse.

Sa tête grise dont le vent avait ébouriffé les cheveux lui donnait un aspect étrange ; son front très creusé de rides, son visage basané, son regard assombri d’un voile de larmes, tout en elle disait :

" J’ai souffert.

" J’ai travaillé durement pour avoir du pain.

" J’ai pleuré.

" Je vais mourir.

" Voilà ma vie ! "

Elle regarda venir les Mages, curieusement, ne les quittant plus des yeux ; quand ils passèrent devant elle, elle fronça les sourcils ; eux comprirent sa muette interrogation.

- Venez avec nous, Baboushka ? qu’espérez-vous ici ? Des malheurs nouveaux ? Venez et vous serez consolée.

Les étoiles du ciel nous ont parlé, et l’astre du Roi des Juifs s’est levé, nous l’avons vu briller, et nous l’avons suivi ; il nous conduit auprès de Celui qui donne la paix, qui arrête les pleurs, qui sauve…. Venez avec nous ! Vous l’adorerez comme nous !

Et Baboushka leur répondit :

- Bientôt le vent d’hiver sifflera autour de mon izba ; la neige couvrira mon toit ; avant que ces choses n’arrivent il faut que mon chanvre ait mûri, alors je viendrai.

J’ai mon foin qui sèche à ma porte ; je le placerai dans ma grange, puis je viendrai.

J’ai mes chèvres dont le lait va tarir ; je les trairai, je ferai mes fromages, aussitôt après je vous suivrai.

Je vais me hâter.

Je laisserai tout en ordre dans ma maison, puis je marcherai bien vite, bien vite, je courrai dans les steppes, et je vous atteindrai ! j’adorerai avec vous le petit enfant.

Les Mages la saluèrent tristement et partirent.

Baboushka se leva vivement et, malgré sa lassitude, elle rentra son foin, prépara ses derniers fromages ; cela lui prit plusieurs jours.

Chaque aurore, elle regardait son chanvre ; il mûrissait lentement, cependant il répandait l’odeur fade et lourde qui annonce la prochaine maturité ; mais l’aube blanchit le ciel bien des fois avant qu’elle ait pu dire :

- Je vais faire ma récolte !

Enfin, l’hiver était proche – car le vent du soir était glacé – quand Baboushka put se mettre en route.

Elle parcourut plusieurs verstes, vite, très vite.

Elle ne rencontra aucune troïka rapide qui aurait pu l’avancer de quelques heures ; les campagnes étaient désertées.

Après bien des journées de marche, elle arrive, harassée, à l’entrée d’un village ; les izbas étaient fermées.

Elle heurta les volets de bois :

- Avez-vous vu passer les Mages ?

Les uns lui répondirent : Non !

D’autres lui dire vaguement – Peut-être sont-ils passés par ici !

Un moujik regarda la plaine déserte et murmura, en faisant un geste imprécis :

- Ils sont allé là !

Baboushka partit dans une direction hasardeuse ; bientôt elle perdit toute trace des Mages.

La nuit, elle interrogeait les étoiles.

Elle se réjouissait quand le froid était très vif, car alors elle pouvait voir le ciel sans nuages et contempler les constellations dans toutes leurs splendeurs.

Mais les astres restaient muets ! et l’étoile du Roi des Juifs s’était éteinte !

La vieille femme se décida à visiter toutes les maisons qu’elle rencontrerait et à s’arrêter dans toutes celles où il y aurait des enfants.

Elle marcha jusqu’au prochain village, elle écouta aux portes, elle se pencha sur les cheminées, quand elle entendait une voix enfantine, un pleur de baby, la respiration pressée d’un petit être rose, elle criait :

- Voici Baboushka !

Elle espérait toujours qu’une voix lui répondrait :

- Entre ! Jésus est ici !

Et c’est pour cela que chaque année, à Noël, dans toutes les izbas des villages, dans les palais des grands seigneurs, dans les maisons luxueuses des barines, quand les ouragans de neige s’abattent sur les campagnes, lorsqu’on célèbre Noël, on entend une voix mystérieuse qui sanglote :

- Voici Baboushka :

Et la bise siffle en murmurant ce douloureux soupir :

- Ah ! Si je n’avais pas attendu ! si j’avais suivi les Mages ! J’aurais adoré le Roi des Juifs ! Mon âme travaillée et chargée aurait été soulagée ! …

Benjamin ARBOUSSET - Légende russe

Les deux rabbins de Tarse

Le récit suivant n’est probablement qu’une légende ; mais il est trop frappant et le sens en est trop profondément vrai pour n’être pas en édification à chacun.

