Le jeune tambour

La guerre de Sécession (1862 – 1865) mit aux prises, en Amérique, les Etats du Nord avec ceux du Sud.

Les premiers étaient partisans de l’abolition de l’esclavage, tandis que les Etats du Sud voulaient le maintenir.

J’étais alors chirurgien dans l’armée du Nord.

L’amputation

Après la bataille de Guettysbourg, il y avait à l’hôpital des centaines de blessés, qui réclamaient d’urgence mes services, surtout pour des amputations.

Parmi eux se trouvait un jeune garçon auquel il fallait amputer un bras et une jambe.

Il n’avait passé que trois mois au régiment en qualité de tambour, sa trop grande jeunesse lui interdisant le port des armes.

Lorsqu’on voulut lui administrer le chloroforme, il détourna la tête, refusant de se laisser endormir.

Comme on insistait parce que c’était l’ordre du médecin, il répondit : " Priez le docteur de venir. "

En arrivant auprès de son lit, je lui dis : " Jeune homme, pourquoi refusez-vous le chloroforme ? Lorsque je vous trouvai sur le champ de bataille, vous me paraissiez si près de la mort que j’hésitai à vous faire emporter ; mais lorsque vous avez ouvert vos grands yeux bleus, j’ai pensé que vous aviez peut-être quelque part une mère qui, à cette heure, pensait à son garçon.

Je vous ai donc fait transporter ici. Mais la perte de tant de sang vous a affaibli au point que vous ne pouvez endurer une opération sans chloroforme ; il faut me permettre de vous en faire respirer. "

Il posa sa main sur la mienne et, me fixant dans les yeux, il me dit : " Docteur, un dimanche, lorsque j’avais dix ans, j’ai donné mon cœur à Jésus-Christ.

Dès lors, je n’ai jamais cessé de me confier en Lui. Aujourd’hui encore, comme toujours, il est ma force et mon espérance. Il me soutiendra pendant l’opération. "

Je lui demandai alors si je pouvais lui donner un peu d’eau-de-vie.

Il me regarda de nouveau fixement en me disant :

" Docteur, j’avais environ cinq ans lorsque ma mère, s’agenouillant auprès de moi, m’entoura le cou de son bras, et me dit : Mon petit Charles, je prie le Seigneur Jésus de ne pas permettre que tu connaisses jamais le goût des boissons alcooliques.

Ton père a été victime de l’alcool ; il occupe la tombe déshonorée du buveur, et j’ai pris l’engagement devant Dieu, s’Il veut que tu grandisses et que tu deviennes un homme, que tu mettes les autres jeunes gens en garde contre les boissons enivrantes !

Maintenant, j’ai dix-sept ans, et je n’ai jamais rien goûté de fermenté ; je vais probablement bientôt paraître devant Dieu, voulez-vous m’envoyer en sa présence sous l’influence de l’eau-de-vie ? "

Je n’oublierai jamais son regard.

A cette époque je haïssais Jésus, mais je respectai la loyauté et la fidélité de cet enfant envers son Sauveur.

Voyant combien il l’aimait et se confiait en Lui jusqu’au bout, mon cœur s’émut et je fis pour lui ce que je n’avais jamais fait pour aucun soldat, je lui demandai s’il voulait voir l’aumônier.

" Oh ! Oui, monsieur ! " fut sa réponse.

Quand l’aumônier de l’armée arriva, il reconnut le jeune homme qu’il avait vu assister assidûment à la prière, et, lui prenant la main, il lui dit :

" Charles, je suis bien affligé de vous voir en cet état. "

" Oh ! monsieur, tout est bien. Le docteur m’a offert du chloroforme et je l’ai refusé ; puis il voulait me donner de l’eau-de-vie que j’ai aussi refusée, et si mon Sauveur m’appelle, je pourrai aller auprès de Lui l’esprit tout à fait libre. "

" Vous pourriez ne pas mourir, Charles. Mais si, en effet, le Seigneur vous rappelle à Lui, puis-je faire quelque chose pour vous, lorsque vous serez parti ? "

