Georges WISHART - Souvenirs de la réforme en Ecosse (1)

Dans l’été de 1544, revint d’Angleterre en Ecosse un homme pieux, Georges Wishart, frère du laird de Pittarrow dans le comté de Maims.

Etant à Montrose en 1538, et y lisant le Nouveau Testament grec avec des jeunes gens qu’il instruisait, il avait été sommé par l’évêque de Brechin de comparaitre devant lui.

Wishart s’était retiré à Cambridge, où il s’était livré à l’étude pendant six années.

En 1544, des commissionnaires écossais venus en Angleterre pour le traité avec Henri VIII, le prirent avec eux et le ramenèrent en Ecosse.

Il se rendit d’abord à Montrose, son ancien séjour, et de là à Dundee où il désirait annoncer la Parole de Dieu.

Tout, dans sa personne, prévenait en sa faveur ; il était aimable, humble, poli ; son plus grand bonheur était d’apprendre à enseigner.

Il était grand, ses cheveux noirs étaient coupés, sa barbe longue ; sa physionomie indiquait plutôt un tempérament mélancolique ; il avait un chapeau français de la meilleure étoffe, une robe qui tombait jusqu’aux talons, et un pourpoint noir ; toute sa personne respirait la bienséance et la grâce.

Il parlait avec modestie et avec une grande gravité.

Il couchait sur la dure, et sa charité n’avait de fin, ni nuit, ni jour.

Il aimait tous les hommes. Il donnait, consolait, aidait, il étudiait tous les moyens de faire du bien à tous et de ne faire du mal à personne.

Il distribuait aux pauvres diverses pièces de ses vêtements, " sauf son chapeau français que je lui ai toujours vu tout le temps que j’ai été avec lui, " dit un étudiant de Cambridge qui a tracé ce portrait de Wishart peu avant que celui-ci partit pour l’Ecosse.

La réputation de Wishart l’ayant précédé, un grand nombre d’auditeurs se réunirent à Dundee autour de lui.

Il y exposait la doctrine du salut d’une manière suivie, d’après l’épître aux Romains, et chacun admirait son savoir et son éloquence.

Mais les prêtres disaient partout que s’il continuait, le système romain tomberait inévitablement en ruine ; ils réclamèrent le secours d’un laïque influent, Robert Mill, qui, après avoir professé la vérité, l’avait abandonnée.

Un jour, comme Wishart finissait son discours, Mill se leva dans l’église et lui défendit au nom de la reine et du régent de les troubler davantage.

Wishart garda quelque temps le silence, puis, levant les yeux vers le ciel et les portant ensuite tristement sur l’assemblée, il dit :

" Dieu m’est témoin que je ne suis pas venu apporter le trouble mais la paix, et si vous rejetez la Parole de Dieu, soyez sûrs que cela vous plongera dans beaucoup de troubles.

" C’est au péril de ma vie que j’ai prêché parmi vous la Parole du salut.

" Convertissez-vous à Dieu, car il est plein de grâce, mais si vous ne vous tournez pas vers lui, il vous visitera avec le feu et avec l’épée. "

Ayant ainsi parlé, il descendit de la chaire, et se rendit dans la partie occidentale de l’Ecosse.

Etant arrivé dans la ville d’Ayr, il y prêcha à de grandes assemblées qui recevaient avec joie ses paroles… ; et comme sa réputation se répandait tout à l’entour, les gens de Manchlin vinrent lui demander de leur prêcher l’Evangile le dimanche suivant.

Mais le shérif d’Ayr l’ayant appris, envoya pendant la nuit une troupe qui se posta autour de l’église.

" Nous y entrerons de force, " dit Hugues Campbell à Wishart.

- " Frères, leur dit l’évangéliste, la parole que je prêche est une parole de paix, il ne faut pas que le sang coule pour elle.

" Christ a prêché plus souvent lui-même dans le désert ou sur le bord de la mer que dans le temple de Jérusalem. "

Il se dirigea vers la campagne, disant à la foule qui l’entourait que le Seigneur était aussi puissant là que dans l’église.

Il monta sur un tertre élevé, le temps était splendide ; il parla plus de trois heures.

Un homme qui avait toujours mené une vie profane, Laurence Ranken, laird de Shield, fut frappé de ce qu’il entendait ; les larmes coulaient de ses yeux avec tant d’abondance que chacun en était étonné.

Converti par ce discours, le laird de Shield montra par toute sa vie que sa conversion était véritable.

