La Bible abandonnée

Je suis une si grande pécheresse.

Au mois de février 18, j’allais voir une famille que j’avais l’habitude de visiter, voulant essayer pour la centième fois d’y faire quelque bien.

Ces gens étaient fort pauvres ; la misère et la saleté régnaient dans leur demeure délabrée comme sur leurs personnes, et, pour comble de tristesse, l’intempérance, tant de la femme que du mari, en était la cause.

Ils avaient plusieurs petits enfants dégoûtants de malpropreté et dont le père et la mère s’inquiétaient fort peu.

Leur fille ainée, âgée de dix-huit ans, gagnait honnêtement sa vie comme couturière et ne fréquentait que des personnes respectables.

Ne pouvant supporter la vie que menaient ses parents, elle les avait quittés et n’allait que rarement les voir.

Lorsque la pauvre fille leur faisait visite c’était pour s’entendre reprocher son orgueil, car c’est ainsi que ses parents taxaient sa mise convenable et son refus de loger chez eux.

Jamais elle ne sortait de la maison paternelle sans emporter un sentiment de honte qui la rendait malheureuse durant des semaines.

Un matin donc, je frappai à cette porte ; la mère m’ouvrit, me regarda, sans même me saluer ; c’est à peine si elle répondit un mot aux questions affectueuses et polies que je fis sur sa santé.

Quoiqu’elle ne m’invitât point à entrer, je le fis ; mais craignant de la déranger peut-être à cette heure matinale, je dis que je ne comptais point m’arrêter, et que je n’étais venu que pour m’informer de sa santé.

- Je suis aise de vous voir, dit-elle à voix basse et d’un air sombre et si diffèrent de celui que j’étais accoutumé de lui voir, que je lui demandai si elle était malade.

- Je suis bien, répondit-elle d’une voix sépulcrale.

Pour la mettre à l’aise, je pris une chaise quoiqu’elles fussent toutes d’une saleté révoltante.

Evidemment le plancher n’avait pas été balayé de la semaine, les meubles et les ustensiles épars et mutilés, les toiles d’araignées couvertes de poussière qui pendaient au plafond comme de funèbres draperies, ne semblaient que le reflet de la misère et de la désolation qui régnaient dans cette âme.

Mes tentatives pour la faire causer furent infructueuses, ce qui m’étonnait d’autant plus que j’avais lieu de me croire très avant dans ses bonnes grâces.

Quoique je l’eusse souvent reprise très sérieusement, ma familiarité et mon affection m’avaient gagné son cœur.

Mais aujourd’hui froide et muette, elle allait et venait sans paraître s’apercevoir de ma présence.

Je la plaignais sincèrement, car je la voyais bien malheureuse.

Je pensais à sa pauvreté, à ses enfants, à son âme, à ses péchés.

Née d’honnêtes parents, elle avait reçu quelque instruction et possédait une rare intelligence, et maintenant, je la voyais dans cette misérable condition, le cœur désolé, ne pouvant pas espérer de meilleurs jours, et faisant la honte de ses enfants.

Mon cœur saignait à cette vue et lors même que cela n’eût pas été contraire à mes principes, il m’eût été impossible de lui adresser le moindre reproche.

- Madame B., lui dis-je, vous souvenez-vous de ce que je vous disais l’autre semaine.

- Oui, répondit-elle, sur le même ton bas et sépulcral.

- Je vous disais que vous n’aviez pas de raison de désespérer.

- Je m’en souviens, dit-elle tristement.

- Vous êtes une femme de sens et d’intelligence, et vous pouvez encore être très utile à votre famille.

- Que puis-je faire ? dit-elle d’un air de désespoir.

- Vous pouvez tout faire, avec l’aide de Dieu, - être heureuse et respectée dans ce monde, éternellement sauvée dans le monde à venir.

Elle ne répondit pas ; je continuai.

- N’avez-vous donc aucun désir de chercher Dieu et d’obtenir la vie éternelle ?

Même silence.

