" Comme de bons dispensateurs des diverses grâces de Dieu, que chacun de vous mette au service des autres le don qu’il a reçu. (1 Pierre 4 : 10)
Notre texte d’aujourd’hui emploie le terme de dispensateurs ou administrateurs.
Ce n’est pas le seul endroit de la Bible où il soit question de cela.
Il doit s’agir ici d’une vérité chrétienne essentielle ; nous ne pouvons donc pas nous en passer.
Nous voulons d’abord nous rendre compte de ce que c’est qu’un administrateur.
L’administrateur n’est pas le maître de la maison. Il n’est pas le propriétaire, mais il a une responsabilité, il doit rendre compte de sa gérance.
Il a beaucoup à dire, mais il n’a pas le dernier mot. Il peut agir et décider, mais il est dépendant et ne doit pas l’oublier.
Il doit connaître, de plus, tout ce qui appartient à la maison dont il est l’intendant.
Rien ne doit lui échapper.
" Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? " Demande saint Paul dans la première épître aux Corinthiens.
Et cette idée se retrouve dans la même épître, en ces termes : " Tout est à vous, mais vous êtes à Christ. "
Il n’y a de place ici pour aucune exception. Il n’y a rien dans notre vie qui ne concerne Dieu, rien qui ne l’intéresse.
Notre temps, nos loisirs aussi, nos jours, nos nuits, notre corps, notre âme, notre santé, nos talents, notre famille, nos pensées, nos sens, nos membres, notre intelligence, nos biens matériels, notre commencement, notre fin, notre vie, notre mort, tout est à lui.
Il n’y a donc aucune circonstance terrestre où lui, le Maître de la maison, n’ait son mot à dire ; dans tous les domaines, nous lui sommes redevables de tout.
Une femme disait un jour : " Je peux faire de mon corps ce que je veux. "
Eh bien non ! Ce corps aussi nous est confié.
Là où quelque chose est confié, là où la confiance joue un rôle, il faut de la fidélité.
Si un homme me confie un objet, il me dit par-là : " Je remets cela entre tes mains, donc j’attends de toi que tu fasses ce qui est en ton pouvoir, ni plus ni moins. "
La tâche est grande, mais il est rassurant de savoir que le Maître n’exige qu’une chose, c’est que nous la remplissions aussi bien, aussi consciencieusement que possible.
Elle nous écraserait si nous ne connaissions cette parole : " Ce qu’on demande des dispensateurs, c’est que chacun soit trouvé fidèle. "
Cela veut dire que Dieu demande toutes nos forces, mais jamais davantage.
Nous devons faire des efforts, nous ne devons pas nous surmener.
Être fidèle, c’est beaucoup et c’est peu en même temps.
On peut faire des erreurs, commettre des bévues, tout en étant fidèle.
Il est évident que celui qui est grand et fort doit faire beaucoup.
Dieu demande toutes ses forces.
Il n’a pas le droit de dire : " Puisque je suis si doué, si fort, si riche, je n’emploierai que le cinquante pour cent de mes dons, car un centième de ce que j’ai est plus que cent pour cent chez l’autre, qui est tellement plus pauvre que moi. "
De celui qui est pauvre, Dieu exige peu, très peu.
Il suffit qu’il donne un verre d’eau au plus humble de ses frères.
Dieu compte autrement que nous.
Pensons à la pite de la veuve, qui avait tant de valeur parce que cette femme avait fait tout ce qu’elle pouvait.
La fidélité dans l’administration des biens confiés, c’est ce que nous appelons la gérance.
Avec ce qui m’appartient, je peux, après tout, faire ce que je veux.
Mais rappelons-nous ici que nous n’avons rien qui soit à nous, que tout nous est confié, comme un fief, et que nous devons agir en conséquence.
Je me souviens que, quand nous étions enfants, on nous inculquait le respect de ce qui n’était pas à nous.
" Cela appartient à un autre, donc prends-en soin ". Ainsi on nous préparait à être des gérants, des administrateurs.
Qu’implique pour nous, dans la vie pratique, ce devoir que nous appelons la gérance ?
Nous allons voir qu’il s’agit ici d’une éthique tout à fait nouvelle, tout a fait définie.
J’ai un corps. Il est à Dieu et non à moi.
