Depuis la nuit mémorable du 26 / 27 avril 1986, Tchernobyl est devenu le symbole de l’horreur.

Au début, les média ont donné d’amples informations sur les actes héroïques des " liquidateurs de l’avarie ", mais il faut ajouter qu’après avoir accompli leur mission, beaucoup d’entre eux sont morts des suites de l’irradiation.

Dix ans se sont écoulés depuis que l’Occident a appris avec consternation la catastrophe de Tchernobyl et ses conséquences.

Mais qu’en est-il actuellement dans les régions contaminées ?

La situation s’y est-elle améliorée ?

Aussi cynique que cela puisse paraître, les gens qui ont survécu à la catastrophe ne peuvent qu’envier ceux qui ont succombé les premiers jours.

Car la mort lente due à la destruction de la glande thyroïde, du foie, de la moelle épinière et de la vue, reste là-bas une épouvantable réalité.

" Je ne veux pas mourir ! Je suis encore trop jeune pour cela " crie avec désespoir un jeune officier à l’hôpital.

Et pourtant….

Les premiers symptômes de la maladie : violents maux de tête, fatigue chronique, qui se répandent par tout le corps et rendent les mains et les pieds comme du plomb, provoquent tout d’abord un choc, puis poussent à la recherche fébrile de remèdes.

Un " spécialiste compétent " ayant répandu un peu partout dans le monde le bruit que l’irradiation n’avait aucun effet nuisible sur ceux qui buvaient de l’alcool, quantité de personnes – aussi bien hommes que femmes – se précipitèrent sur la bouteille.

Ce qui eut pour résultat un brusque accroissement de cas de folie provoquée par l’alcool.

Rendant visite à un ami à Kiev, je rencontrai chez lui " par hasard " Vladimir Rechetnik avec lequel je m’entretins.

Vladimir avait appartenu au groupe des premiers " liquidateurs " de la catastrophe de Tchernobyl, et comme conducteur d’autobus – il avait 28 ans – avait dû avec plusieurs centaines de ses collègues, évacuer les habitants de Pripjatj, ville située à une distance de 700 mètres de la centrale atomique.

Beaucoup de ses collègues de travail sont morts depuis.

" Vladimir, comment as-tu donc fait pour être un handicapé de troisième catégorie ? demandai-je à mon nouvel ami.

" Hé bien, je n’y vois à présent rien de tragique ", répondit-il avec un sourire amical. " Je sais qu’une mort prématurée ne peut que m’introduire plus vite dans la présence du Seigneur, mais alors… quand ça m’est arrivé, je ne croyais pas encore en Dieu.

" Mes parents s’étaient donné toutes les peines du monde pour faire de moi un véritable athée.

" Je me mis réellement à penser à Dieu lors de la catastrophe de Tchernobyl.

" Mais j’étais jeune et fort et ne prenais pas au sérieux le danger de la contamination.

" Pour moi, ce danger ne rimait à rien. Ensuite, ça m’est venu d’un seul coup : Mes pieds et mes mains ont commencé à refuser de m’obéir, ma vue devenait de plus en plus trouble.

" Le diagnostic du médecin fut catégorique : " Si tu veux vivre, tu dois partir d’ici immédiatement. "

Vladimir et sa famille – sa femme et ses trois enfants – partirent pour la Moldavie.

Ce fut là-bas que sa femme et lui rencontrèrent le Christ et leur nouvelle foi les remplit d’une grande joie.

Pourtant, il y avait une ombre à cette joie : Dans sa ville natale de Dymer, située à 60 kilomètres à vol d’oiseau de Tchernobyl, il n’y avait aucun témoignage chrétien, des hommes et des femmes mouraient et il n’y avait personne pour leur montrer la voie du salut.

Cette région était comptée parmi les moins contaminées – zone contaminée au 4ème degré.

Tous les membres de la famille de Rechetnik étaient atteints dans leur santé et un retour à Dymer équivalait à vues humaines à un suicide collectif.