Je me levai pour partir, en lui disant : Je vous ai dérangée de bien bonne heure ; mais, si vous le permettez, je reviendrai vous voir une autre fois.

Je voulus lui toucher la main, mais au lieu de prendre la mienne, elle retint la porte et me dit d’un ton solennel :

- Ne partez pas.

- Je resterai, si vous le désirez ; madame B., puis-je faire quelque chose pour vous ? Parlez franchement, et croyez que je ne vous traiterai qu’avec amitié.

Point de réponse à toutes mes questions.

Ses yeux fixes, son attitude, l’expression de son visage, tout indiquait une profonde et douloureuse préoccupation.

- Madame B., vous semblez malheureuse, ce matin ; avez-vous quelque sujet de peine, et puis-je vous aider en quelque chose ?

Elle poussa un profond soupir sans me répondre, mais retenait toujours la porte pour m’empêcher de sortir.

- Dites-moi ce qui vous rend malheureuse, madame B., ne me suis-je pas toujours montré votre ami ?

- Je suis une grande pécheresse, dit-elle lentement et avec beaucoup de solennité.

- C’est vrai, et bien plus que vous ne le pensez.

- Je suis une si grande pécheresse.

- Je suis bien aise que vous le sentiez car vous sentirez en même temps la nécessité d’aller au Sauveur, qui, comme je vous l’ai dit souvent, est votre seul moyen de salut.

- Je suis perdue pour toujours, dit-elle avec un morne désespoir.

- Vous le seriez, s’il n’y avait pas un Dieu de miséricorde et un Christ pour sauver.

- J’ai péché pendant bien longtemps.

- Et pendant longtemps Dieu vous a supportée, parce qu’il ne veut pas que vous périssiez, mais que vous veniez à la repentance. Avez-vous prié Dieu de vous sauver ?

- Oui, j’ai prié longtemps, cette nuit et toute la matinée.

- Que demandiez-vous ?

- Le pardon de mes péchés.

- Croyez-vous que Dieu vous l’accorde ?

- Je crains que non ; je suis une si grande pécheresse !

- Et Jésus est un si grand Sauveur ! la grandeur de nos péchés ne peut pas nous perdre, si nous venons à Lui par la foi, car Son sang purifie de tout péché.

- Croyez-vous que Dieu puisse me faire miséricorde après tout ce que j’ai fait, dit-elle en levant pour la première fois ses yeux vers moi d’un air suppliant ; c’est impossible.

- Il vous le semble, mais Dieu pense différemment :

" Que le méchant délaisse sa voie et l’homme inique ses pensées, qu’il se retourne vers le Seigneur, et il aura pitié de lui, vers notre Dieu et il pardonnera abondamment ; car mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes voies ne sont pas vos voies.

" Ainsi, madame B., vous n’avez rien de mieux à faire que de délaisser vos pensées et de vous attacher à celles du Seigneur.

Vous ne savez juger ni de vous-même, ni du péché, ni surtout de Dieu ; car comme les cieux sont élevés au-dessus de la terre, ainsi ses pensées sont élevées au-dessus des nôtres.

Laissez à Dieu le soin de dire ce qu’il veut faire de vous.

Et vous avez beau n’y pas croire, Dieu vous répète : Je veux te pardonner abondamment. "

Où est votre Bible, que je vous lise tout ce chapitre ?

Sans répondre un mot, elle monta sur une chaise pour atteindre une tablette grossière placée au-dessus de la porte.

Là se trouvait la Bible couverte de suie, de poussière et de toiles d’araignées ; évidemment, on n’y avait pas touché depuis des années.

Elle la regarda longtemps sans faire un mouvement, et la vue de cette Bible négligée semblait parler fortement à sa conscience.

Des larmes jaillirent de ses yeux, et après avoir essuyé le livre noirci avec son tablier en lambeaux, elle me dit avec une inexprimable amertume ;

- Voici ma Bible. Puis, détournant son visage, elle se mit à sangloter. Je ne pus m’empêcher de pleurer avec elle.

