" Le ruisseau de Dieu est plein d'eau "

Psaume, chapitre 65, verset 10)

Discours prononcé le 16 juin 1914, devant le Synode de l’Eglise évangélique méthodiste de France, dans la chapelle, 16, rue Demours, à Paris par Bertin AGUILLON, pasteur.

Le psalmiste contemple sans doute les campagnes de Canaan, couvertes de magnifiques moissons et de pâturages herbeux.

Les pluies du printemps ont été abondantes.

Grâces à elles, c’est la prospérité, la richesse dans tout le pays.

Aussi partout retentissent des cris de joie et des chants.

Mais derrière les causes secondes, l’auteur inspiré sait discerner la cause première.

Derrière cette fertilité de la terre, il voit la main bénissante de Dieu et, derrière la pluie bienfaisante, le ruisseau de Dieu toujours plein d’eau.

Les biens que Dieu accorde à l’homme, dans le domaine de la nature, sont l’image et le gage des bénédictions spirituelles dont il veut le combler.

David le savait bien, puisqu’il commence son cantique à propos des moissons en célébrant la bonté du Dieu qui entend la prière, pardonne l’iniquité de ceux qui s’approchent de lui et les remplit de joie par sa présence.

Nous inspirant de cette pensée, nous pouvons voir dans ce ruisseau toujours plein d’eau un symbole du fleuve de la grâce qui coule abondamment, portant partout dans ses ondes la vie, la santé, la puissance.

C’est ce fleuve aux ondes profondes et intarissables que je voudrais simplement mettre en regard de tous nos déficits, de notre immense misère.

I

Nous vivons, a-t-on dit, en un temps de " grâce faible (1) ! "

Cette remarque nous parait fort juste. Nous ne voulons pas être ingrat. Dieu nous en garde !

Nous sommes reconnaissants pour les encouragements reçus, qui soutiennent, stimulent et humilient notre faible foi.

Mais il faut bien avouer que nous souffrons d’une grande sécheresse spirituelle.

L’un des symptômes les plus attristants en est la rareté des conversions.

Nous sommes pleinement d’accord avec ce cher collègue qui, il y a quelques jours, écrivait : " Ce qui manque le plus aux Eglises de notre époque, ce sont les conversions authentiques. " (2)

L’Eglise du Christ doit être en perpétuel travail d’enfantement.

Lorsque les âmes ne naissent plus ou presque plus dans son sein à la vie de l’Esprit, elle manque à sa mission glorieuse, elle déçoit les espérances et trahit la cause de son divin Epoux.

Nous appartenons à une fraction de l’Eglise chrétienne qui a un passé admirable à cet égard.

Que de fois les prédicateurs méthodistes ont vu les larmes de la repentance couler des yeux de leurs auditeurs !

Que de fois ils ont entendu la question angoissée : " Que faut-il que je fasse pour être sauvé ? "

Que de fois ils ont eu le privilège de conduire au Sauveur des âmes troublées, chez lesquelles, au sentiment poignant du péché, ils ont vu succéder la joie du salut.

Hélas ! ces larmes, nous ne les voyons pas souvent ; cette question, nous ne l’entendons plus guère ; ce privilège n’est plus beaucoup le nôtre.

Nous sommes émus à jalousie en lisant l’histoire des réveils qui ont marqué les travaux d’un Wesley, d’un Bramwell, d’un Ch. Cook, d’un Rostan, d’un Jean Lelièvre et de tant d’autres.

Mais où sont les réveils d’antan ?

Nous voyons bien se produire ici et là, de loin en loin, quelques conversions.

Mais il semble que la plupart manquent de je ne sais quel cachet d’authenticité.

Elles ne bouleversent rien ou si peu de choses ; elles aboutissent à des vies chrétiennes faibles, fades, sans héroïsme, sans esprit de sacrifice, et partant sans action sur leur milieu.

Elles représentent quelques unités conquises sur le monde, et de cela nous bénissons Dieu ; mais elles ne représentent pas des puissances, et de ceci nous nous humilions.

Chez les chrétiens de longue date nous trouvons, la plupart du temps, un mélange étonnant de piété sérieuse, vivante et d’orgueil pharisaïque, quelquefois même d’avarice, de mondanité ; un manque d’esprit missionnaire, d’ambition conquérante ; une méconnaissance des intentions miséricordieuses du Christ à l’égard de notre humanité perdue et de ses exigences vis-à-vis de ses rachetés ; peu d’enthousiasme pour la cause du Maître et peu de consécration à son service.