Wishart prêcha avec le même succès dans toute la contrée. La moisson était grande, dit un historien.

Le réformateur apprit tout à coup que la peste avait éclaté à Dundee quatre jours après son départ, et qu’elle y sévissait avec fureur.

Il résolut aussitôt de s’y rendre.

" Ils ont besoin d’être consolés, disait-il à ceux qui voulaient le retenir, et la main de Dieu qui les châtie leur fera peut-être recevoir maintenant cette parole que la crainte des hommes leur a fait rejeter. "

Arrivé en août 1544, il annonça le matin même qu’il prêcherait.

Il fallait séparer ceux qui étaient pestiférés de ceux qui ne l’étaient pas, et il en trouva le moyen en s’établissant sur la porte orientale de la ville.

Les gens en santé se tenaient en dedans et les malades en dehors de la cité.

Jamais auditoire n’avait été peut-être ainsi distribué.

Ouvrant la Bible, il lut ces paroles : " Il envoie sa Parole et les guérit " (Psaume, chapitre 107, verset 20), " la miséricorde de Dieu, dit-il, se répand aussitôt sur quiconque se tourne vers lui, et il n’est pas possible à la malice des hommes d’agrandir ou de diminuer son amour. "

- " Nous ne craignons plus la mort, disaient plusieurs de ses auditeurs, et nous trouvons que ceux qui partent sont plus heureux que ceux qui restent. "

Cette porte orientale (Cowgate) fut laissée debout en mémoire de Wishart, quand les murailles de la ville furent abattues à la fin du dix-huitième siècle, et aujourd’hui encore on l’entretien avec soin.

Wishart ne se contentait pas de parler, il visitait les malades ; il s’exposait sans crainte à l’infection dans les cas mêmes les plus dangereux.

Il prenait soin que les malades eussent ce qui leur était nécessaire, et les pauvres étaient aussi bien fournis de tout que les riches.

La ville se trouvait dans une telle détresse qu’on n’osait fermer cette bouche de laquelle découlait tant de douceur.

Cependant, à l’instigation du cardinal, dit Knox, un prêtre nommé Wighton, prit une épée, la cacha sous sa robe, se mêla à la foule comme s’il était un simple auditeur et se posta au bas de l’escalier par lequel Wishart devait descendre.

Le discours étant terminé, le peuple se retira ; mais Wishart, dont le regard était vif et le jugement prompt, remarqua, en descendant les degrés, un ecclésiastique tenant sa main sous sa robe, et au moment où il passait devant lui : " Mon ami, " lui dit-il, " que penses-tu faire ? "

En même temps il saisit sa main et lui arracha son glaive.

L’assassin tomba à ses pieds, confessa sa faute.

En un instant le bruit se répandit qu’un prêtre avait voulu tuer le réformateur, et les malades qui l’avaient entendu, rebroussant chemin, s’écrièrent : " Livrez-nous le traitre ou nous le prenons de force ! "

En effet, ils se précipitèrent sur lui ; Wishart mit ses bras autour de l’assassin.

" Tout le mal que vous lui ferez, vous le ferez à moi-même, dit-il, il ne m’a point blessé. "

Ses amis insistèrent pour qu’à l’avenir l’un d’eux, étant armé, l’accompagnât partout où il irait.

Quand la peste eut cessé à Dundee, Wishart pensa que, puisque Dieu avait mis fin à cette bataille, il l’appelait à une autre.

Il était en effet question pour lui d’une dispute publique ; il demanda aux évêques où il devait être entendu.

Il se rendit d’abord à Montrose " pour y saluer l’église, " et, tout en y prêchant l’Evangile, il était nuit et jour en prières et en médiations intimes, voulant se préparer à des luttes nouvelles.

Il y reçut une lettre qu’il pouvait croire écrite par son ami le baron Kynneir qui, étant malade, l’aurait appelé vers lui.

C’était un artifice du cardinal ; soixante cavaliers armés l’attendaient derrière une colline pour le faire prisonnier.

Il partit sans défiance. Arrivé à quelque distance, il s’arrêta tout à coup au milieu des amis qui l’accompagnaient et parut plongé dans une profonde rêverie.

Puis il se retourna et rebroussa chemin.

" Que faites-vous, " lui dirent ses amis étonnés.

" Je n’irai pas plus loin, répondit-il, Dieu me le défend ; il y a ici trahison."

