Un ami de la Société américaine des traités lui fit la communication suivante : Je voyageais il y a quelque temps dans une contrée montagneuse, lorsqu'au soir d'une journée pluvieuse, il m'arriva de m'égarer.

La première personne que je rencontrai, et à qui je demandai où je pourrais trouver un logement pour la nuit, m'indiqua la maison de M. D., propriétaire d'un bac dans le voisinage.

Après le souper, tous les habitants se réunirent dans la salle, et l'entretien devint général. Nous parlâmes d'une vallée voisine, dont les habitants avaient la plus mauvaise réputation.

On m'avait même raconté qu'un jeune homme ayant été pendu pour un meurtre, son père et ses parents avaient donné un bal et un festin le jour de son exécution.

Il n'y avait point d'école dans cette vallée, disait-on encore, la jeunesse ayant chassé à coups de bâton un maître qui était venu s'y fixer ; parfois ces mécréants se réunissaient pour caricaturer le culte chrétien.

Mon hôte confirma ces faits déplorables, puis il ajouta à peu près dans ces termes :

" Oui, oui, il en est bien ainsi, et il y a dix ans notre vallée ne valait pas mieux. Nous n'avions ni église, ni prédicateur, ni école du dimanche, ni école de semaine.

Un soir, un ministre de l’Evangile accompagné d’une jeune fille s’arrêta dans ma maison pour y passer la nuit, et ils m'adressèrent toutes sortes de questions qui me parurent étranges.

Je répondis que nous n'avions ni pasteur, ni école ; que plusieurs instituteurs avaient tenté de s'établir parmi nous, mais qu'aucun n'était resté plus de trois mois.

La jeune fille offrit alors de venir tenir une école, et nous parlâmes longtemps de ce projet ; je promis de voir ce qu'il y aurait à faire et de l'en informer.

Le lendemain, les deux voyageurs retournèrent chez eux, à environ dix-huit lieues d'ici.

La chose fut arrangée au bout de peu de temps ; je trouvai une pension pour la jeune fille et lui écrivis de venir.

Mais on ne tarda pas à se plaindre que la nouvelle maîtresse lisait la Bible et priait avec les enfants.

Bientôt le mécontentement augmenta au point que le maître de la maison où elle logeait refusa de la garder, car elle priait, disait-il, chantait des cantiques et parlait de piété et de conversion.

La pauvre fille alla demander asile à tous les parents qui envoyaient leurs enfants à l'école, mais aucun ne consentit à la recevoir, si elle voulait continuer à chanter et à prier.

Enfin, elle s'adressa à moi, et je lui fis la même objection ; mais je finis par lui dire : " je vous recevrai aux conditions suivantes : Vous aurez une chambre à vous, où vous resterez ; vous ne vous joindrez à nous que pour les repas ; vous renoncerez aussi à chanter ; quant à prier, faites-le tant qu'il vous plaira, pourvu que je n'en entende rien ; et sachez-le bien, du jour où vous violerez cet engagement tant peu que ce soit, il faudra nous séparer. "

Elle accepta mes conditions avec autant de bonne grâce que si elles eussent été les plus naturelles, et le soir même elle s'établit sous mon toit. Je n'imaginais guère quelle bénédiction m'apporterait cette faible et délicate enfant.

Ses écoliers s'étaient extrêmement attachés à elle.

Un jour, elle leur dit de demander à leurs parents s'ils consentaient à ce qu'elle tînt aussi une école le dimanche.

Cette proposition ne déplut pas ; on crut y trouver un profit net ; aussi le dimanche les enfants se réunirent-ils autour d'elle proprement vêtus et lavés.

Je remarquai bientôt que les miens aimaient à se tenir dans la chambre de la maîtresse, et un dimanche matin, je vis même des traités dans leurs mains.

J'y jetai les yeux, et je vis qu'il y était question de religion.

Ah ! je t'y attrape ! pensai-je, et la faisant aussitôt descendre, je lui déclarai qu'ayant rompu son engagement, il fallait qu'elle partît.

La pauvre fille se mit à pleurer, ce qui me rendit tout honteux.

" Mon cher monsieur, dit-elle, ne voulez-vous pas lire ces traités auparavant ? Si vous persistez dans votre résolution après les avoir lus, je vous quitterai tout de suite ".

Mon embarras était grand ; les enfants criaient et suppliaient qu'on leur laissât leur maîtresse et leurs livres. " Ecoutez, mademoiselle H., finis-je par lui dire, vous pouvez retourner dans votre chambre, je réfléchirai."

Jamais je n'oublierai l’amical sourire avec lequel elle me remercia.

Me remercier, moi qui aurais mérité des coups de bâton !

Quand elle eut disparu, je me mis à lire les traités ; dès le premier, je me sentis condamné.

Je le relus, et mon agitation s'accrut encore.

Puis je lus les autres, et sentis que j'étais un grand pécheur.