Tout cela aboutit à un état déficitaire : déficit d’argent (mais ce n’est pas le plus grave), déficit de foi, déficit d’amour et de zèle.

Ainsi c’est à peine si nous maintenons nos positions.

Nos statistiques sont tristement éloquentes.

Il y a trente ans, nous avions autant de membres qu’aujourd’hui dans nos églises méthodistes de France.

Ce sont des constatations douloureuses, mais qu’il faut avoir le courage de faire.

Et si l’on nous dit pour nous rassurer que la situation est la même dans les églises d’à côté, cela ne fait qu’ajouter à notre tristesse et notre douleur.

En présence d’un tel état de choses, le découragement nous pénètre parfois, envahit même les meilleurs.

Des visions sombres passent devant nos yeux et se transforment en pénibles cauchemars.

Nous sommes tentés de nous écrier comme Gédéon : " Où sont tous ces prodiges que nos pères nous racontent ? Maintenant l’Eternel nous abandonne ! " (Juges, chapitre 6, verset 13).

Mais si nous nous laissions aller au découragement, nous trahirions la race de tes enfants, Seigneur ! Relève donc nos mains défaillantes et nos genoux qui chancellent ! Dévoile-nous, en même temps que notre pauvreté, les immenses richesses de ta grâce !

II

Et le Seigneur nous répond : Le ruisseau de Dieu est plein d’eau.

Le fleuve de la grâce coule toujours à pleins bords pour qui veut s’y désaltérer, y puiser abondamment pour lui-même et pour les autres.

Donc, si nous mourons de soif, si notre âme est desséchée, languissante, si nous sommes sans force, sans action sur le monde, ce n’est pas la faute de Dieu, c’est la nôtre.

Dieu veut donner, il se plaît à donner, à donner avec abondance, inlassablement ; si nous n’avons pas, c’est que nous ne demandons pas, ou nous demandons mal, ou nous ne voulons pas recevoir aux conditions fixées par Dieu.

Dieu veut que nous ayons tout pleinement en Christ (Colossiens, chapitre 2, verset 10).

Voulons-nous le réaliser ?

Alors approchons-nous du ruisseau de Dieu et buvons à longs traits.

Pour parler sans image, approchons-nous de Jésus-Christ, et par la foi, par une communion constante avec lui, en nous laissant remplir de son Esprit, emparons-nous de toute la mesure de grâce qu’il veut nous communiquer.

Pour nous se réalisera ainsi la parole du psalmiste : " Il boit au torrent pendant la marche, c’est pourquoi il relève la tête " (Psaume, chapitre 110, verset 7).

Et non seulement Dieu veut nous désaltérer, nous rafraichir, nous fortifier nous-même, mais encore faire de nous des canaux, par le moyen desquels il répandra ses bénédictions sur ceux qui nous entourent.

" Celui qui croit en moi, dit Jésus, des fleuves d’eau vive couleront de son sein " (Jean, chapitre 7, verset 38).

" Je te bénirai et tu seras bénédiction. "

Tel est le plan de Dieu pour le salut de l’humanité. Nous en voyons la réalisation tout au travers de l’histoire.

Dieu se sert d’hommes qu’il appelle à lui, qu’il forme, auxquels il communique de son Esprit, et par le moyen de ces hommes, comme de canaux, il fait ruisseler ses grâces sur le monde.

Que ces hommes s’appellent Abraham, saint Paul, Luther, Wesley, Livingstone, Coillard, ou qu’ils portent des noms obscurs, c’est toujours la même loi : " Je te bénirai et tu seras bénédiction. "

Dieu cherche toujours des hommes qui se livrent à lui.

Comme on l’a dit : les hommes sont la méthode de Dieu.

L’Eglise cherche de meilleurs méthodes, Dieu cherche de meilleurs hommes " (3)

Et c’est le plus modeste, le plus dénué de tous moyens humains qui peut devenir ainsi un canal dont Dieu se servira.

C’est chacun de nous, si nous le voulons.

Quel privilège !

Pouvoir apporter ne fût-ce que quelques gouttes d’eau vive à une âme mourant de soif, devenir ainsi les collaborateurs de Dieu dans l’œuvre de la rédemption de l’humanité !