 Puis, montant la colline : " Que quelques-uns de vous se rendent à cet endroit, ajouta-t-il, et me disent ce qu’ils y trouveront. "

Ces braves gens rapportèrent en toute hâte ce qu’ils avaient vu : " Je sais, dit-il, que cet homme sanguinaire m’ôtera la vie ; mais ce ne sera pas de cette manière. "

Peu après, il prit la route d’Edimbourg, malgré les instances du laird de Dundee, et vint coucher à Innergowrie chez un pieux chrétien, James Watson.

Un peu après le milieu de la nuit, deux hommes de bien qui étaient dans la maison, W. Spalding et John Watson, l’entendirent ouvrir sa porte et descendre.

Ils le suivirent secrètement, le virent entrer dans le jardin et se promener quelque temps dans une allée.

Wishart, convaincu qu’il approchait de sa fin et connaissant l’horreur du martyr et sa propre faiblesse, était vivement agité et sentait le besoin de crier à Dieu afin qu’il ne bronchât pas au milieu du combat.

On l’entendait pousser des soupirs, puis, le jour commençant à poindre, on le vit tomber à genoux, mettre sa face en terre, et pendant une heure entière les deux amis entendirent le son confus de sa prière interrompue de temps en temps par des larmes.

A fa fin, il parut se calmer et avoir trouvé du repos pour son âme.

Il se leva et rentra doucement dans sa chambre.

Le matin, ses amis inquiets lui demandèrent ce qu’il avait eu ; il éluda la question.

" Ouvrez-vous à nous, lui dirent-ils, nous avons entendu vos soupirs ; nous vous avons vu prosterné en terre. "

- " Vous auriez mieux fait d’être dans vos lits, " dit-il, à peine ai-je fait quelque chose de bon. "

Et comme ils insistaient, il leur parla de sa mort prochaine et du besoin qu’il avait du secours de Dieu.

Fort attristés, ils versèrent des larmes.

- " Dieu, leur dit Wishart, vous enverra la consolation quand je ne serai plus. Ce royaume sera tout illuminé de la clarté de l’Evangile de Christ. Il y aura ici plus de clarté qu’il n’y en a eu en aucun royaume depuis le jour des apôtres.

" La maison de Dieu y sera édifiée, et quoique l’ennemi fasse, la vraie pierre du faite n’y manquera pas.

" Ce qui veut dire, ajoute Knox, que la maison de Dieu y parviendra à la plénitude de la perfection. "

Wishart reprit :

" Ceci n’est pas éloigné, et il n’y en aura pas beaucoup qui souffrent après moi, jusqu’à ce que la gloire de Dieu apparaisse et triomphe en dépit de Satan. Mais hélas ! si le peuple devient ensuite ingrat, les plaies dont il sera frappé seront terribles… "

Le comte de Cassilis et quelques autres amis de Wishart lui avaient donné rendez-vous à Leith, et comme cette ville est très près d’Edimbourg, ils lui avaient recommandé de ne pas se montrer jusqu’à leur arrivée.

Ayant dû attendre un jour ou deux, il tomba bientôt dans une grande tristesse.

" Quelle différence y a-t-il entre moi et un mort, disait-il, si ce n’est que je bois et je mange ? "

" J’ai toujours cherché à dissiper les ténèbres et maintenant je me cache moi-même. "

- " Vous savez, lui dirent ses amis, à quels dangers une prédication vous exposerait. "

- " Laissez-le Seigneur, répondit-il, pourvoir à ce qui me regarde comme il lui plaira. "

Il prêcha le dimanche suivant, quinze jours avant Noël, sur la parabole du semeur…

A Jawernek, Wishart parla avec tant de puissance que sir Georges Douglas, frère du comte d’Angus, qui était dans l’assemblée, dit publiquement après le sermon : " Je sais que le régent et le cardinal (ils étaient alors à Edimbourg) apprendront que j’ai été au milieu de vous.

Dites-leur de ma part que je maintiendrai de tout mon pouvoir non-seulement la doctrine que j’ai entendue, mais encore le docteur qui l’a exposée. "

Ceux qui étaient présents se réjouirent fort de ces paroles prononcées par un seigneur si influent.

Quant à Wishart, il lui suffisait de savoir que Dieu garde les siens jusqu’à ce qu’il les appelle.

Il prêcha en d’autres lieux devant de grandes foules, et avec d’autant plus de zèle qu’il savait et répétait que le jour de sa fin était proche.

Il passa après Noël dans le comté d’Haddington.