" Oui, monsieur ; mettez, je vous prie, votre main sous mon coussin, et prenez ma petite Bible, dans laquelle vous trouverez l’adresse de ma mère. Envoyez-la-lui, écrivez-lui que, depuis que j’ai quitté la maison, je n’ai jamais passé un jour sans lire la Parole de Dieu et sans prier Dieu de bénir ma chère mère, et cela n’importe où, en marche, sur le champ de bataille ou à l’ambulance. "

" Puis-je faire autre chose ? "

" Oui, monsieur. Veuillez écrire au directeur de mon école du dimanche à Brooklyn, et lui dire que je n’ai jamais oublié ses bonnes paroles, ses prières et ses conseils ; ils m’ont accompagné dans tous les périls de la guerre, et maintenant, en approchant peut-être de ma dernière heure, je prie mon Sauveur de le bénir. C’est tout. "

Puis, se tournant vers moi, il dit : " Docteur, je suis prêt, je vous promets que je ne pousserai pas même un gémissement, si vous voulez bien ne pas me donner de chloroforme. "

Je promis, mais je n’eus pas le courage de prendre ma trousse avant d’avoir passé dans la chambre voisine pour me fortifier par un stimulant.

Ni cri, ni gémissement pendant que je tranchais les chairs ; quand j’attaquai l’os avec la scie, le patient mit le coin de son coussin dans sa bouche, et tout ce que j’entendis fut : " O Jésus ! adorable Jésus, reste, en ce moment auprès de moi ! "

Il tint parole et ne gémit pas.

Cette nuit-là, je ne pus dormir, car de quelque côté que je me tourne, je voyais ces beaux yeux bleus si doux, et quand je fermais les miens, les paroles : " Adorable Jésus, reste en ce moment auprès de moi ! " Résonnaient à mes oreilles.

Entre minuit et une heure, je quittai mon lit et visitai les salles, contre mon habitude ; à moins de n’être spécialement appelé par quelque cas pressant, je ne venais d’ordinaire que vers le matin.

Mais cet enfant me tenait extraordinairement à cœur.

A mon arrivée, le veilleur me dit que seize des plus grièvement blessés étaient décédés et avaient été transportés à la morgue.

" Comment va Charles Coulson, est-il parmi les morts ? "

" Non, monsieur, il dort d’un sommeil paisible, comme un enfant. "

Quand j’arrivai auprès de son lit, une des gardes me dit que, vers neuf heures, deux membres de l’Union chrétienne des jeunes gens étaient venus lire quelques paroles de l’Evangile.

L’aumônier pria avec ferveur à son chevet ; puis ils avaient chanté :

" Jésus, Sauveur de mon âme,

Laisse-moi voler vers toi. "

Et la voix de Charles avait même accompagné le chant.

Je ne pouvais comprendre comment ce garçon, après ses atroces souffrances, avait eu encore la force de chanter !

La parole d'exhortation de Charles COULSON

Cinq jours plus tard, il me fit chercher.

" Docteur, " me dit-il, " mon heure est venue. Je ne pense pas voir un nouveau jour se lever, mais grâce à Dieu, je suis prêt.

Avant de mourir, je désire vous remercier de tout mon cœur de vos bontés envers moi.

Docteur, vous êtes Israélite ; vous ne croyez pas en Jésus ; voulez-vous rester là, afin de voir que je meurs en me confiant en mon Sauveur jusqu’à mon dernier soupir ? "

Le courage me manqua pour assister à cette scène. Je quittai la salle.

Un peu plus tard, un interne vint me chercher dans mon bureau et me trouva la tête entre les mains, il me dit :

" Docteur, Charles Coulson désire vous voir. "

" Je viens de le quitter, et je ne puis y retourner. "

" Mais il dit qu’il doit vous parler encore une fois avant de mourir. "

Je me résignai, tout en me promettant de lui dire uniquement un mot affectueux et de le quitter, résolu à ne me laisser influencer en rien en faveur de Jésus.

En arrivant, je vis qu’il baissait rapidement ; je m’assis près du lit.

