La victoire dans la souffrance

La souffrance s’est abattue sur une créature humaine.

Celle-ci en a reçu comme un coup d’assommoir, et maintenant - peut-être à côté du berceau d’un enfant qui ne reverra pas son père, peut-être dans la solitude pire encore d’une veuve sans enfant, peut-être parmi les reliques d’un fils bien-aimé – il lui semble que tout, dans sa vie, est désormais brisé.

Elle cherche, autour d’elle, une parole qui projette un peu de lumière dans sa nuit, qui mette fin au désarroi de ses pensées, qui vivifie ses énergies et les organise.

Que faut-il lui dire ?

C’est un fait que les grands chrétiens de tous les temps ont triomphé de l’épreuve le jour où ils ont été capables d’adorer la volonté mystérieuse, sainte et paternelle de Dieu.

Me souvenant de ce fait, irai-je dire à cette âme en détresse : " Ce qui t’arrive, Dieu l’a voulu. Accepte ce que Dieu a voulu et tu seras victorieuse de ce qui, aujourd’hui, semble t’écraser. "

Remarquez qu’il ne s’agit pas d’asséner à une personne écrasée par l’épreuve cette affirmation brutale : " ce qui t’arrive est un châtiment. "

Non, mais, sans aller jusque-là, ne faut-il pas dire à cette personne, et précisément pour la consoler, que son épreuve a été dans les intentions de Dieu et doit être acceptée docilement ?

Non, je ne me permettrai pas de déclarer à un de mes semblables : " Dieu a voulu ce qui t’arrive. "

Si je tenais ce langage, j’affirmerais une chose que j’ignore.

Le Père céleste ne m’a pas fait ses confidences.

Je n’aurai pas l’orgueil de parler à tort et à travers, comme s’Il me les avait faites.

Surtout, je ne veux pas risquer de calomnier Dieu.

Par exemple, ceux qui ont déchaîné la guerre actuelle ont commis un crime contre l’humanité et contre Dieu.

Les victimes de cette guerre sont, à la lettre, les victimes d’un crime.

De quel droit, pour les consoler, viendrai-je leur dire que Dieu a voulu ce crime ?

Non, je ne le leur dirai pas.

Mais alors, ils vont tourner le dos à l’expérience que tous les grands chrétiens ont faite ?

Consentirai-je, par scrupule, à les exproprier de cette expérience libératrice ?

Restons-en toujours à la substance de l’Evangile, à ce que Jésus-Christ nous apprend, à ce que l’on finit toujours par sentir quand on aime et contemple Celui qui a donné sa vie et qui l’a donnée pour nous.

Il est venu de la part du Père et il a révélé le Père.

Si nous comprenons les mots dont nous usons, si nous prenons au sérieux ce nom de Père et si nous lui donnons tout son sens, le Dieu que nous adorons est un Dieu qui se penche sur nos souffrances – comme nous nous penchons sur celles de nos enfants.

Ou plutôt, ce que nous éprouvons quand nos enfants souffrent n’est qu’une faible image de la tendresse douloureuse dont le Père céleste enveloppe la créature torturée par la douleur.

Dès que nous entrevoyons cela, nous n’avons qu’à nous conduire avec Dieu comme nous faisons avec nos parents, quand le malheur nous parait au-dessus de nos forces.

Alors, nous nous jetons dans les bras qui nous sont tendus et nous pleurons contre un cœur qui bat d’émotion affectueuse.

Et, peu à peu, au contact de cet amour silencieux et vibrant, nous sentons, sans qu’aucune parole soit prononcée, que le calme descend en nous.

Notre détresse n’en est pas supprimée.

Mais, à côté d’elle, autre chose pénètre en nous et nous réconforte.

Or, ce qu’on trouve dans les bras d’un père ou d’une mère n’est encore qu’une image très atténuée de ce que l’on ressent dans l’intimité de Dieu à qui l’on n’est pas venu réciter des formules, mais à qui l’on apporte le gémissement même de son âme :

" Je sais que tu m’aimes ; j’ai besoin de le savoir un peu mieux. Je crois ; viens au secours de mon incrédulité. Je te cherche ; aide-moi à te chercher. Je t’aime ; subviens à mon manque d’amour. "

Or, ce que l’on trouve dans les bras d’un père ou d’une mère est hors de proportion avec ce que l’on doit éprouver dans l’intimité du Dieu vivant.

Si, par un simple contact silencieux, la présence d’un père ou d’une mère exerce une influence apaisante, que dirons-nous donc de la présence de Dieu lui-même ?