Le cardinal, informé de son dessein, en avait prévenu le compte de Bothwell, qui fit aussitôt savoir soit dans la ville, soit dans les campagnes, que nul ne devait aller entendre cet hérétique sous peine de son déplaisir.

Les ordres de ce seigneur redouté eurent leur effet.

Le premier jour, Wishart avait réuni une grande assemblée, mais le lendemain ses auditeurs furent très peu nombreux…

Saisi de douleur, il appela Knox qui ne le quittait pas depuis qu’il était dans le Lothian.

" Je suis las du monde, lui dit-il, puisque je vois que les hommes commencent à être las de Dieu… "

Après avoir rempli son message, le serviteur de Dieu prit congé de ses amis et s’apprêta à sortir de la ville.

" Je ne veux pas vous laisser seul, " lui dit Knox ; mais Wishart, ne cessant d’avoir devant les yeux sa fin prochaine, lui dit : " Non, retourne à tes élèves, et que Dieu te bénisse. Un seul suffit pour le sacrifice. "

Il lui fit déposer le glaive et se sépara de lui.

Le laird d’Ormiston, qui était alors avec Wishart, l’avait invité à la campagne chez lui.

Ils partirent avec quelques nobles des environs.

Le froid étant vif, ils firent le chemin à pied.

Pendant le souper, Wishart parla de la mort des enfants de Dieu. Puis il dit en souriant : Il me semble que j’ai sommeil. Chantons un psaume.

Il indiqua le 51ème et l’entonna lui-même. Fais-moi grâce, grand Dieu, dans ta miséricorde.

Le psaume fini, il passa dans sa chambre et se coucha…

(Arrêté dans la nuit, malgré les protestations de son hôte), Wishart fut d’abord transporté au château d’Edimbourg, et à la fin de janvier 1546, le régent le livra au cardinal qui le fit enfermer à Saint-André, dans la tour de la mer.

L’assistance d’un juge civil était, à ce qui semble, nécessaire pour la validité du jugement.

Le cardinal en demanda un à Arran, mais un des conseillers de celui-ci, Hamilton de Preston, lui dit : " Quoi, livrer aux méchants ceux dont les ennemis mêmes reconnaissent l’intégrité, mettre à mort ceux qui n’ont commis d’autres crimes que de prêcher l’Evangile du Christ ! Quelle ingratitude envers Dieu ! … "

Le 1er mars, le cardinal ordonna à toute la domesticité de son palais de se mettre sous les armes.

On sait que le pouvoir civil avait refusé sa participation.

Beaton y suppléa. Ses gens prirent aussitôt lances, glaives, haches, havres-sacs et autres appareils de guerre ; on eût dit qu’il s’agissait d’une action militaire et non d’une assemblée de prêtres qui prétendaient s’occuper de l’Eglise de Dieu.

Ces champions armés, au nombre de cent, se mirent en ordre de bataille, conduisirent d’abord les évêques avec grand honneur à l’église de l’abbaye, puis, allant chercher Wishart, et le capitaine du château se mettant à leur tête, ils le menèrent au " sacrifice comme un agneau. "

Il jeta sa bourse en entrant dans l’abbaye à un pauvre infirme, et se trouva enfin devant la grande et brillante assemblée.

Pour donner à l’action une certaine forme, Beaton avait fait construire deux estrades, l’une en face de l’autre.

Wishart fut placé sur l’une et l’accusateur Lander se plaça sur l’autre.

Le doyen Winryme monta alors dans la chaire.

Cet ecclésiastique estimable, chargé de faire le discours d’usage, était en secret favorable à l’Evangile.

Il lut la parabole de la bonne semence et de l’ivraie (Matthieu, chapitre 13, versets 24 à 30), et présenta de pieuses considérations, plus contraires aux juges qu’à l’accusé, et que celui-ci écoutait avec joie.

Winryme termina pourtant en disant que l’ivraie était l’hérésie et que les hérétiques devaient être réprimés dans cette vie par le magistrat civil.

Il y avait pourtant dans son texte : Laissez-les croître ensemble jusqu’à la moisson. Il restait à savoir qui étaient les hérétiques : les juges ou l’accusé.

Le sermon fini, les évêques ordonnèrent à Wishart de se tenir debout sur son estrade pour entendre l’accusation.

Puis l’accusateur John Lander, prêtre que le chroniqueur appelle un monstre, et qui était en face de lui, se leva, déroula un long papier plein de menaces et de diaboliques malédictions, et adressant à l’innocent évangéliste des paroles cruelles, lança impitoyablement toutes les foudres de la papauté.

