Le sang de mes blessures,

Ma couronne de Roi,

Toutes ces meurtissures,

Comprends-le, c'est pour toi !

 A la devanture d'un magasin d'objets d'art les plus réputés de la capitale, une pâle jeune femme tenant à la main sa fillette de 7 ans, était en contemplation devant une tête du Christ, couronnée d'épines.

C'était une peinture remarquablement faite.

La petite qui avait aussi considéré un moment avec attention ce tableau aux couleurs variées, traduisit ses réflexions enfantines par cette question : " Chère maman, dis-moi donc, pourquoi notre Sauveur a-t-il porté une couronne d'épines ; oui, en réalité ... pourquoi ? "

En cet instant croisait à pas rapides un homme célèbre, le Docteur Hennig.

Cette question l'atteignit en plein cœur et bien que dans sa hâte il ne put s'arrêter pour attendre la réponse de la mère, elle le poursuivait et ne cessait de retentir à ses oreilles. " Pourquoi, oui, en réalité, pourquoi le Seigneur a-t-il porté une couronne d'épines ? "

Il avait cependant ralenti involontairement l’allure, préoccupé qu'il était de résoudre cet important problème ; mais il l'écarta violemment de son esprit ...

Que lui arrivait-il ?

N'avait-il pas autre chose à faire qu'à se préoccuper de ces caprices d’enfant, lui qui avait à peine le temps de courir d'un malade à un autre pour leur prodiguer ses soins et ses conseils !

Il s'en voulait réellement pour cette pensée obsédante, aussi se ressaisit-il avec énergie et, relevant la tête, il poursuivit rapidement son chemin.

Il avait à entrer dans bien des maisons, à être témoin de bien des misères, de détresses physiques et morales.

Comment se faisait-il que ces choses auxquelles il était pourtant habitué, lui parussent aujourd'hui même sous un jour nouveau et si tragique !

Et il eut soudain le sentiment que la médecine avec toutes ses ressources était bien impuissante à soulager les malades dans leurs cruelles souffrances.

Hélas ! d'où viennent tous ces maux, ces soucis, ces inquiétudes, apanages des êtres humains même les plus jeunes ?

Pourquoi tant de malheureux, tant de gens durement éprouvés ; pourquoi tant de méchants sur cette terre ?

Qu'il est rare de rencontrer un être réellement bon !

Voilà à quoi il pensait tristement en rentrant chez lui ce même soir. Et involontairement, ses pensées erraient dans le passé, vers ce bon vieux temps où les gens passaient pour meilleurs !

Mais quelle illusion !

Les temps anciens avaient-ils été meilleurs ?

Et en remontant le cours des siècles, est-ce que l'élite du peuple juif n'avait pas cloué à la croix le meilleur des hommes, le grand prophète de Nazareth ?

Lui qui n'avait fait que du bien à ses compatriotes ! Et pourquoi un tel traitement ? Et subitement surgit à nouveau cette ancienne question :

" Pourquoi le Seigneur porta-t-il jadis une couronne d'épines ? "

Le pourquoi de cette fillette le poursuivit même dans son sommeil.

Le lendemain matin, attelé de nouveau à sa tâche, au défilé de ses nombreux patients qui venaient à lui, apportant chacun son lot de souffrances et de misères, il devait s'avouer impuissant, lui, ce praticien éminent, à suggérer autre chose que la patience à de pauvres mortels semblables à lui.

L'après-midi, une visite au chevet d'un malade le ramena à son retour devant ce magasin auprès duquel s'étaient arrêtées hier la jeune femme et sa fillette.

Il n'y avait maintenant personne : il pouvait donc tout à loisir examiner ce qui, dans ce portrait si connu pourtant et sur lequel de rares passants jettent un fugitif regard, avait à ce point attiré cette mère et son enfant.