Un jour, Abdiel rencontra Paul à Tarse, après son voyage à Damas, assis tout pensif à la porte de sa demeure, entouré de ses livres et des instruments de travail de son état.

-" J’entendis dire de toi des choses étranges, dit le rusé rabbin. Toi aussi, tu serais devenu un sectateur du Nazaréen ! quel chemin vas-tu suivre après cette belle conversion ? "

- " J’irai prêcher l’Evangile à toutes les nations, répondit avec douceur le nouveau converti. Je partirai demain.

" Le rabbin qui portait un certain intérêt à Paul le regarda d’un air incrédule en disant :

- " Sais-tu bien ce que tu sacrifies ? Tu vas quitter tes parents et amis, la société des grands et des savants. Tu vivras de privations et tu rencontreras le péril. Tu seras pauvre, on te dira des injures, on te persécutera, on te fouettera ; peut-être même te mettra-t-on à mort. "

- " Rien de tout cela ne m’ébranle, dit Paul, j’ai calculé la dépense. Ma vie ne m’est pas à beaucoup près aussi précieuse que la soumission à la loi de Dieu, et le privilège de proclamer la vérité, en face même de la contradiction universelle.

Je marcherai dans la lumière de Dieu et je ne craindrai rien, je ne suis plus esclave et soumis à la vieille loi du péché et de la mort, mais je suis un libre enfant de Dieu, affranchi par la loi de l’Esprit de vie en Jésus-Christ. "

- " Ici, continua le rabbi, tu jouis du bien-être et de la renommée ; dans ta nouvelle carrière, tu rencontreras le labeur, l’infamie et la mort. "

- " La voix de Dieu me dit : Va ! s’écria l’apôtre avec fermeté ; je suis tout prêt à me dépenser et à me laisser sacrifier pour la cause de la vérité. "

- " Eh bien ! meurs, cria le rabbi d’une voix tonnante ; meurs comme un Nazaréen insensé, comme un impie que tu es. L’homme amoureux de nouveautés et qui préfère ses folles convictions à une solide aisance et aux conseils de ses amis mérite la croix. Meurs dans ton aberration. Désormais je te renie ; tu n’es plus mon parent ! "

Les années s’écoulèrent.

La Parole de Dieu s’étendit victorieuse.

Mais un jour on apprit à Tarse une nouvelle qui courut de bouche en bouche.

" Paul l’apostat, dit-on, est à Rome dans les fers, attendant tous les jours d’être jeté aux lions.

Et dans la synagogue, Abdiel dit à ses confrères : Ce que j’avais prévu est arrivé. Combien il aurait mieux fait de continuer sa profession, de suivre la voie de ses pères et des prophètes que d’écouter les fantaisies de sa conscience !

Il aurait pu atteindre honorablement une heureuse vieillesse à Tarse et devenir le père de fils et de filles. Dans les rues on l’aurait salué, en l’appelant Rabbi. "

Ainsi parlait-on à Tarse.

Et dans le même temps, Paul était rempli de consolation dans son cachot.

Le Seigneur lui apparut dans une vision et lui dit : " Ne crains point, Paul. Tu as combattu le bon combat. Voici, je serai avec toi jusqu’à la fin !

Et le paisible vieillard répondait : Je connais celui que j’ai servi, et je suis assuré qu’il est puissant pour garder mon dépôt. Je n’ai pas un esprit de crainte, mais d’amour et de sagesse. J’achèverai ma course avec joie, car je sais que la couronne de justice m’est réservée.

Maintenant, le salut est plus près de moi, mon espérance est plus vive que lorsque j’ai cru d’abord. "

Et ces paroles qui s’étaient fait entendre naguère sur la montagne de la transfiguration, retentirent dans son cœur : Tu es mon fils bien-aimé ; en toi j’ai mis mon bon plaisir.

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