Le peuple ignorant qui l’entendait, croyait voir la terre s’ouvrir pour engloutir le malheureux réformateur.

Mais celui-ci demeurait tranquille, écoutant avec une grande patience et sans changer de visage les violentes accusations de son adversaire.

Quand Lander eut terminé avec grand renfort de voix la lecture de son menaçant réquisitoire, il tourna vers Wishart sa face toute dégoûtante de sueur, dit le chroniqueur, et, de sa bouche qui écumait comme celle d’un sanglier, il lui jeta à la face ces paroles : " Renégat, traître, larron, que réponds-tu à tous ces faits que nous avons prouvés par de suffisants témoignages ? "

Wishart s’agenouilla, invoqua le secours de Dieu, et s’étant relevé, répondit avec douceur…

Enfin la sentence de mort fut prononcée, et le cardinal ordonna à ses gardes de reconduire Wishart au château…

Le lendemain matin, à neuf heures, le capitaine du château apprit à Wishart que la communion lui était refusée, puis, comme il allait déjeuner avec ses employés et ses domestiques, il l’invita à prendre ce repas avec eux.

" Très volontiers, répondit-il, je l’accepte, surtout parce que je sais que vous et les vôtres êtes des gens de bien et qui appartenez au corps de Jésus-Christ ! "

La table étant couverte et les gens de la maison s’étant placés alentour : " Permettez, dit-il au capitaine, que, pour l’amour du Sauveur, je fasse une courte exhortation. "

C’était à ses yeux l’occasion de célébrer une vraie cène.

Il rappela l’institution du repas sacré et la mort du Seigneur. Il exhorta ceux qui étaient assis à table avec lui à rejeter toute haine, à s’aimer les uns les autres et à mener une vie sainte.

Puis, ayant rendu grâces, il prit le pain, le rompit, le distribua à ceux qu’il savait disposés à communier, les conjura de se nourrir spirituellement de Christ.

Il prit ensuite une coupe, leur rappela le sang versé en rémission des offenses, but et leur donna à boire.

" Je ne boirai plus de cette coupe, dit-il alors, et je ne mangerai plus de ce pain dans cette vie ; un breuvage plus amer m’est réservé parce que j’ai prêché Christ.

Priez que je reçoive avec patience ce calice comme me venant de la main du Seigneur. "

Il termina par de nouvelles actions de grâces, et se retira dans sa chambre.

Il y avait alors, sur un terrain situé à l’occident du château, près du prieuré, des gens en grande activité, préparant, les uns un bûcher, les autres un gibet.

Des hommes d’armes entouraient le lieu de l’exécution, et des artilleurs mettaient les canons en place et se tenaient derrière, prêts à faire feu ; on eût dit les préparatifs d’un siège.

Le cardinal avait donné ces ordres dans la crainte que les nombreux amis de Wishart ne l’enlevassent, mais plus encore peut-être pour faire étalage de sa puissance.

En même temps, on garnissait les fenêtres de la cour du château de tapis, de draperies de soie et de riches coussins, afin que le cardinal et les prélats pussent jouir à leur aise de la vue du bûcher et des tourments qu’ils allaient faire subir à cet homme juste.

Tout étant prêt, deux des bourreaux entrèrent dans la prison de Wishart ; l’un d’eux lui mit une robe de drap noir, l’autre lui attacha à toutes les parties du corps de petits sacs pleins de poudre.

Puis ils lui lièrent fortement les mains derrière le dos, lui mirent une corde au cou et une chaîne autour de la ceinture, et le plaçant au milieu d’une troupe de soldats, ils partirent.

Arrivé devant le bûcher, Wishart se mit à genoux et pria.

Puis, s’étant relevé, il dit au peuple : " Frères et sœurs, c’est avec une grande joie que je donne ma vie pour l’amour de Christ.

" Que les tourments que je vais subir ne vous fassent pas abandonner la bonne parole de Dieu.

" Aimez-la comme l’instrument de votre salut, souffrez tout patiemment et avec joie, et vous trouverez un bonheur éternel.

" Ce ne sont pas des fables de vieilles femmes que je vous ai enseignées, mais le véritable Evangile ; Dieu m’appelle à être consumé par les flammes.

" Je ne les crains pas. Je sais que ce soir même, je souperai avec mon Sauveur Jésus-Christ, pour lequel je souffre.