Cette humble femme, cette fillette si désireuse de savoir, incapables sans doute d'apprécier le côté artistique de cette peinture, avaient-elles remarqué l'expression de souffrance et de tristesse infinie répandue sur les traits altérés du martyr contrastant avec la douceur pénétrante du regard, ces gouttes de sang perlant sur ce front auguste et ruisselant de ces épines acérées... ?

Celles-ci avaient longtemps arrêté le regard du Docteur au point que subitement il lui sembla que leurs pointes acérées en se retournant accusatrices lui transperçaient le cœur.

Le Docteur Hennig portant vivement la main au front comme pour écarter cette suggestion, se détourna pour continuer rapidement son chemin.

Il s'était pourtant promis, solennellement promis, de ne plus penser à la chose, et néanmoins, cette question enfantine qui l'avait tellement préoccupé, se posait insinuante et tenace.

Il se prenait maintes fois à souhaiter de revoir encore ce doux visage, ces grands yeux bleus interrogateurs, avec cette foi si candide et si absolue en la sagesse de la réponse maternelle.

Avec quelle assurance la fillette n'avait-elle pas dit " Notre Sauveur ", comme si le Rédempteur n'était venu ici-bas que pour elle et sa mère et pour être leur seule propriété !

N'était-il donc pas son Sauveur à lui aussi ? Hélas non !

Pour lui, Jésus de Nazareth n'était qu'un grand homme, un modèle illustre, surtout par sa compassion, sa charité inépuisables envers de pauvres malades.

Nul médecin au monde qui pût rivaliser avec lui ! Et comme récompense à ce cœur noble et désintéressé, une couronne d'épines !

Oh ! Pourquoi ... Pourquoi ?

S'il avait seulement attendu quelque peu, il aurait pu entendre la réponse de la jeune maman à sa fillette !

Quel champ d'étude intéressant pour ce savant, ce profond psychologue !

Aurait-elle dans sa modestie et sa simplicité rencontré la vérité sur ce point ; ce n'était pas là ce qui lui importait, mais bien l'effet produit sur cette intelligence enfantine et vierge, car enfin, quelle chose étrange que cette petiote préoccupée de problèmes demeurés encore insolubles pour lui !

Ah ! S'il avait seulement l'occasion de l’interroger là-dessus !

Parmi ces centaines de fillettes qu'il avait croisées dans ses courses rapides à travers la ville, il était sûr de reconnaître cette chère petite, à peine entrevue cependant ; impossible d'oublier le charme de ce regard radieux et captivant ; où pouvait-elle bien habiter ?

Une dangereuse épidémie de scarlatine s'était abattue sur la capitale. Les médecins étaient sur les dents et malgré tous leurs efforts pour enrayer le mal, l'ange de la mort poursuivait son œuvre.

Lorsque le Docteur Hennig, qui aimait beaucoup les enfants, rencontrait un de ces petits corbillards, il se sentait pris de pitié et maintes fois de tristesse à la pensée angoissante qu'il renfermait peut-être la dépouille mortelle de sa petite amie.

Qu'elle était loin de se douter du trouble profond qu'elle avait suscité avec ce pourquoi inoubliable !

Il ne lui en voulait certes pas à cette petiote si aimable et si pure.

Morte, elle s'était à coup sûr envolée vers ce bon Dieu auquel cependant il avait lui-même tant de peine à croire.

Mais quant à elle, nul doute qu'elle ne possédât un Sauveur bien à elle ; elle en avait parlé avec cette triomphante assurance que légitime un droit personnellement acquis.

Bienheureuse enfant !

Un soir que le Docteur Hennig se disposait au repos après une épuisante journée de travail, voici que retentit la sonnette de nuit.

Seul encore debout à cette heure tardive, il ouvrit la fenêtre et vit à la porte d'entrée la vague silhouette d'une femme qui lui dit d'une voix angoissée :

" Monsieur le Docteur, s'il vous est possible, venez, je vous en prie, auprès de mon enfant mourant : c'est très près d'ici, j'y retourne vite car elle est seule, enfermée, et une crise peut être imminente ".