Oh ! si nous réalisions davantage ce privilège spécial de notre vocation, nous nous sentirions pressés de nous consacrer plus complètement à notre divin Maître pour qu’il nous emploie plus utilement, et en même temps nous chanterions, nous exulterions et nous adorerions davantage.

Mais aussi quelle responsabilité !

Représentez-vous une région privée d’eau : les habitants souffrent, le bétail dépérit, la campagne desséchée, " tout le pays est comme saisi d’épouvante " (Voyons Jérémie, chapitre 14, versets 1 à 6).

Mais aux environs il y a une source abondante.

Il suffit de la capter, d’établir des canalisations et d’amener le précieux élément après lequel tous soupirent, pour que le désert soit changé en jardin.

Criminelles les autorités responsables qui n’entreprendraient pas immédiatement les travaux.

Eh bien, telle est notre responsabilité.

Ce monde meurt de soif, parce qu’il ignore Dieu, et il n’y a que le Dieu vivant qui puisse lui suffire.

Les citernes auxquelles il va s’abreuver ne contiennent point d’eau, tout au plus un peu de boue nauséabonde.

Le ruisseau de Dieu est là, toujours plein d’une eau fraîche, limpide, réparatrice ; c’est l’eau du salut.

Mais nous, appelés à être les canaux par lesquels cette eau se répandra sur le monde, que faisons-nous ? Seigneur, aie pitié de nous !

Pardonne, ô Dieu, notre misère

Et nos retards dans ces travaux ;

Fais qu’une charité sincère

Produise en nous des fruits nouveaux.

Parce que c’est le ruisseau de Dieu, nous n’avons aucune excuse si nous n’y puisons pas abondamment.

Nul homme ne peut nous priver de ses ondes bienfaisantes.

Les bergers de Guérar comblent les puits d’Isaac ou les accaparent (Genèse, chapitre 26).

Grave dommage pour le patriarche. Dans le domaine spirituel, il n’en est pas ainsi.

Ni l’opposition violente des adversaires, ni les entraves suscitées par des frères qui se méprennent sur nos intentions, ne peuvent rien à cet égard.

Voyez les apôtres, malgré l’hostilité des autorités juives ; saint Paul, malgré l’acharnement des docteurs judaïsants ; les Réformateurs, malgré les luttes terribles que leur a livrées la papauté, et dans les temps modernes, Wesley et le Général Booth, malgré l’opposition qu’ils ont rencontrée au début de leurs travaux.

Parce que c’est le ruisseau de Dieu, personne ne peut le monopoliser.

Donc, nous ne dépendons pas d’un homme. Cela, nous l’oublions trop.

Nous disons souvent : si nous avions quelque homme puissamment doué, un prédicateur à la parole enflammée et éloquente, un organisateur de premier ordre, nous pourrions avoir une grande influence au sein de notre peuple.

Mais nous sommes si pauvres en hommes !

Souvenons-nous que " toute grâce excellente vient d’en haut, " et non d’un homme quelconque.

Sans doute, quand Dieu rencontre un esprit supérieurement doué qui se livre à lui, il s’en sert et par son moyen accomplit de grandes choses.

Mais il sait aussi se servir d’instruments plus modestes.

" Dieu n’a pas besoin de grands talents, ni de grands prédicateurs, mais d’hommes saints, puissants par la foi et par la fidélité, d’hommes prêchant dans la chaire des sermons saints et vivant des vies saintes hors de la chaire (4) "

Ces paroles, que nous avons lues dernièrement, valent la peine d’être méditées.

C’est la même pensée qui faisait dire à Wesley : " Donnez-moi cent prédicateurs qui ne craignent rien que le péché, et ne désirent autre chose que Dieu, et peu m’importe qu’ils soient pasteurs ou laïques ; ceux-là seulement pourront ébranler les portes de l’enfer, et implanter le royaume des cieux sur la terre. "

Parce que c’est le ruisseau de Dieu, ses eaux peuvent couler n’importe où, pourvu qu’elles trouvent un canal pour les contenir et les utiliser.

En 1875, de grandes réunions de consécration devaient se tenir à Oxford et à Brighton.

C’était l’époque du mouvement provoqué par Pearsalle Smith faisait beaucoup de bruit et beaucoup de bien.

Tommy Fallot, qui était alors pasteur en Alsace, avait projeté de se rendre en Angleterre pour en rapporter, par un contact de quelques jours avec les représentants du mouvement, le secret des forces nouvelles offertes à l’Eglise.