Il me pria de lui prendre la main, puis il dit :

" Docteur, je vous aime parce que vous êtes Juif ; le meilleur ami que j’ai eu dans ce monde était un Juif ! "

" Qui donc ? " demandai-je.

" Jésus-Christ ; je veux vous le faire connaître avant de mourir ; et promettez-moi, docteur, que vous n’oublierez jamais ce que je vais vous dire. "

Je promis.

Alors il me dit : " Il y a cinq jours, pendant que vous m’amputiez le bras et la jambe, j’ai prié le Seigneur Jésus-Christ de convertir votre âme. "

Ces paroles pénétrèrent au plus profond de mon cœur.

Impossible de comprendre comment, pendant que je lui occasionnais la souffrance la plus intense, il avait pu s’oublier au point de ne penser qu’à son Sauveur et à mon âme inconvertie.

Tout ce que je pus dire fut : " Eh bien, mon cher enfant, tout ira bien, tout ira bien pour vous, et bientôt ! "

Puis je m’éloignai.

Dix minutes après, il s’endormit " dans les bras de Jésus. "

Des centaines de soldats moururent dans mon ambulance durant la guerre ; mais je n’en suivis qu’un à la tombe, Charles Coulson, le jeune tambour ; je fis cinq kilomètres à cheval pour le voir enterrer.

Je le fis vêtir d’un uniforme neuf, placer dans un cercueil d’officier et couvrir du drapeau des Etats-Unis.

Les dernières paroles du jeune tambour m’avaient fait une profonde impression.

A cette époque, j’étais riche, j’aurais volontiers donné jusqu’à mon dernier centime, si j’avais pu par là être heureux et consolé comme Charles Coulson l’avait été.

Mais ces choses ne peuvent s’acheter à prix d’argent.

Si plus tard, au milieu d’officiers rien moins que chrétiens, j’oubliai quelque peu les paroles qui m’avaient tant impressionné, jamais je n’oubliai sa patience prodigieuse et sa complète confiance en Jésus, dont le nom était pour moi, à cette époque, un nom odieux.

Le barbier chrétien

Durant dix longues années je résistai à Jésus-Christ avec toute la ténacité d’un Juif orthodoxe.

Mais un jour arriva où Dieu me mit en relation avec un barbier chrétien qui, reconnaissant à première vue mon origine, me parla avec tant de cordialité et de chaleur de Jésus-Christ – me disant qu’une fois il en avait été aussi éloigné que moi, - que je me trouvai désarmé, et l’écoutai avec intérêt.

Lorsque je sortis de chez lui, après m’être fait couper les cheveux, il me donna le bras pour traverser le verglas ; et en me quittant à la station du chemin de fer, il me parlait encore de Celui qu’il appelait son meilleur ami en ce monde et dans le monde à venir.

Ma pensée se reporta sur Charles Coulson ; et tournant les yeux vers mon aimable interlocuteur, je le vis tout ému et les joues inondées de larmes.

Je ne pouvais pas comprendre comment il se faisait que cet homme, qui m’était parfaitement étranger, pût à tel point s’intéresser à moi.

Comme je lui tendais la main en le quittant, il me la prit dans les deux siennes, et la pressant affectueusement, me dit : " Si vous voulez bien me donner votre carte, je vous promets sur ma foi de chrétien, que durant trois mois je ne terminerai jamais la journée sans vous nommer dans mes prières.

Et puisse mon Christ vous suivre, vous trouver et ne vous laisser de repos que lorsque vous l’aurez trouvé comme je l’ai trouvé, que vous l’aurez reconnu comme un précieux Sauveur : le Messie que vous attendez. "

Tout en le remerciant de son bon vouloir, et en lui remettant ma carte, je lui dis avec une nuance de raillerie : " Il n’y a pas de danger que jamais je devienne chrétien. "

Il me donna sa carte à son tour en disant : " Voulez-vous m’envoyer une ligne si Dieu exauce ma prière à votre sujet ? "

Avec un sourire d’incrédulité, je dis : " Bien certainement ! " ne pensant assurément pas qu’en moins de quarante-huit-heures, Dieu l’exaucerait.