" C'est bien ! j'y vais," répondit-il. "

Quand est-ce que ce cortège ininterrompu de misères prendra fin ", murmurait-il en se remettant péniblement en route pour l'adresse indiquée.

Après avoir eu 4 étages à monter, il pénétra dans une humble chambrette d'une propreté méticuleuse et trouva la jeune femme en larmes au chevet de sa petite fille presque mourante et qui lui dit :

" C'est venu comme un coup de foudre ; hier encore, elle était en santé. "

Le Docteur Hennig, qui en présence d'une mère anxieuse les mains jointes et comme suspendue au verdict de ses lèvres, redevenait le médecin uniquement préoccupé de lutter contre la maladie, dut pronostiquer avec une quasi-certitude que la violence du mal triompherait bien vite, avant l'aube même, de cette délicate petite plante.

Oui, toujours cette même épidémie foudroyante et perfide, fauchant ces jeunes vies en peu de jours ! Pas d'hésitation !

Puis, se tournant pensif vers la pauvre mère en larmes qui se tordait les mains de désespoir, il lui dit en secouant tristement les épaules : " Un transport à l’hôpital est trop tard. "

Il voulut trouver quelques paroles de sympathie, mais en vain : cette douleur lui étreignait le cœur.

La pauvre femme comprit, et sa muette sympathie, et son verdict de mort impossible à cacher.

Un instant il lui sembla qu'elle allait ou succomber sous le faix ou se révolter, mais, baissant humblement la tête et pleine de résignation, elle dit :

" Monsieur le Docteur, cet enfant est mon unique consolation et mon plus grand bien sur cette terre, mais si le Seigneur me la redemande, il faut que je la lui donne. "

En considérant ce visage baigné de larmes, il lui vint subitement à l'esprit qu'il lui était connu, et, détournant d'elle les regards, il les fixa sur l'enfant.

N'en avait-il pas vu des douzaines de semblables à celle-ci, leurs pauvres petits traits méconnaissables tant ils étaient minés par la fièvre - et, pendant qu'il la dévisageait attentivement et comme si elle s'en était rendu compte, voici que lentement ces paupières jusque-là fermées s’entrouvrent et qu'à ce regard radieux, à cette expression pour ainsi dire céleste, le Docteur Hennig reconnaît sa petite amie.

Etonnée et comme absente d'esprit, après les avoir promenés tout autour d'elle, elle leva ses regards au plafond ; on aurait dit qu'elle les plongeait bien au-delà, jusque dans les profondeurs du ciel bleu.

Transfigurée, elle leva soudain suppliante ses bras, pour les laisser retomber ensuite sans force ; ses paupières, comme irradiées de visions magnifiques, se refermèrent de nouveau épuisées, et, paisiblement, la fillette se rendormit.

Le Docteur Hennig se borna, dans son trouble, de faire à la mère quelques recommandations ; toute sa science était aux abois, à quoi bon prescrire de coûteux remèdes ?

Il prit congé de la jeune femme en lui promettant de revenir le lendemain, bien qu'il eût le sentiment que ce serait une visite de deuil.

Comme dans un rêve il se disait : avoir été si près de sa petite amie et ne l'avoir jamais rencontrée au moins une fois, alors qu'elle était bien portante !

Il aurait pu s'enquérir de cette réponse désirée et que toutes ses recherches n'avaient encore pu donner satisfaisante à son cœur affamé.

La possédait-elle, cette fillette ?

Assurément, car elle paraissait en savoir bien davantage, malgré son silence, et tout son maintien témoignait clairement non seulement de sa foi en la patrie céleste, mais encore de ses rapports intimes avec elle.

En cet instant solennel où Hennig avait été témoin de ce regard jeté dans ce monde mystérieux auquel il n'avait encore jamais cru, il eut subitement la certitude que tout n'était pas fini avec la mort ; il s'était senti comme en présence de l'éternité. Il y avait donc un monde nouveau, bien supérieur, sans doute, à cette vallée de larmes ; la petite Dora allait, cette nuit déjà, peut-être, y pénétrer !