Vladimir, ayant fait part à son épouse Tatiana de son désir de retourner à Dymer, celle-ci s’y opposa catégoriquement et aucun argument n’y fit.

Elle finit par céder et dit : " Si ta conviction vient de Dieu, alors qu’elle soit aussi la mienne ! "

Et puis la guerre civile éclata en Moldavie.

Du 3ème étage de leur demeure, la famille Rechetnik pouvait contempler la ville de Bendery terriblement dévastée.

A cause des échanges de feu continuels, ils ne pouvaient se déplacer qu’en rampant dans leur demeure.

Il se passa peu de temps et Vladimir fut arrêté et interné – comme chrétien il ne pouvait participer à la guerre.

Tatiana, qui attendait un quatrième enfant, réussit avec beaucoup de peine à retrouver son mari.

Ce fut un miracle de Dieu que Vladimir n’eût pas été fusillé avec beaucoup d’autres et que Tatiana réussit à convaincre les soldats de relâcher son mari.

Alors ce fut pour Tatiana la goutte d’eau faisant déborder le vase.

" Ça suffit ! Partons d’ici, je l’exige. Je suis prête à aller n’importe où " s’écria-t-elle.

Mais quitter la ville n’était pas chose si simple.

Partout il y avait des postes de garde, des blindés sillonnaient les rues sans faire attention à qui que ce soit.

Les véhicules qu’ils rencontraient étaient littéralement laminés.

Mais pour Vladimir et Tatiana le départ était la seule solution.

Ils préparèrent la famille, implorèrent la protection divine, montèrent dans leur petite " Lada " et à peine étaient-ils partis qu’il se mit à tomber tout à coup une pluie si forte qu’on n’y voyait pas même à cinq mètres devant soi.

Toute circulation fut stoppée et il ne resta plus que ceux qui avaient eu le courage de partir.

Ils sortirent de la ville sans encombre et, sitôt les maisons franchies, ô miracle, le soleil se mit à briller.

Le Seigneur mettait ainsi le sceau de son approbation sur la décision de la famille.

Ils arrivèrent dans leur ville natale les mains vides.

Des parents mirent provisoirement à leur disposition deux petites pièces.

Le Seigneur bénit leur retour par la venue d’un quatrième enfant qui, contre toute attente, naquit en parfaite santé, ce qui fut un sujet d’étonnement pour tout le monde.

Pendant tout ce temps, Vladimir réfléchissait aux moyens de faire avancer l’œuvre de Dieu.

Il se forma bientôt dans la ville une petite communauté pour laquelle il devint urgent de disposer d’un lieu de culte.

Et la famille avait également besoin d’un toit !

Lorsqu’après notre première conversation à Kiev, j’allai à Dymer pour un séjour de quelques jours, je n’en crus pas mes yeux en voyant se dresser devant moi un bâtiment magnifique.

Et tout cela avait été l’œuvre d’un homme qui, à la suite d’une détérioration de la colonne vertébrale, ne pouvait même pas soulever un marteau ! ?

Vladimir dit en souriant : " J’ai été en partie aidé par des frères qui étaient venus d’une ville voisine passer quelques semaines ici pour donner un coup de main. Et j’ai aussi reçu un soutien financier. "

Je me sentis saisi d’un profond respect devant cet homme qui, d’après les pronostics des médecins, aurait dû être mort depuis longtemps et qui, malgré son état, avait non seulement entrepris la direction des travaux, mais en avait effectué lui-même la plus grande part.

Avec Vladimir Rechetnick, nous entreprîmes une tournée d’évangélisation à Polesskoyé, petite ville située à 30 kilomètres du réacteur en panne de Tchernobyl.

Les zones les plus contaminées – degrés 1 et 2 – se trouvent à 30 kilomètres autour du réacteur.

Bien que Polesskoyé soit située dans la zone 3, cette petite ville est également condamnée à disparaître. Le nombre des habitants qui était de 14. 000 est tombé actuellement à 3000.