Je lui fis, néanmoins un adieu chaleureux.

Quarante-huit heures plus tard

Dans le train il y avait peu de voyageurs.

J’étais agité, changeant souvent de place, et je cherchai enfin dans un coin éloigné le sommeil que je ne devais point trouver, car aussitôt que je fermais les yeux, j’étais pris entre deux feux.

D’un côté m’apparaissait le jeune tambour de Guettysbourg et de l’autre mon coiffeur de New-York, tous les deux me parlant de Jésus.

Impossible de me débarrasser de ces images, qui me poursuivirent pendant tout le trajet.

En arrivant à Washington, je vis l’annonce d’une série de réunions spéciales dans une des plus grandes églises de la ville ; elles étaient présidées par le docteur Rankin.

Je m’y sentis attiré.

Jamais je n’étais entré dans un édifice consacré au culte chrétien ; mon père qui, dès mon enfance, avait désiré que je devienne rabbin, me l’avait expressément interdit.

L’annonce parlait des chœurs réunis de différentes églises ; j’aimais passionnément la musique, c’est ce qui me tenta.

Ce fut à mon tour de verser des larmes, mes épaulettes sans doute m’avaient valu d’être placé au premier rang, en face de l’orateur.

Tout ce qu’il disait semblait m’être adressé personnellement ; il paraissait me montrer du doigt.

Qui donc lui avait parlé de moi ?

De plus, les paroles de mes deux prédicateurs, l’un de la veille et l’autre mort depuis dix ans, semblaient s’unir aux siennes dans une étrange harmonie.

Je tournai une fois la tête, dans la pensée qu’après tout son doigt pouvait indiquer quelque autre auditeur placé derrière moi ; je vis deux mille personnes qui semblaient me regarder.

Me voilà, seul Juif ici ! pensai-je, et j’aurais voulu m’éloigner au plus vite.

Comme j’étais bien connu à Washington, la pensée traversa mon esprit que le fait pourrait être rapporté par la presse : " le docteur Rossvally, juif, assistait à la réunion de réveil, à cinq minutes de la synagogue qu’il fréquente habituellement, et on le vit verser des larmes… "

Cependant j’écoutai le discours jusqu’au bout.

En sortant, je rencontrai près la porte une dame chrétienne bien connue à Washington.

Elle m’arrêta avec une grande bienveillance :

" Pardonnez-moi ", me dit-elle, " je vois que vous êtes officier, vous paraissez accablé par la conviction du péché ; vous êtes venu chercher ici le Sauveur, et vous ne l’avez pas encore trouvé. Ne quittez pas encore l’église. "

" Madame, " répondis-je, " je suis Juif. "

" Peu importe ; Jésus est mort pour les Juifs comme pour tous les autres hommes. "

Je retournai à ma place. Là, elle se mit à genoux et prononça une prière si simple, si touchante – toute ma vie passée se déroulait devant mes yeux, - que j’aurais voulu disparaitre sous terre !

" Ne prierez-vous pas le Seigneur Jésus ce soir avant de vous adonner au repos ? "

" Je prierai le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, mais pas Jésus ! " répondis-je.

" Mais le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob est mon Christ et mon Messie ! "

L’intérêt affectueux que me témoignait cette succession de chrétiens me frappa extraordinairement, et je résolus que, si la vérité était dans la religion de Jésus-Christ, j’en saurais quelque chose avant de prendre du repos.

Lorsque je rentrai à la maison, ma femme (Juive très orthodoxe) crut remarquer chez moi une certaine surexcitation et me demanda où j’avais été.

Je n’osai lui avouer la vérité, encore moins lui dire un mensonge ; je lui dis : " Je te prie, point de questions ; j’ai en main une affaire très importante pour laquelle j’ai besoin d’être seul dans mon bureau. "

Je m’enfermai donc, et me mis en prière, la face tournée vers l’orient, comme à l’ordinaire.