N’en disons rien ; ce ne sont point-là des choses qui se mettent en formules.

Le raisonnement le plus subtil ne révèlera jamais ce que l’enfant doit éprouver quand se penche sur lui la figure aimée de celle dont il tient tout, dont il attend tout.

Le docteur le plus savant n’en donnera jamais une idée suffisante.

Mais l’enfant qui se sait aimé et qui aime n’a pas besoin des explications du docteur.

C’est une partie de ce que Jésus a voulu exprimer quand Il a déclaré que le Royaume de Dieu, c’est-à-dire l’intelligence de ce qu’est Dieu et la possession de Dieu, est réservé aux enfants.

Dans les heures de souffrance, suivons l’indication de Jésus et allons à Dieu comme des enfants.

A celui et à celle qui s’abandonnent ainsi dans les bras du Père, sans récriminer contre ses intentions que l’on ignore, sans lui en prêter de scandaleuses, sans lui demander des explications qu’il ne doit à personne, les plus précieuses révélations seront assurées.

Mais la plus précieuse de toutes sera simplement celle-ci :

" Dieu m’aime plus que je ne le soupçonnais. Avant mon épreuve, je répétais volontiers que Dieu m’aime, et j’étais de bonne foi. Maintenant, je le sais, et je le sais à tel point que je ne parviens pas à l’exprimer… "

Celui qui a fait cette expérience a découvert ce qui vaut plus que tout.

Il possède ce qui, désormais, transfigure tout pour lui, les joies comme les douleurs.

Il possède ce qui le contraint à sanctifier toutes ses joies et qui leur confère, par cela-même, un caractère d’éternité.

Il possède ce qui, dans les pires douleurs, lui permet de distinguer la figure du Père penché sur lui et de sentir, avec une force nouvelle, que le Père est toujours là, que le mal est contraire à sa volonté et que le mal sera vaincu.

La croix n’est plus pour lui un signe de convention ; n’est-il pas étrange que, par suite de l’accoutumance, l’image d’un instrument de supplice ait pu devenir un objet sans signification et même un ornement mondain ?

Elle est pour lui le phare qui illumine la vie.

Quand on en est là, l’on n’est pas loin de faire une autre découverte…

Pour essayer de faire comprendre ma pensée, je recourrai à une comparaison familière.

Voici un homme qui vit à côté d’un ange de dévouement.

Il est dans une atmosphère de tendresse dont cette créature d’élite l’entoure, et il n’a pas l’air de s’en douter.

Il reçoit sans cesse ; et cela lui parait naturel, comme si tout lui était dû.

Il ne donne jamais rien de lui-même ; et cela lui parait encore naturel, comme s’il ne devait rien à personne.

Cela pourrait durer toujours.

Il y a des égoïstes qui ne comprennent jamais.

Seulement voici, une maladie imprévue terrasse, un jour, cet homme.

Il devient dépendant de tout et de tous.

Celle qui est tout près de lui continue d’être tout simplement ce qu’elle a toujours été.

Elle le devient même un peu plus, sans se laisser rebuter par rien.

Alors il a la révélation de ce qu’il était incapable de distinguer.

Son existence en est bouleversée.

Allez donc lui demander s’il maudit cette maladie.

Il vous répondra qu’elle a été la grande bénédiction de sa vie.

Qu’est-ce que cela signifie ?

Tout simplement ceci : que cette maladie a été l’occasion qui a forcé ses yeux à s’ouvrir et son cœur de comprendre.

Celle qui était à ses côtés a su se servir de cette maladie – que, pourtant, elle n’a ni voulue ni même désirée – pour rendre son amour encore plus enveloppant et plus actif.

Il est aisé de transposer cette expérience.

Celui qui, sous le coup de l’épreuve, s’est jeté dans les bras du Père et a pleuré contre son cœur, celui-là a eu, de l’amour éternel, une sensation qui lui avait été inconnue jusque-là.

Peu à peu, ses yeux se sont dessillés.

Il aperçoit, dans le détail de sa vie, une foule de petits incidents auxquels il n’avait jamais prêté aucune attention, dont chacun était une bénédiction et un appel, dont chacun lui avait demandé, de la part de l’Eternel : " Ne sens-tu pas que je suis là et que je t’aime ? "

Maintenant, cette âme a saisi ce qui lui échappait.

Elle distingue sans doute que, dans son épreuve actuelle, il y a, tout près d’elle, l’Ami qui souffre avec elle, qui pleure avec elle, mais qui voudrait aussi lui communiquer la joie des espérances éternelles.