Sur la route de Polesskoyé, nous ne rencontrâmes que quelques rares autos.

Nous passâmes le long de quelques villages morts.

Je demandai à Vladimir de s’arrêter et photographiai les maisons abandonnées, les champs devenus déserts et des cimetières entourés de clôtures en fil de fer barbelé.

Les environs avaient un aspect fantomatique et lugubre.

Bientôt, je sentis comme un grattement dans la gorge et un picotement à la langue. La radioactivité se manifeste avant tout par une excitation de la glande thyroïde et la langue a comme un goût de métal lourd.

La petite communauté des croyants de Polesskoyé nous attendait déjà.

La maison dans laquelle se tiennent les cultes avait été abandonnée par ses anciens propriétaires.

Sœur Sabine qui y vit actuellement toute seule n’est pas pressé de s’en aller.

" Qu’un seul pécheur se convertisse une fois par an dans cette maison et j’y reste " dit-elle.

A la vérité, elle est peinée de voir que presque tous les nouveaux convertis s’en vont à la première occasion, mais elle ne perd pas courage.

Au culte, auquel je participai également en tant que prédicateur, deux personnes se convertirent.

Sœur Sabine, heureuse et souriante, commenta ainsi cet événement : " Vous voyez, j’avais bien reçu l’ordre du Seigneur de rester ici deux ans. "

Pour bien d’autres raisons, sœur Sabine estime qu’elle doit rester à Polesskoyé.

Dans les environs contaminés par la radioactivité, il y a une quarantaine de villages dans lesquels vivent des milliers de personnes et parmi elles, des croyants.

Comme ceux-ci viennent au culte à Polesskoyé et que les lignes d’autocars ne desservent ces villages qu’une ou deux fois par semaine, plusieurs croyants doivent parfois parcourir jusqu’à 20 kilomètres et même plus à pied.

Et si sœur Sabine quittait Polesskoyé, que feraient ces croyants privés de ce lieu de rencontre ?

Sabine est parfois exposée à des épreuves qui pourraient bien lui faire perdre courage.

La contamination radioactive n’est pas le seul danger là-bas.

Il y a quelques semaines, elle fut réveillée par un violent tapage à la porte d’entrée.

Sabine resta dans son lit et se mit à prier en silence.

Elle entendit comme un bris de vitres.

Quelques hommes grimpèrent jusqu’à la fenêtre et s’introduisirent dans le salon. Ces hommes devaient savoir que Sabine vivait seule dans la maison.

L’un des voleurs dirigea la lumière de sa lampe de poche à travers la porte ouverte de la chambre à coucher sur le téléphone qui s’y trouvait pendant que les autres étaient dans le salon.

Sabine pensa à sa fin possible et pria : " Seigneur, fais-en sorte que je sois prête, si ma dernière heure a sonné. "

Bientôt les voleurs quittèrent le salon et prirent le même chemin par lequel ils étaient venus.

Tout redevint calme dans la maison.

Sabine constata que le magnétophone avait disparu. C’était un don à la communauté par un frère croyant allemand.

Après avoir consulté un membre de la communauté, Sabine alla faire sa déposition à la police locale.

Deux officiers vinrent chez elle et enregistrèrent son rapport.

" Qu’est-ce que vous faisiez pendant que les voleurs furetaient dans le salon ? " demanda le commandant.

" Et vous qu’est-ce que vous auriez fait à ma place ? " lui répliqua Sabine du tac au tac.

Le commandant regarda ébahi son collègue, un capitaine.

" Toi, sans doute, tu te serais sauvé comme un lapin et quant à moi... franchement, je n’en sais rien " concéda-t-il.

Alors il posa de nouveau la même question à Sabine.

" Je priais " donna-t-elle pour seule réponse, réponse qui fut immédiatement consignée dans le procès-verbal.