Il ne fut plus question du départ de Melle H., et chaque jour le sentiment de ma culpabilité devenait plus vif et plus difficile à supporter.

Je résolus bientôt d'avoir un entretien avec la jeune fille, et la priais de venir passer une soirée auprès de nous, ce qu'elle accepta volontiers.

Alors je lui adressai toutes sortes de questions sur les doctrines de la Bible, me gardant toutefois de lui laisser voir mon trouble intérieur.

Cet entretien ne me tranquillisa point, et il me sembla bientôt que j'étais le plus grand pécheur qu'il y eut sur la terre.

" Un soir, n'y tenant plus, je fis appeler Melle H., et lui ouvrit mon cœur.

Mon orgueil était brisé. Lorsque je lui eus dépeint l'état de mon âme, je lui demandai si elle pensait qu'il y eût de l'espoir pour un pareil pécheur.

Ses larmes coulaient, et prenant mes mains entre les siennes, elle me dit : " Oh ! mon cher monsieur, je suis si contente !

- Comment, vous pouvez être contente de me voir dans une telle angoisse ?

- Oh ! mon cher monsieur, répliqua-t-elle, c'est l'Esprit de Dieu qui travaille votre cœur ".

Il me sembla tout à coup qu'il se faisait une grande lumière.

Je compris tout ce qui m'avait si fort tourmenté durant les dernières semaines.

- " Mettons-nous à genoux, lui dis-je, et vous prierez pour moi. " Et elle pria pour moi !

Oh ! combien je bénis Dieu pour la grande grâce qu'il me fit alors.

Je crois qu'il me donna un nouveau cœur pendant que cette prière montait à lui, car je sentis que tout était changé en moi.

Le dimanche suivant, elle m'engagea à accompagner les enfants à l'école ; et ce fut alors seulement que j’appris que c'était une école d'instruction religieuse, ce qui n’était venu à l'esprit de personne.

Cette invitation me mit à l'épreuve.

" Si j'y vais, me disais-je, on dira que tu donnes dans la piété ; si je n'y vais pas, je commets un péché, car je sais que c'est mon devoir ; d'ailleurs j'affligerais Melle H. "

J'y allai donc.

La salle était déjà remplie d'enfants, qui me parurent tous avoir un air heureux.

Melle H. prit la Bible, et venant à moi me dit : " Monsieur D., voulez-vous lire et prier avec nous ce matin ? "

Mon embarras fut grand, le cœur me manqua, et je répondis que pour aujourd’hui c'était impossible.

En conséquence ce fut elle qui lut un chapitre et pria ; mais combien je me sentis humilié d'avoir eu honte de prier en présence de ces enfants !

" Non, ce n'est pas dans l'ordre, pensai-je ; dimanche prochain, je ferai la prière. "

Le soir même, je commençai un culte de famille, et le dimanche suivant j'ouvris l'école par la prière.

Bientôt, tous mes voisins se répétèrent la grande nouvelle : " D. est devenu religieux ; il va à l'école du dimanche et il y prie ".

C'était si étrange que quelques personnes y vinrent, et le nombre s'en accrut de semaine en semaine.

Un jour, Melle H. me dit : " Ne pourriez-vous pas nous lire un sermon après l'école ? " Ainsi fut ; elle les choisissait et je les lisais.

Un grand recueillement régnait dans nos petites assemblées, et, au bout de peu de temps, nous résolûmes de faire venir un prédicateur.

Les gens accoururent en si grand nombre pour l'entendre que la salle de l'école devint trop petite et qu'il fallut se réunir en plein air sous les arbres.

Quel temps extraordinaire que celui-là !

De chaque maison s'élevait la prière de quelque pécheur inquiet de son état.

L'Esprit de Dieu remuait les cœurs, et un grand nombre de personnes devinrent des enfants du Royaume.

Le changement qui s'opéra dans toute la vallée fut considérable, et l'ivrognerie, le jeu, les danses et les mauvaises chansons furent remplacés par des prédications, des assemblées de prières et le chant des cantiques.

Le dimanche, qu'on avait jusqu'alors passé dans la débauche ou dans l'oisiveté, devint un jour de repos saint et consacré à Dieu.

On bâtit des temples qui se remplissaient tous les dimanches, et, au bout de deux ou trois ans, plusieurs centaines de personnes devenues croyantes se formèrent en église.

Dès lors notre village a toujours été dans un état florissant.

" Vous voyez que de bien Dieu nous a fait ! " ajouta mon hôte avec expression en terminant son récit.

Bien souvent, j'ai repensé dès lors à cette courageuse servante du Seigneur, et je m'humilie en comparant sa conduite à celle que me dicte parfois encore la crainte des hommes.

Elle n'est plus de ce monde, et son souvenir vivra pour un temps dans le cœur de ceux qu'elle a conduits au Seigneur.

Mais lors même qu’après eux son nom s'effacerait ici-bas, les suites de son travail couleront, il faut l'espérer, comme un ruisseau bienfaisant à travers un grand nombre de générations.

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