Mais après mûre réflexion, il se décida à rester. " Dieu peut, dit-il, nous accorder ici même les grâces qu’ont obtenues nos frères d’Angleterre et d’Amérique. Il peut fait jaillir au sein de nos églises la flamme du Réveil (5) "

Ce que disait Fallot, c’est ce dont nous sommes intimement persuadés. Le ruisseau de Dieu est plein d’eau.

Partout où des hommes veulent être des canaux de dérivation, Dieu se sert d’eux pour répandre de sa grâce en abondance.

L’Esprit souffle où il veut, nous dira-ton peut-être. Oui, sans doute, mais nous croyons qu’il veut souffler partout où il rencontre un homme qui veut être tout à ses ordres.

III

Puisqu’il en est ainsi, quelles conditions nous faut-il remplir pour puiser au ruisseau afin d’être désaltérés et de devenir des canaux par lesquels Dieu pourra répondre les flots de sa grâce sur notre terre aride ?

Tout d’abord, avoir soif pour nous-même et avoir la vision des campagnes desséchées.

" Je répandrai des eaux sur le sol altéré " dit le Seigneur (Esaïe, chapitre 44, verset 3).

Telle est la promesse.

Soyons donc de ceux qui ont soif, afin qu’elle se réalisé en notre faveur.

Ayons soif d’un plein salut, d’une vie spirituelle abondante, ayons soif de sainteté et de puissance.

Ne prenons jamais notre parti d’une piété terne, d’une vie chrétienne sans saveur, d’un témoignage sans résultat, d’une activité stérile.

Soyons humbles, mais soyons-le de la vraie manière.

Ne confondons pas l’humilité chrétienne avec cette attitude passive, gémissante, qui recule devant toutes les tâches et prend tout naturellement son parti de la médiocrité.

Soyons humbles pour sentir notre misère propre et notre impuissance, pour nous souvenir sans cesse que nous ne sommes rien et ne pouvons rien par nous-mêmes.

Mais répétons-nous continuellement que nous avons un Sauveur vivant, tout puissant, qui a répandu en nous son Saint-Esprit et veut nous en remplir.

Ayons la sainte ambition de faire de grandes choses par Celui qui nous fortifie.

En même temps, ayons soif de cette vie surnaturelle pour ceux qui nous entourent.

Sachons voir la situation spirituelle de notre peuple.

Arrêtons longuement nos regards sur ce monde qui vit dans la tristesse, dans le péché, loin de Dieu et qui s’en va à la perdition.

Certains prêtres bouddhistes, avons-nous lu quelque part, doivent, pendant un temps, passer une heure par jour à méditer sur la misère humaine afin de s’exciter à la compassion.

Imitons ces prêtres païens, nous les disciples du divin Crucifié ; sachons contempler la vision de l’humanité sans Dieu jusqu’à ce qu’une immense pitié nous étreigne le cœur.

A certains moments, peut-être, nous éprouvons un peu de cette pitié ; mais il faut que ces moments se prolongent jusqu’à devenir toute notre vie.

Ce n’est point assez d’avoir soif, il faut puiser au ruisseau de Dieu.

Pour cela utilisons tous les moyens mis à notre disposition.

Parmi ces moyens, nous insistons tout particulièrement sur la prière, la prière fervente, persévérante.

C’est par elle que nous entrons en communion avec Dieu et que nous nous emparons des richesses de notre Père céleste.

" La prière, disait Ad. Monod, fait entrer au dedans de nous le ciel et tous ses biens, le Saint-Esprit et toutes ses grâces, Dieu et toutes ses promesses. " (Adieux).

Sachons prier pour nous-mêmes tout d’abord.

" Prenez chaque jour le temps de faire descendre la bénédiction de Dieu sur votre propre âme, disait le général Booth à ses officiers ; si vous ne le faites pas, vous perdez Dieu. "

Et comment travailler pour Dieu quand on n’est plus en relation avec lui ?

Comment être une source d’eau vive quand on n’est plus en contact avec Celui qui seul est la source ?

Et puis, prions beaucoup pour ce monde perdu.

Par la prière, nous permettons à Dieu d’agir par nous, par la prière nous faisons intervenir la puissance d’en haut dans le monde, par la prière nous ouvrons les bondes des Cieux et les bénédictions divines se répandent sur la terre.

" Toute manifestation surhumaine a toujours été précédée de prières ", a écrit J. Mott.