Plus je priais, plus je devenais malheureux ; c’étais un sentiment nouveau, et je n’y comprenais rien.

Certaines paroles des prophètes de l’Ancien Testament m’intriguaient beaucoup, tout en me causant une grande perplexité quant à leur sens.

Elles me revinrent à l’esprit au moment où je prenais mes phylactèresi pour prier selon mon invariable habitude.

" Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le Législateur d’entre ses pieds, jusqu’à ce que le Scilo vienne, et c’est à Lui qu’appartient l’assemblée des peuples " (Genèse, chapitre 49, verset 10).

" Toi, Bethléem Ephrata… c’est de toi que sortira celui qui doit être le Dominateur en Israël " (Michée, chapitre 5, verset 2).

" Le Seigneur Lui-même vous donnera un signe : voici, une vierge concevra et enfantera un Fils, et on appellera son nom Emmanuel " (Esaïe, chapitre 7, verset 14).

Ces trois passages me firent une impression si profonde que je m’écriai :

" O Eternel, Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, tu sais que je suis sincère en tout ceci ; si Jésus-Christ est le Fils de Dieu, révèle-le-moi cette nuit, et je l’accepterai comme mon Messie ! "

Sans me rendre compte de ce que je faisais, je jetai mes phylactères dans un coin et je m’agenouillai instantanément.

L’esprit agité, et dans le doute quant à la sagesse de mon action, j’adressai pour la première fois ma prière à Jésus ; je ne l’oublierai jamais :

" O Seigneur Jésus-Christ, si Tu es le Fils de Dieu, si Tu es le Sauveur du monde, si Tu es le Messie que nous, Juifs, attendons, et si Tu peux convertir les pécheurs – convertis-moi, car je suis un pécheur, et je promets de Te servir tous les jours de ma vie. "

Cette prière ne m’apporta aucun soulagement.

La raison en était évidente ; j’avais voulu faire une sorte de marché avec Jésus et savoir s’il voulait accepter ma demande, pour faire alors ce que je lui promettais.

Je demeurai à genoux une demi-heure ; malgré le froid, la sueur coulait de mon corps ; j’appuyai ma tête brûlante contre le mur pour la rafraichir.

L’angoisse me torturait, mais je n’étais pas encore converti. Je me levai pour arpenter la chambre, déclarant que je ne m’agenouillerais plus jamais !

Faux raisonnement sur faux raisonnement traversèrent mon esprit ; puis je m’agenouillai quand même de nouveau.

La nuit se passa ainsi en étranges alternatives jusqu’à près de deux heures du matin.

Alors le jour commença à se faire à mon esprit, et je sentis que la foi naissait dans mon cœur.

Aussitôt, pour la dernière fois cette nuit-là, je me jetai à genoux ; mes doutes s’étaient dissipés, et je me mis à louer Dieu, car une joie et un bonheur jusqu’alors inconnus avaient pénétré dans mon âme.

Je savais que j’étais converti et que Dieu, pour l’amour de Jésus-Christ, avait pardonné mon péché.

Je sentais qu’être circoncis ou incirconcis ne signifiait rien ; ce qui importe, c’est d’être une nouvelle créature.

Toi et ma maison

(Actes, chapitre 16, verset 31)

Je me relevai, et dans l’exubérance de mon nouveau bonheur, pensant que ma chère femme participerait à l’instant à ma joie, je m’élançai dans notre chambre et, jetant mes bras autour de son cou, je l’embrassai tendrement en disant :

" Chère femme, j’ai trouvé le Messie ! "

Elle parut ennuyée, et me repoussant froidement, me dit :

" Trouvé qui ? "

" Jésus-Christ, mon Messie et mon Sauveur ! " répondis-je vivement.

Elle n’ajouta pas un mot, s’habilla rapidement, et cinq minutes après elle avait quitté la maison, bien qu’il fût deux heures du matin, pour se rendre chez ses parents qui demeuraient en face.

Je ne la suivis pas, mais je tombai à genoux, implorant mon Sauveur récemment trouvé, pour qu’il ouvrît les yeux de ma femme comme il avait ouvert les miens.