Je dois le soigner, le nourrir, l’entretenir, lui accorder le repos nécessaire.
Je ne dois pas le surmener, en abuser aveuglément.
J’ai le droit de le parer, mais seulement pour glorifier son Maître, c'est-à-dire non pas ma propre personne, mais le Dieu vivant et saint.
Cela nous indique jusqu’où doivent et peuvent aller les soins physiques, la mode, l’hygiène.
Chaque exagération, chaque tendance à glorifier la créature et non le Créateur est une infidélité, un péché.
Et d’autre part, c’est aussi un péché que de négliger son corps ; l’alcoolisme et toutes les autres espèces d’intoxication sont des péchés, de même que tous les excès, le surmenage, l’ambition, le désir d’" arriver ", l’inquiétude, le manque d’exercice physique, tout gaspillage de nos forces.
Nous dirons ici également à ceux qui s’adonnent aux sports, qui cherchent à battre des records, qui exposent leur vie sans nécessité, aux acrobates-aviateurs trop audacieux, aux dames trop légèrement vêtues par vanité : " Tu es responsable de ton corps. "
Être un bon administrateur, c’est veiller à ce que chaque chose soit à sa place et soit utilisée le mieux possible dans l’intérêt du Maître de la maison.
Toute prodigalité est un péché ; l’avarice en est un tout aussi grand.
Trouver partout le juste milieu, ne faire ni trop ni trop peu, c’est un art qui doit être appris.
Pensons aussi à la manière dont nous employons notre temps.
Le temps est aussi un bien qui nous est confié.
Nous aurons un jour à en rendre compte, et de nos loisirs également.
L’intendant fidèle doit apprendre l’art de régler ses occupations selon leur importance.
Celui qui néglige cela, qui ne réfléchit pas, n’organise pas, commet un péché.
Par exemple, l’ordre est nécessaire, voulu de Dieu.
Mais une femme qui exagère dans ce domaine, qui compromet la paix, le confort de la maison, chez qui le besoin d’ordre devient fanatique et pousse le mari à aller à l’auberge, n’est pas un bon administrateur.
Il en est de même d’un homme qui a toujours du temps pour sa profession, mais qui ne s’occupe jamais de sa famille et de ses enfants.
Avoir du temps, à la bonne place et au bon moment, est une des qualités les plus importantes que Dieu exige de ses intendants.
Avoir du temps pour le prochain, du temps pour soi, du temps pour Dieu !
Nous n’avons pas besoin de dire combien souvent nous péchons sur ce dernier point !
Qui a encore le temps aujourd’hui de se présenter devant Dieu dans le silence ?
Qui sait organiser sa journée de façon à avoir quotidiennement un moment de silence où Dieu peut lui parler et remplir son âme de forces nouvelles ?
Nous commettons ici une faute d’évaluation.
Nous avons tous vingt-quatre heures par jour à notre disposition ; si, pendant ce temps, nous ne trouvons pas un moment pour faire silence devant Dieu, c’est une preuve que certaines choses, peut-être beaucoup de choses, nous paraissent plus importantes que celle-là, la plus urgente de toutes.
Combien d’occasions manquées dans notre vie parce que nous n’avons pas été de bons administrateurs, parce que nous avons mal évalué les possibilités que Dieu nous donnait !
Cette faute de calcul est devenue un péché.
Rendons-nous bien compte de ce que cela signifie : N’avoir pas de temps pour le Dieu vivant, pour le Maître de la maison dont nous gérons les biens !
Nous trouvons le temps de répondre à n’importe quel appel du téléphone, et quand Dieu nous appelle, nous n’en avons point !
Pensons aussi à notre argent, à nos richesses matérielles.
Ici le manque de fidélité dans notre administration a déjà eu des conséquences terribles.
Nous sommes sur le point de faire naufrage ; toute notre culture risque d’être anéantie parce que nous n’avons pas su assigner à l’argent sa vraie place parmi les dons qui nous étaient confiés.
Le communisme et le bolchevisme sont les réponses directes à notre infidélité.
Nous sommes la cause des souffrances sans nom auxquelles sont exposés nos frères en Sibérie ; nous sommes la cause du désespoir des sans-travail.
Et c’est pourquoi, mes amis, ne faisons pas comme si tout cela ne nous regardait pas, parce que nous vivons, en apparence, dans des conditions économiques normales.