Elle sent cette grâce, et c’est déjà une bénédiction qui descend sur elle.

Mais elle voit encore autre chose.

Une sorte d’illumination se projette sur son passé.

Elle a l’intuition que, sur la route qu’elle a suivie, Dieu s’est offert sans cesse ; que, par moments, il a tout fait pour être visible, mais qu’elle n’a pas su, par distraction, par accoutumance, par légèreté coupable, deviner la présence de Celui qui la cherchait.

Désormais, tout est changé…

Oh ! Comme il est naturel que des âmes, sous le coup de cette découverte, aillent jusqu’à déclarer : " Dieu a voulu la souffrance par laquelle je suis passée. "

Cela a été le cas pour le pieux Zeller, de Maennedorf, près de Zurich, qui ayant été en butte à l’animosité de certains hommes, en ayant cruellement souffert, avait profité de ses expériences douloureuses pour entrer plus avant dans l’intimité de son Dieu et pour pousser plus activement l’évangélisation de son pays.

Le résultat de ses efforts, épurés et intensifiés dans le creuset de la douleur, fut tel qu’il croyait pouvoir affirmer : " Dieu a voulu mon épreuve. "

Je sais un chrétien qui était profondément malheureux à cause de l’incrédulité de son père, qui ne savait comment la vaincre et qui, ayant été mobilisé par une longue maladie, avait amené, par le spectacle de sa patience souriante, la conversion qu’aucun de ses appels n’aurait pu déterminer.

Lui aussi, il s’écriait avec reconnaissance : " Dieu a voulu ma souffrance, et je l’en remercie. "

Ce fils reconnaissant et Zeller en disaient plus qu’ils n’en savaient.

Je ne me représente pas Dieu voulant le mal physique qui est, par définition, un désordre de la nature ; et je me représente encore moins Dieu voulant ce mal moral qu’il y a dans l’injustice et dans l’animosité.

Mais Dieu sait se servir du mal pour en faire sortir du bien.

Telle catastrophe devrait briser un homme ou une femme.

Dieu vient et, prenant la pauvre créature pantelante, il la conduit devant les réalités du monde invisible.

Ce qu’il veut, c’est que l’âme qui souffre ait une révélation particulière de son amour.

Il n’a pas voulu le crime des hommes ; mais il veut que le crime lui-même soit vaincu par son amour, et son amour peut être vainqueur à ce point que tout le reste en soit illuminé.

Pour rien de ce que les hommes peuvent lui offrir, l’âme qui en est là ne voudrait que cette révélation n’ait pas eu lieu.

Elle le voudrait si peu qu’elle finit - et c’est ici ce que le vulgaire prend un paradoxe inintelligible et ce qui est le triomphe de Dieu – par consentir, pour le privilège de cette révélation, à l’épreuve qui en a été l’occasion.

Elle se prend à murmurer : " Sans cette épreuve, je n’aurais pas connu ce que sont l’amour et la puissance de Dieu. Cette épreuve, par toutes ses conséquences, est une bénédiction.

Ai-je le droit de l’appeler un mal ? Si j’en avais le courage, ne la nommerais-je pas un bien ? "

Quand on sent ainsi, l’on n’est pas loin de parler comme Zeller.

Le plus simple est de se dire alors que l’on voit se réaliser, dans sa propre vie, la promesse solennelle que le Christ, avant de marcher au-devant de ses bourreaux, a faite à ses disciples :

" Vous aurez des tribulations dans le monde ; mais prenez courage, que votre cœur ne se trouble pas… j’ai vaincu le monde. "

Quand nous souhaitons la victoire du Christ, nous entendons par là que les événements devraient s’arranger de façon à manifester cette victoire.

Eh ! sans doute, un jour, le Christ sera Roi. Son Règne n’est pas un rêve dont la réalisation sera éternellement ajournée. Son Règne vient. Et quand il sera venu, le monde sera définitivement vaincu.

Mais la promesse du Christ se réalise pour les disciples dès maintenant, avant que les temps glorieux soient révolus.

Les chrétiens doivent en faire l’expérience.

Le Christ leur donne de son amour une intuition telle qu’elle illumine les pires heures, qu’elle les élève au-dessus de toutes les catastrophes, qu’elle transfigure pour eux l’épreuve ; et alors il peut dire vraiment à ses disciples :

" Avant de le vaincre dans les choses, j’ai vaincu le monde en vous. "

Dans la nuit de la souffrance

Dès que l’épreuve s’abat sur nous, une question lancinante nous obsède : " Pourquoi ? "

Cette question surgit de toutes les souffrances ; il n’y en pas une qu’elle ne complique et n’aggrave.