Y parviendrait-il jamais ?

Et voici que dans son âme impuissante à s'approcher du Seigneur et à pénétrer dans ces régions éthérées, surgit subitement ce front couronné d'épines et son solennel pourquoi ?

Point de repos avant que cette question capitale ait enfin reçu une solution définitive et tandis qu'en rentrant chez lui, elle se faisait toujours plus pressante, il eut soudain l'impression que cette fillette lui était indispensable et que la mort ne devait pas la lui ravir avant qu'il l'ait questionnée.

A quel point elle lui tenait à cœur, cette petite étrangère !

On aurait dit que ses mains enfantines détenaient les clefs d'or du royaume des cieux ; dans sa candide assurance, elle en franchissait les portes et les refermait derrière elle, tandis que lui, avec son incrédulité et ses doutes, restait dehors !

Non, non, impossible qu'elle l’abandonnât dehors sans une parole, sans un mot tiré du trésor de son expérience enfantine et auquel il pût se cramponner !

Et soudain, cet homme si orgueilleux et si entiché de sa science, joignit les mains et cria dans l'angoisse de son âme : " O Dieu du ciel ! Si réellement tu existes, conserve-moi demain cette enfant, afin que je puisse l'interroger à ton sujet. "

Après avoir enfin goûté un peu de repos, il retrouva dès le matin sa tâche quotidienne.

Débordé de malades, c'est à peine s'il pouvait leur accorder une attention soutenue.

Ils ne cesseraient donc pas d'arriver et de lui faire perdre un temps précieux, quand, pour sa petite amie, ce n'était peut-être plus qu'une question d'heures !

Vivait-elle maintenant encore ?

Quel effort pour dominer le tumulte de ses pensées sans négliger ses patients !

Enfin, voilà le dernier parti.

Il va pouvoir voler auprès de sa chère petite.

Ah ! Puisse-t-il la trouver encore en vie ! Si la science, la raison disent non, l'étincelle de foi qui est en lui répond : " Si Dieu est amour, dans ses compassions, Il exaucera la requête de ton âme altérée."

Emu, il frappe à la porte ; la mère lui ouvre, ses regards cherchent le petit lit, découvrent avec un sentiment de gratitude indicible une paire d'yeux rayonnants comme l'azur du ciel.

Il s'avance ; c'est à ne pas y croire !

Plus aucune trace de fièvre, plus de ces fatales taches rouges ; jamais dans sa carrière médicale, il n'avait vu un tel cas ! Il n'y avait qu'à s'incliner en silence : c'était bien là le doigt du Tout Puissant !

Le Docteur Hennig s'assied au chevet de la petite malade et cherche ses petites mains défaillantes : le pouls ne battait que faiblement ; le danger de mort n'était pas écarté.

Il lui vint alors à l’esprit que Dieu avait exaucé sa prière telle qu'il la lui avait adressée et selon la mesure de sa foi.

Dieu avait clairement manifesté son pouvoir miraculeux, car la petiote médicalement condamnée était exempte de fièvre, dans toute sa connaissance et capable de répondre aux questions.

Le danger de mort, cependant, n'était pas écarté.

Mais cette question brûlante, comment la poser avec ménagement - la fillette était si faible ! Comme il se sentait, avec toute sa science, emprunté en présence de cette pieuse enfant plus instruite que lui des choses divines !

Exhalant de nouveau un soupir jusqu'au trône de Dieu, il s'occupa d'abord de l'état de santé de la petite patiente si merveilleusement conservée, et il ne put que dire :

" Et bien ! Chère enfant, comment te trouves-tu aujourd'hui ; dis-le-moi franchement, souffres-tu encore ?"