C’est porter une responsabilité énorme que d’être propriétaire, capitaliste.
Je ne dis pas que tous doivent obéir à l’ordre de Jésus s’adressant au jeune homme riche :
" Vends tout ce que tu as et le donne aux pauvres. "
Mais être propriétaire, c’est se trouver journellement devant les questions les plus graves :
" Est-ce que j’administre mon bien selon la volonté de Dieu, c'est-à-dire de façon que tout serve autant que possible à l’avancement de son Règne et à la gloire du Christ ? "
C’est là ce que Jésus veut dire quand il parle d’intérêt dans la parabole des talents.
Plus mon argent sert à avancer le Règne de Dieu, plus il rapporte d’intérêts.
Cette administration des biens terrestres est peut-être un des domaines les plus difficiles de la gérance.
Combien ai-je le droit d’employer pour moi ?
Réponse : Tout ce qui t’est nécessaire pour que tu puisses servir ton Maître, tout ce qu’il te faut pour être capable et fort dans l’accomplissement de tes fonctions.
Une villa, une auto, un certain cadre de vie peuvent être nécessaires.
Et pourtant nous n’avons pas le droit de nous accorder n’importe quelle villa, quelle auto, quel genre de vie.
Nous comprenons l’exclamation de Jésus : " Qu’il sera difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu ! "
Ici la tentation d’être infidèle est énorme.
Le danger est grand de donner à la richesse une importance qu’elle n’a pas, de l’évaluer trop haut ou trop bas.
Rien n’est aussi difficile que de mettre l’argent à sa vraie place, cet argent qui, d’un côté, est si peu de chose, mais qui, d’autre part, est une force concentrée, la sueur et le sang de nos frères.
Et parce que, sur ce point, nous avons péché, parce que les propriétaires ne se sont pas sentis les gérants, mais les maîtres de leur argent, nous sommes devenus des esclaves.
Et maintenant, les démons sont déchaînés ; ils sont sur le point de nous détruire.
Rien ne pourra nous sauver, rien ne pourra arrêter l’invasion dévastatrice du communisme et du bolchévisme, si nous ne redevenons de bons administrateurs de Dieu, si nous n’apprenons à gérer nos biens.
Là est la solution de la question sociale.
Il en est de même des autres dons de Dieu.
Tous doivent être subordonnés aux intérêts de son Royaume et estimés à ce point de vue, aussi nos talents, nos facultés.
Il s’agit donc de les apprécier, de les développer.
Ne nous faisons pas prier inutilement quand on nous demande de les employer au service du prochain.
D’autre part, nous ne devons pas, pour l’amour de notre art, de notre talent, mépriser les exigences de la charité, de la pureté, les égards que nous devons à d’autres ; nous ne devons pas chercher notre propre gloire.
Si nous parlons de dons, cela suppose un donateur.
Il est insensé, déplacé, de tirer vanité d’un cadeau qu’on a reçu sans l’avoir mérité.
La gloire que je prends pour moi, si je suis un intendant bien doué, je la dérobe à Dieu.
Ici aussi, il s’agit de mettre chaque chose à sa place, de l’estimer à sa valeur.
Dieu demande à ses intendants de la discipline, de la fidélité, de l’obéissance, de l’humilité.
Peut-être est-il bon d’illustrer cette pensée par un exemple encore :
Comme il y a une économie divine des forces, de la santé, du temps, des talents, des richesses, il y en a aussi une des paroles.
La bonne parole, le bon silence, au bon moment, voilà de la gérance bien entendue.
On peut être avare de ses paroles.
Combien de gens ont soif d’un mot d’encouragement, d’un merci cordial, et attendent en vain !
On peut aussi, et c’est plus fréquent encore, gaspiller ses paroles.
C’est pourquoi un bon intendant doit apprendre à discipliner sa langue, qu’il s’agisse d’une conversation familière et inoffensive ou d’une confession dans un cercle d’intimes.
Nous devrons un jour rendre compte de toute parole que nous avons dite, bonne ou mauvaise, a dit Jésus (Matthieu 12 : 36).
Ici Dieu lui-même nous donne l’ordre d’être de bons dispensateurs dans ce domaine-là.
" Les diverses grâces de Dieu ", écrit l’apôtre.