Une femme écrasée par le deuil ne manquera pas de se demander en regardant le ciel avec angoisse : " Qu’est-ce qui me vaut l’effondrement atroce de mon bonheur ? "

Combien de milliards d’âmes, au cours des années tragiques que nous traversons, se torturent avec cette question ?

Or, celle-ci reçoit parfois une réponse qui achève d’exaspérer le supplice : " Toute épreuve est un châtiment. "

Certains hommes n’hésitent pas à porter tranquillement cette affirmation devant de pauvres créatures dont la vie est broyée.

En guise de consolation, ils administrent à ces âmes douloureuses une exhortation accusatrice : " Le coup qui vous frappe est une punition. Hâtez-vous de chercher par quel péché vous l’avez méritée. "

Ceux qui parlent ainsi ne voient-ils pas que tenir ce langage, par exemple, à une mère qui pleure un fils, c’est l’inviter à examiner par quels actes mauvais elle a provoqué la mort du bien-aimé ?

Ces prétendus consolateurs sont des bourreaux.

En tout cas, ils ne s’inspirent pas de l’exemple du Christ.

Regardez l’attitude de Jésus devant ceux qui souffrent, devant les malades, les aveugles, les paralytiques.

Examinez s’il commence une seule fois par déclarer à un de ces infortunés qu’il a été frappé justement.

S’il l’avait fait, c’est qu’il aurait considéré la souffrance comme une dispensation sacrée de Dieu.

Mais alors il ne se serait pas permis de porter sur elle une main hardie.

Or, sa première préoccupation est de secourir et guérir.

Il ne dissimule pas à la foule des malades qui lui font cortège, et qui implorent de lui la guérison, que le mal moral entraine le mal physique et que le péché est pour l’homme une cause de douleur.

Mais il ne dit pas que toute souffrance est la conséquence directe d’un péché déterminé.

Cependant, certaines personnes n’hésitent pas à aller s’asseoir auprès des créatures éprouvées et à les accabler sous des propos cruels que le Christ a répudiés pour lui-même.

Un jour, Jésus rencontre un aveugle de naissance.

Ses disciples lui demandent : " Maître, qui a péché, cet homme ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? "

Il leur interdit de chercher la cause de cette infortune soit dans un péché de l’homme, soit dans un péché de ses parents.

Et sans plus de retard, sans se préoccuper de chercher d’où vient cette souffrance, il travaille à la supprimer, " afin que les œuvres de Dieu soient manifestées " dans cet infirme.

Un autre jour, on vient lui parler de Galiléens que Pilate a fait égorger au milieu de leurs sacrifices.

Ses interlocuteurs désiraient sans doute provoquer son indignation et le pousser à la révolte contre les massacreurs romains.

Ils n’avaient nul dessein de poser le problème de la souffrance.

C’est Jésus lui-même qui le pose, mais pour déclarer que les Galiléens mis à mort n’étaient pas plus coupables que ceux qui avaient été épargnés.

Et il ajoute, pour mieux illustrer sa pensée : " Et ces dix-huit personnes sur qui est tombée la tour de Siloé et qu’elle a tuées, croyez-vous qu’elles fussent plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Non, je vous le dis. "

Si ces hommes n’ont pas été plus coupables que les autres, leur malheur n’a pas été une punition, au sens précis du mot.

Les rescapés de cette catastrophe ne valent pas plus que les victimes, et Jésus, au lieu de les féliciter d’avoir été sauvés, les invite tout de suite à la conversion...

O vous qui souffrez, gardez-vous bien de voir dans votre souffrance le signe brutal de je ne sais quelle réprobation.

Ne murmurez pas : " Pour souffrir comme je souffre, il faut qu’une malédiction soit venue sur moi. "

Vous n’avez pas le droit d’interpréter ainsi ce qui vous arrive.

Prenez garde ; cette pensée n’est bonne qu’à se dresser, comme un mur, entre Dieu et vous.

Dieu veut s’approcher de vous ; ne mettez pas vous-même une barrière entre le Père et vous. " Pourquoi " ?

Cette question revient sans cesse sur vos lèvres.

Elle n’est pas mauvaise en elle-même.

Elle a été le grand ressort de la plupart des progrès intellectuels et moraux.

L’humanité serait éternellement restée dans l’ignorance des premiers temps si le mystère des choses n’avait pas irrité sa curiosité.