La petite Dora secoua la tête et avec un regard comme détaché des choses terrestres et imprégné des radieuses béatitudes, elle lui dit :

" Oh ! Je me sens si dégagée, et si libre comme pour m'envoler vers le ciel. "

" Aimerais-tu bien y aller ? "

Elle le regarda alors tout étonnée, et lui dit d'un ton assuré :

" C'est si beau dans le ciel, je pourrais être auprès de Jésus qui aime tellement les enfants ! "

Oui, " Laissez venir à moi les petits enfants, ... car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent, " murmurait pensivement de Docteur ; puis, se penchant subitement tout près de sa petite amie, il lui dit doucement :

" Comment sais-tu avec tant d'assurance que Jésus t'aime ? "

" Oh ! Mais c'est écrit dans la Bible, " fit-elle étonnée, " c'est dit en toutes lettres que Jésus nous a tant aimés qu'il est mort pour nos péchés à Golgotha ; et maman m'a dit que pour moi aussi le Sauveur a porté sa couronne d'épines."

La voilà donc, cette réponse si longtemps désirée, si soudaine dans sa clarté et sa simplicité :
" pour nos péchés ! "

Le Docteur Hennig porta la main à ses yeux ; c'était comme si un épais nuage s'était déchiré. Tout effrayé, il lui dit alors :

" Mais, petite Dora, tu n'as cependant pas du tout péché ! "

" Oh ! Oui, pourtant, " reconnut-elle ingénument avec un profond soupir, " j'ai été si souvent volontaire et désobéissante, maman en a été chagrinée et le Seigneur Jésus affligé, " mais aussitôt après, avec un regard rayonnant :

" le Sauveur bien-aimé m'a maintenant pardonné et m'a donné un cœur nouveau, aussi puis-je aller maintenant auprès de Lui, dans son beau ciel, car Il m'a purifiée. "

" Tu es donc bien assurée de cela aussi ? "

" Bien sûre, " fit-elle signe, " car c'est aussi écrit dans la Bible. " Puis joignant rapidement ses petites mains, elle récita pieusement le verset :

" Dieu a tant aimé le monde qu'Il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle. "

De nouveau cette réponse si simple et si claire : " Tous ceux qui croient en Lui ! " Ah !  S'il le pouvait et, subitement, il réalise cette parole du Sauveur : " Si vous ne nous convertissez pas et ne devenez semblables à de petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume de Dieu. "

Ah ! S’il pouvait croire avec autant d'assurance que cette fillette !

Combien plus difficile ce devait être pour un adulte qui avait si longtemps vécu loin de Dieu - et cependant, il le sentait, il fallait qu'il redevînt comme un petit enfant.

Il eut soudain l'impression que la petite Dora lui était encore nécessaire et, saisissant ses petites mains, il lui dit d'une voix tremblante : " Ne voudrais-tu pas vivre encore pour que tu puisses m'apprendre comment je puis, moi aussi, aller auprès du Seigneur Jésus ? "

Une ombre de tristesse voila un instant son regard et, soupirant avec effort, elle dit :

" Je voudrais bien aller contempler la couronne de gloire que le Sauveur porte maintenant dans le ciel, " mais cette enfant si précoce se rappela subitement les devoirs incombant à tout chrétien ici-bas ; le regard brillant d'un nouvel amour, elle ajouta humblement :

" Si le Seigneur Jésus peut se servir de moi, je lui demanderai la permission de rester encore un peu sur cette terre pour parler de lui à Monsieur le Docteur."

Aussitôt après, elle ferma les yeux et joignit ses petites mains tandis que ses lèvres remuaient doucement ; son maintien révélait que ce n'était pas avec des êtres humains, mais avec le Roi de gloire qu'elle avait à s’entretenir.

Saisi d'une crainte respectueuse comme en présence de la majesté divine, le Docteur Hennig eut subitement l'impression que, profane, il n'était pas digne de subsister devant la face auguste de celui avec lequel il n'était pas encore réconcilié.

Il se leva doucement et quitta la chambre pour ne pas déranger la petite dans son intercession.