Nous avons parlé d’un certain nombre de ces grâces, mais non encore des plus excellentes, les dons de l’Esprit.
Nous savons quelles richesses nous sont accessibles, tout ce que le Saint-Esprit est prêt à répandre sur nous : Les forces de la foi, de l’amour, de la patience, celles qui nous aident à porter notre croix, à rendre notre témoignage, à nous occuper d’autrui, à enseigner, à prier, à guérir, à former une communauté de frères.
Ici aussi, nous devons apprendre à administrer, nous soumettre à une discipline.
Nous sommes en danger de gaspiller notre amour, de mettre du fanatisme dans l’acceptation de notre croix, de devenir des virtuoses de la foi.
On peut confesser par vanité, exagérer sa sollicitude pour autrui, exercer une contrainte sur les âmes et les tourmenter.
Nous courons le risque d’être des missionnaires non dirigés, d’avoir la rage de convertir.
Nos prières peuvent devenir trop opiniâtres ; nous oublions parfois la clause ajoutée par Jésus à sa prière de Gethsémané : " Non pas ma volonté, mais la tienne. "
Partout menacent des dangers, celui de faire trop ou trop peu, d’être infidèle, de travailler en dehors des lois organiques du Royaume et de ses conditions de développement.
Malheur à celui qui garde pour lui-même les dons de l’Esprit, et qui les vole ainsi au Royaume de Dieu !
Il tombera sous le coup de la condamnation dont le Maître de la maison frappe le méchant serviteur qui a enfoui son talent : " Jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents " (Matthieu 25 : 30).
Malheur également à celui qui gaspille ce qu’il a reçu, qui le dépense sans être dirigé, qui s’en sert à son gré, sans écouter les ordres de Dieu !
Il aura finalement le même sort que le méchant serviteur ; lui aussi, quand le Maître reviendra et lui demandera compte de son administration, sera là les mains vides, n’aura pas de fruit à offrir.
" Que chacun de vous mette au service des autres le don qu’il a reçu ", est-il dit.
Il y a des gens qui ont reçu des dons très divers, mais ils ne les mettent pas au service du prochain ; ils les utilisent pour dominer sur lui.
Ils emploient le don de la parole, la connaissance de l’Ecriture sainte, la confiance qu’on leur témoigne pour exercer une contrainte sur les consciences.
Rappelons-nous ceci : Être un gérant, c’est être un serviteur.
Tout ce qui m’est confié doit servir, être utile à mon prochain, et non à ma propre personne.
Tout don nouveau que Dieu m’accorde, mes joies, mes forces, mes connaissances, mon énergie, ma liberté, mon ardeur, mon courage, tout cela doit éveiller en moi la question suivante : " Que ferai-je pour que ces dons portent du fruit ? "
Tout doit être mis en circulation, tout doit être donné.
L’argent qu’on laisse dans son coffre-fort ne porte pas d’intérêt.
Nous savons que dans le Royaume de Dieu tout doit être fécond.
Ce qui ne l’est pas n’a pas de valeur, même si les apparences sont brillantes.
On pourrait donc dire simplement : Le meilleur gérant, c’est celui dont la vie rapporte le plus de fruit pour le Royaume de Dieu.
Nous reconnaissons qu’il en est ainsi si nous cherchons dans le texte primitif l’expression que nous avons traduite par gérant : C’est " Oikonomos ", l’économe.
L’économe, c’est celui qui agit selon les règles de la maison.
Nous sommes engagés, comme économes de Dieu, à mettre tous nos dons, toutes nos forces au service d’autrui dans la maison du Maître.
Cette activité est toute pratique.
Il s’agit seulement d’arriver à une moisson aussi abondante que possible.
Nos dons valent selon ce qu’ils rapportent, donc nous devons les employer au bon moment et de la meilleure manière possible.
Si nous sommes obéissants, si nous ne troublons pas ce mécanisme merveilleusement organisé en y mêlant notre Moi, notre amour-propre, si nous entrons dans l’engrenage avec une docilité absolue, si nous écoutons attentivement ce que Dieu demande de nous, si nous sommes fidèles, nous avons compris l’économie divine, et nous entendrons un jour la magnifique parole du Maître : " C’est bien, bon et fidèle serviteur ; tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton Seigneur. "