Puis je m’endormis paisiblement.

Le lendemain, ma pauvre femme fut avertie par ses parents que désormais, si elle m’appelait son mari, elle serait déshéritée, excommuniée de la Synagogue et maudite.

Ils firent aussi venir mes deux enfants et leur défendirent de m’appeler leur père.

Cinq jours plus tard, mes chefs m’envoyèrent dans l’Ouest pour des affaires d’Etat.

Je cherchai à voir ma femme pour lui dire adieu, mais elle refusa de me recevoir et même de m’écrire.

Elle m’envoya un message par un voisin : aussi longtemps que j’appelais Jésus-Christ " mon Sauveur ", je ne devais pas la regarder comme ma femme !

D’un cœur bien triste, j’entrepris le voyage qui allait mettre 2150 kilomètres entre nous.

Je lui écrivis journellement pendant cinquante-quatre jours, mais elle ne répondit à aucune de mes lettres.

Je demandais à Dieu d’incliner son cœur à en lire au moins une.

J’étais sûr qu’alors elle réfléchirait à ce qui s’était passé entre elle et moi avant mon départ.

Ce fut par un acte de désobéissance de ma fille que je me trouvai exaucé !

La cadette de mes deux enfants qui m’était tendrement attachée, avait le cœur fort agité, d’un côté par le sentiment du devoir envers sa mère, et de l’autre par son amour pour son père.

Une nuit, elle rêva qu’elle voyait mourir son père ; tout effrayée, elle résolut coûte que coûte de ne pas laisser détruire la prochaine de mes lettres.

Le lendemain, elle attendit le facteur, prit toutes les lettres, et reconnaissant une des miennes, la glissa dans son corsage, se précipita dans sa chambre, tourna la clef et ouvrit le pli.

Elle le lut trois fois avant de le renfermer, et se mit à pleurer.

Quand elle revint auprès de sa mère, celle-ci vit ses yeux rouges et gonflés et lui en demanda la cause.

" Mère, si je te le dis, tu te fâcheras, mais si tu me promets de ne pas t’affliger, je te dirai tout. "

" Qu’y a-t-il, mon enfant ? "

Alors, tirant la lettre de sa cachette, elle raconta son rêve et ajouta :

" J’ai ouvert la lettre de papa, arrivée ce matin ; je l’ai lue, et désormais je ne puis et ne veux pas croire qu’il est un méchant, comme l’assure mon grand-père ; un méchant n’écrirait jamais à sa femme et à ses enfants une lettre comme celle-ci.

Je t’en supplie, maman, lis-là ! La voici ! "

Sa mère prit la lettre, la mit d’abord sous clef, et l’après-midi, après s’être enfermée à double tour dans sa chambre, elle l’ouvrit.

Elle la lut cinq fois d’un bout à l’autre, comme elle me le dit plus tard ; puis elle la remit sous clef.

" Maman, pourquoi pleures-tu ? " demanda sa fille lorsqu’elle retourna auprès d’elle.

" Mon enfant, je me sens mal. J’aimerais m’étendre. "

On la crut malade, on l’entoura de soins, on fit venir le médecin.

Ma belle-mère ne la quitta que bien avant dans la nuit.

Aussitôt qu’elle se trouva seule, elle se jeta à genoux, comme je l’avais fait, et en quelques instants Jésus-Christ se révéla à son âme, la guérit et la convertit.

Le lendemain, dès le matin, je reçus un télégramme :

" Mon cher mari, reviens tout de suite, je pensais que tu avais tort, et que j’avais raison ; j’ai découvert que tu avais raison et que j’avais tort.

Ton Christ est mon Messie. Ton Jésus est mon Sauveur. Hier au soir, peu avant onze heures, le Seigneur Jésus a converti mon âme. "

Je pris le premier train, laissant toute affaire ; elle m’attendait sur la porte, le visage rayonnant, et se jeta dans mes bras.

Son père et sa mère nous virent, et aussitôt ils nous maudirent l’un et l’autre.