La jeune mère l'accompagna en silence jusqu'à la porte ; là le Docteur lui dit avec émotion, en prenant congé d'elle :

" Chère Madame Werner, c'est un trésor, un petit ange que vous avez là ; ne voudriez-vous pas le conserver plus longtemps encore auprès de vous ? "

" Ah ! Monsieur le Docteur, " répondit-elle les yeux humides, " vous comprenez maintenant quelle consolation un cœur de mère et de veuve peut puiser en un tel enfant. Je sais aussi que Jésus peut à l'instant même lui rendre la santé ; elle est entre ses mains.

Toutefois, non pas ma volonté et mes prières instantes, mais la volonté de Dieu ; elle est toujours bonne, quelles que soient ses dispensations. "

Le Docteur Hennig s'en alla, persuadé qu'il y a un Dieu vivant pour guider les siens dans toutes les circonstances de leur vie.

Il avait vu ce que c'était que la vraie foi. Dans son désir de posséder un tel trésor, capable de rendre ces simples gens si forts et si joyeux, il implora le Seigneur :

" Conserve-moi cette enfant jusqu'à ce que, moi aussi, j'ai trouvé. "

Sa prière fut exaucée ; la petite Dora guérit, toutefois, sa santé délicate exigea les plus grands ménagements.

Le Docteur Hennig, qui dans sa sollicitude la visitait régulièrement, méditait un plan.

Un jour qu'après avoir tendrement caressé les joues amaigries de sa petite Dora, en ajoutant :
" Pauvre enfant, l'air de la ville ne te convient pas, " il lui dit d'un ton plaisant :

" Dis-moi, ne voudrais-tu pas faire avec l'oncle Docteur une jolie villégiature dans les montagnes, où nous pourrions bien nous reposer tous deux, car je suis moi aussi bien las ; nous serions toujours ensemble pendant 4 semaines et tu pourrais bien me parler de ton cher
Sauveur " - " Ma chère femme m'y accompagnerait," dit-il à Madame Werner, " de sorte que vous pouvez être sans inquiétude pour votre fillette. "

Confondue de tant de générosité, la jeune femme ne put que balbutier quelques mots de remerciements, tandis que la petite Dora, rayonnante d'un bonheur inespéré, paraissait, dans un recueillement profond, consulter son céleste Ami.

Après un instant de réflexion, elle dit : " Que le Seigneur Jésus est bon ; il veut me montrer une partie de sa belle création, puisque je ne puis pas encore voir le ciel. "

Puis, tendant au Docteur ses mignonnes petites mains avec un regard radieux : " Oh ! Quel bonheur ! Je vous remercie mille et mille fois pour tant de bonté. "

" C'est moi qui te suis redevable, mon enfant, " répliqua le Docteur ému, " toi que le Seigneur m'a conservée - Il nous accompagnera. "

Les préparatifs de départ achevés, ils partirent bien loin de la capitale affairée et de son oppressante atmosphère, dans un humble village perdu au milieu des montagnes aux senteurs de sapin, bercés par le chant des oiseaux, au sein de cette nature paisible, telle était la retraite que le Docteur avait trouvée et que le Créateur semblait leur avoir préparée.

C'est dans ce lieu isolé et sauvage que ce Docteur célèbre, ce savant illustre conduit par son jeune guide dans le sûr chemin, laissa Dieu parler à son âme des réalités éternelles.

Dans chaque fleurette cueillie, dans chaque murmure des ruisseaux, elle lui faisait entrevoir l'éternité.

Vivante image de Jésus, tel que les Saintes Ecritures nous le dépeignent, dans son être, ses paroles, ses actes où tout jaillissait sans effort avec la fraîcheur et la pureté cristalline d'une source filtrant à travers les mousses de la forêt, telle était cette petite enfant de Dieu si tôt rachetée par le précieux sang de l'Agneau.

Aucun doute n'était possible quand elle parlait de son Sauveur avec une aussi triomphante assurance, car dans tous les détails de cette vie de communion intime avec Lui, elle reflétait, à son insu, l'éclat de ses perfections.