" O Père céleste, pardonne à ceux qui, par ignorance, m’ont condamné à mort ! "

Le bourreau se mit à genoux et lui dit : " Je vous en prie, pardonnez-moi ! "

" Approche-toi, " répondit Wishart, et lui ayant donné un baiser, il ajouta : " Voilà le gage de mon pardon. Fais ton devoir, mon enfant. "

On l’attacha au poteau avec des cordes, et il dit : " Sauveur du monde ! aie pitié de moi. Père céleste ! je remets mon esprit en tes mains. "

Le bourreau mit le feu. Le cardinal et les siens contemplaient des fenêtres le martyr et les flammes qui le consumaient.

Le capitaine, voyant les flammes qui entouraient Wishart, lui cria : " Ayez bon courage. "

Wishart lui cria : " Ceci fait du mal au corps, mais non à l’âme ; " puis, voyant le cardinal à la fenêtre avec ses courtisans, il ajouta : " Celui qui me contemple avec complaisance d’un lieu élevé sera dans peu de jours, étendu à la même place avec autant d’ignominie qu’on l’y voit se prélassant avec orgueil. "

Quelques auteurs regardent ces paroles, rapportées par Buchanan, comme un exemple de cette seconde vue dont l’on prétend que les Ecossais sont doués.

Toutefois, sans avoir besoin d’une révélation extraordinaire, Wishart savait que le méchant périt dans sa voie.

A peine avait-il dit ces mots que la corde qu’il avait au cou fut fortement serrée, en sorte qu’il perdit l’usage de la parole.

Le feu réduisit son corps en cendres, et les évêques, toujours pleins de haine contre ce serviteur de Dieu, firent publier le même soir, dans toute la ville, la défense, sous les peines les plus graves, de prier pour lui.

Ils savaient le respect que lui portaient bien des catholiques même.

Il est des gens qui disent que la religion est une fable ; une vie et une mort comme celles de Wishart montrent qu’elle est une grande réalité.

(1) Emprunté au dernier volume de l'Histoire de la Réformation, tome 6 (Voir le bulletin bibliographique)

241 - Noël et Pâques

Auprès de la crèche de Bethléem " Il s’est dépouillé lui-même en prenant la...

242 - Richesses de la Bible

La Bible et les systèmes " Personne ne prêchera l’Evangile avec la même plé...

243 - Veux-tu me faire une place ?

Veux-tu me faire place ce soir ? Il est près de minuit, la journée de Noël...

244 - Georges WISHART

Georges WISHART - Souvenirs de la réforme en Ecosse (1) Dans l’été de 1544,...

245 - Une conversion dans les catacombes

Une conversion dans les catacombes A ceux qui en appellent à la tradition p...

246 - Le ruisseau de Dieu

" Le ruisseau de Dieu est plein d'eau " Psaume, chapitre 65, verset 10) Dis...

247 - Témoignages de guerre

Le pain de la maison On sait que l’armée de l’est, commandée par le général...

248 - La science chrétienne

La science chrétienne, qu'est-elle et d'où vient-elle ? A Par la mort de Mm...

249 - Le jeune tambour

Le jeune tambour La guerre de Sécession (1862 – 1865) mit aux prises, en Am...

250 - Libre en prison

Libre... en prison L’auteur de ces notes, Eva Hermann, est membre de la bra...

251 - Ces petits qui croient en Moi

Un fidèle petit messager en Afrique Kouison est bien content ce matin, car...

252 - Les bienfaits de l'école

Une leçon salutaire " Allons, Jean, dépêche-toi ! Tu arriveras en retard à...

253 - Histoires de chiens

Une leçon sur les chiens de la Bible Dieu s’occupe-t-il des chiens ? Peut-I...

254 - Les mères

Deux mères I Le salon est élégant, chaud, agréable, avec un épais tapis pou...

255 - Quelques conseils aux mères chrétien...

Quelques conseils aux mères chrétiennes Leçons de foi Je me souviens d’un i...

256 - Aux jeunes gens

Aux jeunes gens C’est Napoléon qui a dit : " Dans toute bataille, il y a di...

257 - Rachetez le temps

Etes-vous prêt pour une nouvelle année ? N’est-ce point là une question de...

258 - Histoires d'enfants

Contre les semaines de bonté Il n’est jamais trop tard pour bien faire, aus...

259 - A nos jeunes filles

Sa mère C’était le grand jour de la fin de l’année scolaire du pensionnat....

260 - Mettez en pratique la Parole

Réflexions sur la vie de Lot Nul doute que Lot croyait bien faire ses affai...