Dix jours plus tard, ma fille était convertie.

Aussitôt les grands-parents promirent à mon fils que s’il consentait à ne plus jamais m’appeler : père, ni à appeler sa mère : mère, ils lui laisseraient tout leur avoir.

Aussitôt après ma conversion j’écrivis à ma mère, lui racontant que j’avais trouvé le vrai Messie.

Après avoir gardé le silence cinq mois, elle m’envoya sa malédiction !

Que personne ne croie qu’il est facile pour un Juif de devenir chrétien.

Il doit être prêt à abandonner non seulement ses intérêts personnels, mais père, mère, femme et tout ce qu’il a de cher, pour le royaume de Dieu.

J’écrivis à ma mère l’appel le plus tendre.

Je ne la vis plus, l’océan nous séparait. On me dit que la dernière parole que formulèrent ses lèvres mourantes fut mon nom : Max !

Ma chère femme mourut 21 mois après sa conversion.

Son cœur soupirait après son fils, mais à mes messages réitérés et affectueux, il n’eut qu’une réponse : " Qu’elle soit maudite, qu’elle meure ! Elle n’est plus ma mère ! "

Le jour de sa mort, elle me pria de faire venir autant de personnes chrétiennes de sa connaissance que la chambre pouvait contenir.

Elle pria la femme du pasteur Ryle, une de ses amies intimes, de lui prendre la main gauche, tandis que je lui tenais la main droite, nous étions trente-huit, hommes et femmes, faisant cercle autour d’elle ; nous chantions doucement :

" Jésus, Sauveur de mon âme,

Laisse-moi voler vers Toi… "

Quand nous arrivâmes aux paroles :" O Christ tu suffis à tout ! " elle dit d’une voix faible mais claire : " Oui, à tout ! Tout ce qu’il me faut ! J’ai tout ! Viens adorable Jésus, prends-moi auprès de Toi ! "

Et elle s’endormit.

Trois fois je traversai l’océan, espérant trouver mon fils, mais trois fois en vain ; il refusa de voir son père !

Je me réfugiai dans la prière, demandant son émancipation de tout préjugé judaïque, et sa foi en " l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde. "

Un quatrième voyage au mois de juillet 1887 fortifia ma foi, car mon fils, non seulement consentit à me recevoir, mais versa des larmes amères sur son passé, et se déclara prêt à aller voir sa sœur mariée en Amérique.

Environ dix-huit mois après ma conversion, j’assistais à Brooklyn à une réunion consacrée à la prière et aux témoignages.

Après que plusieurs personnes eurent pris la parole, une dame d’âge mûr se leva et dit :

" Il est probable que je rende témoignage à l’amour du Christ pour la dernière fois. Notre médecin de famille m’a avertie que ma maladie de poitrine est fort avancée ; je n’ai donc que peu de temps à rester parmi vous, mais tout le temps qui me reste appartient à Jésus.

C’est une grande joie pour moi de savoir que je retrouverai mon garçon au Ciel, auprès du Sauveur.

Mon fils était non seulement un soldat de la patrie, mais un soldat de Jésus-Christ.

Blessé à Guettysbourg, il eut le bras et la jambe amputés par un docteur juif, mais il mourut cinq jours après.

L’aumônier du régiment m’envoya la Bible de mon enfant et m’écrivit que mon Charles, en mourant, avait fait chercher le docteur juif et lui avait dit :

" Docteur, avant de mourir, je veux vous dire qu’il y a cinq jours, pendant que vous me coupiez le bras et la jambe, j’ai prié le Seigneur Jésus-Christ de convertir votre âme. "

Aussitôt que j’entendis le témoignage de cette dame, je traversai la salle et, lui prenant la main, je lui dis :

" Dieu vous bénisse, chère sœur ; la prière de votre enfant a été exaucée. Je suis le docteur juif pour lequel votre Charles a prié, et son Sauveur est aujourd’hui mon Sauveur. "

(Diffusion de traités chrétiens, Bienne 8 (Suisse)

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