Il se tut un instant et reprit : " S’il vous plait, venez à notre poste de police pour nous en dire un peu plus sur votre Dieu. "

Sœur Sabine est maintenant reconnaissante des suites de cette agression nocturne car le vol du magnétophone lui a donné de nouvelles possibilités de répandre l’Evangile.

Nous voici de nouveau à Dymer.

" Quoi de nouveau chez vous ? " demandai-je à frère Vladimir.

Son regard s’assombrit soudain.

" Je me demande parfois si nos enfants ne vont pas nous accuser un jour de les avoir entraînés dans ce pays. "

Et il ajouta : " Les enfants souffrent des suites de la contamination. Mais le fils ainé nous comprend. "

Et Tatiana de renchérir : " Alors que notre quatrième enfant devait venir au monde, les médecins voulaient absolument s’y opposer et m’obliger à avorter. Comme je refusais obstinément, on m’a abreuvée des pires injures et m’a avertie que mon enfant serait soit infirme, soit un retardé mental.

" L’idée d’avoir à accepter un enfant dans cet état m’était très pénible.

" J’ai beaucoup pleuré. De plus, à cause d’une piqure mal faite, mes jambes me faisaient cruellement souffrir et refusaient de me porter.

" Le jour de l’accouchement, les membres de ma famille ont prié et jeûné pour moi et notre futur enfant.

" Lorsque j’ai appris que le bébé était parfaitement constitué et qu’en particulier ses membres étaient normaux, j’ai été soulagée et j’ai pleuré de joie.

" J’ai demandé pardon au Seigneur, pardon de mes craintes. "

Le docteur nous a dit que notre enfant était le plus beau de tous ceux qu’il avait accouchés.

Tous les autres enfants avaient malheureusement des anomalies.

" L’Etat, à court de moyens, cherche à rogner sur quelques privilèges dont les habitants de la zone 4 bénéficiaient encore.

Ainsi on a supprimé la distribution gratuite de poly-vitamines aux enfants et celle des légumes.

C’était toujours une fête pour nos petits lorsque notre ainé, âgé de 11 ans les rapportait à la maison.

Acheter des légumes au marché est beaucoup trop cher pour nous.

La vache de la famille a dû être abattue parce qu’elle avait porté un veau déformé et ne pouvait même plus vêler.

Ce cas de stérilité hélas ne touche pas seulement les animaux…. "

Vladimir a trouvé quelque consolation à la perte de sa vache.

Son lait était de toute façon contaminé par la radioactivité et avec le prix de la viande qu’il en a tiré, il a pu continuer la construction du lieu de culte.

Et il ajouta :

" Dieu ne se trompe pas. Nous avons un urgent besoin d’un lieu de culte car dans notre région il n’y en a pas un seul. Si la population ne dispose pas d’un tel lieu où elle puisse entendre la Parole de Dieu, bien des dangers la guettent.

" Chez nous, les Mormons, les Témoins de Jéhovah et d’autres sectes sont de plus en plus actifs. La " Fraternité blanche " comme on l’appelle ici, a tout mis sens dessus dessous.

De plus, nous avons de grosses difficultés dans nos prises de contact avec les écoles.

Et la vieille garde communiste n’est pas la dernière à profiter de la situation.

Nous voulons toutefois faire notre possible pour apprendre à nos enfants à aimer le Seigneur Jésus. "

L’état de santé de Vladimir se dégrade lentement.

La construction du lieu de culte lui a pris ses dernières forces si bien que son état s’est considérablement aggravé.

Mais lui-même accepte cette épreuve.

" De toute façon, il ne me reste plus longtemps à vivre, que mes dernières années soient entièrement consacrées au Seigneur, " déclare-t-il.

Prions pour les quelques chrétiens de la région de Tchernobyl – avec ce faible petit reste – afin qu’ils ne perdent pas entièrement courage mais remplissent jusqu’au bout la tâche que le Seigneur leur a confiée.

Edward Ernest

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