C’est l’honneur de notre race de ne pouvoir circuler au milieu des événements de la nature et de l’histoire sans essayer de s’en rendre compte.

Vous ne commettez donc pas vraiment un péché en répétant dans votre épreuve : " Pourquoi ? "

Mais il y a un temps pour tout.

Vous souffrez. C’est de consolation, et uniquement de consolation, que vous avez besoin.

Dieu va vers vous. Dieu vous attend.

Ce n’est pas le moment de lui poser des questions ; c’est celui de vous jeter dans ses bras et de pleurer contre son cœur.

Renoncez à l’interroger.

Cet acte de renonciation sera un élémentaire acte de foi.

Il signifiera : " Seigneur, je ne comprends pas, et je n’essaie pas de comprendre. Mais je sais que, toi, tu comprends, et cela me suffit.

Je sais que tu m’aimes et que ta compassion veut descendre sur ma souffrance.

Je viens à toi comme un petit enfant qui ne saisit pas la raison de son affliction et qui, dans la détresse, se réfugie contre la poitrine de sa mère tout simplement pour y abriter ses larmes, pour se sentir aimé, pour ne pas être seul… "

Vous êtes sans doute tenté de penser : " Si au moins, je savais pourquoi je souffre ! "… Il me semble que, le sachant, je souffrirais moins. "

Je vais vous poser une question : demandez-vous un privilège pour vous ou bien souhaitez-vous que le problème de toutes les douleurs soit résolu pour tous ceux qui souffrent ?

Non, vous ne réclamez pas un privilège.

Vous voudriez que le cas de chacun de vos frères en douleur soit éclairci tout comme le vôtre.

Eh bien ! s’il en est ainsi, je transforme ma question.

Examinez loyalement ce qui se passerait en vous, si vous saviez exactement pourquoi tel de vos frères est frappé.

Dans la mesure même où vous seriez fixé, dans la mesure où vous connaitriez les raisons profondes et justes de toute affliction, votre cœur ne se fermerait-il pas à la pitié ?

N’ayez-vous pas de doute à cet égard.

Vous diriez : " Cet homme souffre justement ", ou bien " je sais en quoi sa souffrance lui sera bonne. "…

Oh ! non, il n’est pas à souhaiter que tous les voiles se déchirent devant nous.

Tels que nous sommes, nous manquerions souvent de pitié à l’égard des autres.

Les autres en manqueraient à l’égard de nous.

Dans les ténèbres que nous sommes tentés de maudire, les mains fraternelles se cherchent, les cœurs se rapprochent…

Les mains se cherchent, les cœurs se rapprochent : c’est vrai, et pourtant le malheureux se sent effroyablement seul.

Certes, il y a des âmes qui font effort pour l’envelopper de leur sympathie.

Quoiqu’impuissante à procurer un véritable apaisement, la sympathie humaine est un bienfait.

Ne la méprisons pas puisque Dieu s’en sert pour venir en aide à ses pauvres créatures.

Bénis soient ceux et celles de qui rayonnent les effluves vivifiants.

Mais, hélas ! En bien des circonstances, quand certains deuils, par exemple, se produisent, aucune tendresse ne saurait remplacer celle dont on est privé.

On en voudrait à l’amitié qui serait assez efficace pour consoler.

Un bien-aimé s’en est allé : personne ne peut se substituer à lui ; et bien qu’entouré de beaucoup d’affection, on se sent en plein désert…

Un seul a le droit de pénétrer dans cette solitude et de la peupler.

C’est Dieu. " Voici je me tiens à la porte et je frappe. "

Les portes auxquelles il frappe ne sont pas celles des heureux de ce monde.

Chez les heureux de ce monde, Dieu apparait aisément comme un intrus, un gêneur ; il est l’indiscret qui rappelle ce qu’on voudrait oublier.

Il n’y a pas là de place pour lui.

Il a la sienne propre chez l’âme qui souffre. Il s’efforce d’y pénétrer. Il sollicite la permission d’entrer.

Il entre pour peu qu’on ne s’y oppose pas. Il agit par sa seule présence. Et la pensée ne vient pas de s’en scandaliser.

Dieu est celui qui nous aime, personnellement ; et il aime aussi l’enfant, le mari, le père qui s’en est allé.

Communier avec lui, c’est communier avec celui qui cherche l’être cher que nous avons perdu, celui à qui nous avons confié le soin de le trouver et de le garder.