Lorsqu’elle fut plus calme, je lui lus et lui expliquai le 55ème chapitre d’Esaïe, puis, à sa demande, je priai avec elle.

- Depuis quand vous sentez-vous ainsi pécheresse, madame B. ? lui demandai-je.

- Depuis hier au soir, que j’ai lu un petit livre intitulé : Seize petits Sermons.

- C’était une des publications de la Société américaine des Traités ; et, passé de main en main dans ma paroisse après la conversion de cette femme, il fut l’origine d’un réveil, autant du moins qu’on peut attribuer un tel effet à une cause extérieure quelconque, ce qu’on a le tort, à mon gré, de faire trop souvent dans nos églises.

Depuis ce jour, je visitai madame B., et j’eus avec elle plusieurs conversations intéressantes.

Dans l’une d’elles, elle me parla de sa fille, non plus avec aigreur, comme autrefois, mais humblement et avec affection.

- Je voudrais bien la voir, me dit-elle, voici plusieurs mois qu’elle n’est pas venue, mais je suppose que cela révolte cette pauvre enfant de nous voir. J’espère qu’il n’en sera pas toujours de même.

Aussitôt je me rendis auprès de la jeune fille, et je lui parlai le plus délicatement que je pus du changement opéré chez sa mère.

Je découvris bientôt qu’un retour sur son propre état d’âme était la cause de ses pleurs.

Les impressions reçues par sa mère, impressions dont elle avait entendu parler, avaient réveillé sa propre conscience ; je dirigeai ses regards sur Christ du mieux que je pus avant de la quitter.

Quelques jours après, j’allai de nouveau voir cette jeune fille pour lui apprendre que sa mère venait de saisir la joyeuse espérance qui est en Christ, et, à ma grande surprise, je la trouvai, elle aussi, comblée de la même joie.

- Maintenant, me dit-elle avec des larmes de bonheur, maintenant je puis aller voir ma mère.

Jusqu’alors elle n’avait pu s’y résoudre. Elle y alla et trouva la vieille femme seule.

- Ma mère ! … s’écria-t-elle ; mais elle ne put en dire davantage ; en un clin d’œil elles furent dans les bras l’une de l’autre, répandant les plus douces larmes.

Cette humble demeure changea bientôt d’aspect, comme ses habitants.

La jeune fille s’établit auprès de ses parents, aidant sa mère dans tous ses devoirs domestiques, avec un cœur heureux et reconnaissant.

Leur intérieur fut bientôt aussi joli qu’il avait été repoussant.

Elle fit des habits pour ses frères et sœurs, et, après les avoir mis décemment, la mère les conduisit elle-même à l’école du dimanche et pria qu’on les inscrivit au nombre des élèves.

L’extérieur de cette femme aussi changea complètement. Son air devint digne, comme il faut et intelligent, et, quoique sérieuse, elle était toujours heureuse et contente.

Quand cette femme se présenta dans l’église pour recevoir le baptême avec sa fille, des personnes qui la connaissaient depuis des années, ne pouvaient croire que ce fut véritablement elle.

Le seul désir qu’il lui restât à former, était la conversion de son mari ; mais hélas ! Treize ans après, je le voyais encore chanceler dans la rue !

Il n’y eut rien de particulier dans l’expérience religieuse de cette femme, si ce n’est sa parfaite humilité et sa fermeté à fuir le péché, dont le souvenir laissa toujours une ombre de tristesse sur sa vie.

Sa résolution d’abandonner le vice fut si énergique, que depuis le jour mémorable où sa conscience fut réveillée, non seulement elle ne goûta plus d’aucune liqueur et ne permettait pas qu’on le fit en sa présence, mais elle aurait traversé la mer pour éviter de passer devant un lieu où l’on en vendait, et telle était sa défiance d’elle-même et sa dépendance du Seigneur, que s’il lui arrivait seulement d’y penser, elle cherchait aussitôt refuge dans la prière.

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