La pureté de cette enfant, en faisant entrevoir au Docteur Hennig ce que pouvait être la sainteté de Jésus, lui montrait à quel point il en était lui-même éloigné.

Dans son ardent désir de Lui ressembler en voulant s'améliorer lui-même, il dut de nouveau apprendre de la petite Dora que ses propres efforts resteraient inutiles ; dans ce babil enfantin qui racontait les merveilles et la puissance du Rédempteur, Hennig découvrit qu'il devait lui aussi déposer tous ses péchés aux pieds du Sauveur qui, pour lui aussi, avait porté la couronne d'épines.

Quelle peine à comprendre ce à quoi sa raison s'opposait ; jusqu'à ce qu'enfin vaincu et courbé sous l'autorité de la Parole de Dieu, il ait pu, avec une foi enfantine et délivré de tous ses doutes, s’écrier comme Thomas : " Mon Seigneur et mon Dieu ! "

Ce trésor qu'il avait rapporté de ce temps de villégiature avec la pieuse petite Dora, il était maintenant heureux de le prôner et si sa femme, moins avancée que lui, n'avait été pour ainsi dire qu’effleurée par l'œuvre de la grâce, il était quant à lui fermement décidé à confesser humblement sa foi et à la manifester pratiquement jusqu’au chevet de ses malades.

Quant à sa petite amie toujours en progrès de vie spirituelle et de santé assez bien rétablie, elle était néanmoins restée faible et délicate.

Son retour à la maison avait comblé de joie sa mère, avec tous les récits de son idylle champêtre et des soins affectueux que lui avait prodigués la famille du Docteur.

Heureuse et toujours reconnaissante, elle paraissait se bien porter, car jamais elle ne parlait de ses souffrances ; cependant, une profonde nostalgie de cette patrie céleste un instant entrevue, se lisait parfois dans ses yeux ; son être prenait alors quelque chose d'éthéré et de plus en plus détaché de cette terre.

Paisiblement et sans grandes souffrances apparentes, cette délicate petite plante s’étiolait graduellement tandis que son âme s'ouvrait toujours plus suave pour s'épanouir comme une fleur dans le paradis.

Et un jour, après une courte lutte, elle s'envola paisible vers ce Jésus qu'elle avait tant aimé !

La petite Dora reposait maintenant sereine et diaphane, comme une fleurette d'une blancheur immaculée que rehaussaient encore les rayons empourprés d'un soleil levant.

Profondément affligée et cependant pleine de résignation, la jeune mère avait rendu à Dieu ce petit trésor si tôt ravi, car elle la savait là-haut dans ses bras paternels et à l'abri des misères d'ici-bas et où sa foi vivante lui promettait aussi après le pardon de ses péchés un éternel revoir.

Le Docteur Hennig avait dû, lui aussi, laisser partir sa petite malade ; il avait reconnu avec un sentiment profond d'adoration que ce tendre bleuet était depuis longtemps paré pour émailler les célestes campagnes et que le Seigneur le lui avait miraculeusement conservé, afin qu'à ce chercheur, avide de vérité, l'humble fillette missionnaire pût indiquer les portes de perles de la cité d'or et l'amener aux pieds de Jésus.

Sur la tombe de sa petite amie, il fit dresser, en témoignage de reconnaissance, une croix en marbre blanc entrelacée d'une couronne d'épines, avec ces mots :

" Un héritage délicieux m'est échu, une belle possession m'est accordée."

Il avait aussi acheté et placé devant sa table de travail le tableau représentant la tête du Christ couronné d'épines avec ces mots frappants : " Voici ce que j'ai fait pour toi, et toi, qu'as-tu fait pour moi ? "

Et pensant avec émotion et reconnaissance à sa chère petite Dora, son âme pleine d'allégresse pouvait dire :

" Béni sois-tu, Seigneur ! Pour moi aussi tu portas la Couronne d'épines. "

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