L’ami intime d’un fils n’est pas un intrus chez les parents en deuil ; l’ami intime d’un mari mort n’est pas un intrus chez la veuve qui pleure.

Or, Dieu est plus que l’ami intime de ceux à qui nous pensons.

Il s’est donné pour eux en son Fils. Il a seul le droit de venir chez nous. Il ne risque jamais d’y être de trop.

Est-ce bien vrai qu’il n’y est jamais de trop ?

Non, ce n’est pas vrai.

La souffrance pousse l’enfant dans les bras de sa mère ; mais s’il a offensé sa mère, s’il a des remords à son égard, s’il lui a fait de la peine et s’il a refusé de lui en demander pardon, sera-t-il libre de suivre l’impulsion de son cœur ?...

Transposez ces réflexions.

Où donc irai-je pleurer, ô mon Dieu, ô mon Père, sinon contre ta poitrine ?

Mais comment aurai-je, pécheur que je suis, le courage de venir à toi, de me serrer contre toi.

Seigneur, tu te tiens à la porte, et tu frappes. Je n’ose pas te prier d’entrer ; car, avant de me consoler, tu auras des comptes à me demander. J’implore ta miséricorde ; mais ta sainteté me fait peur…

La voilà, l’expérience sacrée de la douleur. Il faut la bien comprendre.

Le malheureux est seul, absolument seul, en tête-à-tête avec son infortune.

Il appelle, dans sa détresse, Celui qui viendra peupler sa solitude. Il appelle Dieu comme il ne l’avait jamais appelé.

Il voudrait prier comme il n’a jamais prié. Il découvre qu’il ne sait pas prier.

Il supplie ses frères chrétiens de lui dire comment il faut implorer l’Eternel. Il se tourmente, et il gémit : " Je ne sais pas, je ne peux pas. "

Il ne soupçonne pas que, dans ces instants de désespoir, morne, tout son être crie vers Dieu, que ses soupirs sont des requêtes, que ses larmes sont des appels.

Il ignore que Dieu, qui ferme l’oreille au tic-tac des moulins à prières, écoute avec tendresse les lamentations même inexprimées et les exauce.

Oui, Dieu les exauce. Mais il le fait d’une manière imprévue. Ce qu’il apporte, c’est sa présence, et elle commence par effrayer.

Celui qui implore dans son abîme de douleur n’avait peut-être pas pensé souvent, avant de s’écraser dans son abîme, au Saint et au Juste.

Il a invoqué le secours d’en Haut. Le Saint et le Juste a répondu.

Mais le premier contact avec le Saint et le Juste a pour premier effet de révéler à l’homme ce qu’il vaut : " O Eternel, si tu prends garde aux iniquités, qui subsistera devant toi ? " (Psaumes, chapitre 80, verset 3).

" O Dieu, soit apaisé envers moi qui suis pécheur ! " (Luc, chapitre 18, verset 13).

La douleur me conduit à Dieu. Et quand je suis devant Dieu, je suis atterré.

Un mur de péché m’apparait entre le Père dont je ne puis me passer et mon âme que la Sainteté du Père épouvante.

Qui supprimera ce mur ?

Et voici la Croix surgit à l’horizon, la Croix mystérieuse, énigmatique, que je n’avais peut-être jamais essayé de comprendre.

La Croix qui semble à certains faire de la religion une recherche malsaine de la douleur pour la douleur et qui leur parait être l’apothéose de la mort, la Croix qui scandalise les consciences quand elle ne les sauve pas.

Maintenant, elle sollicite irrésistiblement mes regards.

Je souffre trop pour n’être pas attiré par l’Homme de douleur. Oh, l’Homme de douleur n’est pas seulement pour moi un compagnon de supplice, un modèle de patience, un exemple de soumission filiale à la volonté du Père.

Il est Celui qui fait ma paix avec Dieu, Celui à qui je m’unis du fond du cœur pour m’approcher du Saint et du Juste, Celui dont la face sanglante est illuminée par l’amour du Père, Celui qui me dit :

" Tout est accompli ", et qui ajoute : "Tes péchés sont pardonnés ", Celui dont l’œuvre est telle que les anges se penchent sur elle sans pouvoir ni la mesurer, ni l’exprimer, Celui qui a été vainqueur des puissances du mal et qui, de l’être misérable que je suis, veut également faire un vainqueur.

" Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés " (Matthieu, chapitre 11, verset 28).

" A qui irions-nous qu’à toi ? Seigneur, tu as les paroles de la Vie éternelle " (Jean, chapitre 6, verset 68).

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