C’est ce que nous montre l’histoire de l’œuvre de Dieu, depuis le temps des patriarches, mais surtout depuis la Pentecôte.

Le baptême du Saint-Esprit, le jour de la Pentecôte et les trois mille conversions qui suivirent furent précédés de dix jours de prières.

L’apôtre Paul a été sans contredit l’apôtre le plus puissant. Quelle œuvre extraordinaire que la sienne ! Mais aussi quel homme de prière il a été !

Et les Réformateurs ! Luther, au temps où il était le plus surchargé, réservait pour la prière au moins trois heures par jour, prises sur les meilleures de la journée.

J. Knox passait des nuits entières en prières, criant à Dieu : " Donne-moi l’Ecosse ou je meurs ! " et il gagna l’Ecosse à l’Evangile.

Tous les grands gagneurs d’âmes des temps modernes ont été des hommes de prière.

Wesley avait des nuits de prière et régulièrement, tous les jours, dès le matin, il consacrait une heure à s’entretenir avec Dieu.

Un de ses biographes a pu écrire : " Le secret de la merveilleuse puissance de son ministère, il faut le chercher dans cette heure matinale qu’il consacrait à la prière du cabinet. Le Réveil s’explique par les prières de Wesley, comme la Réformation par celles de Luther (6) "

Bramwell, l’un des saints du méthodisme, en même temps que l’un des plus puissants prédicateurs de réveil, priait lui aussi pendant des heures et pendant des nuits entières.

On a dit de lui qu’il passait presque sa vie à genoux. Mais aussi son ministère était comme une flamme de feu.

Que de faits et d’expériences semblables on pourrait citer !

Bornons-nous à rappeler encore ces paroles dans lesquelles Ad. Monod mourant exprimait ses regrets : " Ah ! si je revenais à la vie, je voudrais, avec le secours de Dieu et en me défiant de moi-même, donner à la prière beaucoup plus de temps que je n’ai fait et me reposer sur elle beaucoup plus que sur le travail, qu’il est cependant de notre devoir de ne jamais négliger. " (Adieux).

Deux ouvriers au service du Seigneur s’entretenaient un jour.

L’un d’eux disait à l’autre : Je ne puis comprendre comment cela se fait. Vous répandez la semence à pleines mains et elle germe et croît avec une telle vigueur, une telle rapidité que la moisson suit de très près les semailles.

Quant à moi, j’ai semé aussi avec zèle. Le sol était le même puisque nous avons travaillé dans la même ville et dans le même quartier. La semence était de la même qualité, car je l’ai prise où vous avez pris la vôtre, dans le divin grenier de la sainte Ecriture.

Mais, hélas ! ma semence ne germe point. Je sème, mais souvent je me dis qu’il vaudrait autant semer sur les flots de la mer.

La moisson n’arrive jamais. A force de chercher, je découvre çà et là un chétif épi, mais, je le répète, le fruit de mon travail est presque nul.

Les deux hommes s’entretinrent longtemps ensemble ; ils eurent beau comparer leurs procédés et leurs méthodes, ils ne trouvèrent pas pourquoi l’un réussissait et l’autre pas.

Enfin, celui qui avait du succès se leva.

Il faut que je rentre chez moi, dit-il.

– Pourquoi cela ?

– Parce que c’est l’heure où j’humecte ma semence.

– Vous humectez votre semence ?

– Oui, je l’humecte toujours avant de la jeter à la terre. De cette façon elle gonfle, germe, et je la vois pour ainsi dire pousser son jet.

– Je ne vous comprends pas, dit le chrétien découragé. Mais quelle est cette mystérieuse mixture qui produit de si bons effets ?

– Mon frère, répondit l’autre, c’est un composé de larmes d’angoisse pour les âmes qui périssent et du précieux cordial de la confiance en Dieu (7) "

Sachons humecter ainsi notre semence, nous auxquels Dieu a confié la glorieuse et redoutable mission de proclamer à tous son message d’amour.

Et vous, chers frères et sœurs, nous vous en supplions, " priez pour nous, comme l’apôtre le demandait, afin que la parole du Seigneur se répande et soit glorifiée " (2 Thessaloniciens, chapitre 3, verset 1).

Le ministère de la prière n’est pas le privilège de quelques-uns, mais l’impérieux devoir de tous les chrétiens.

" Il est grand temps, a dit J. Mott, que les chrétiens deviennent des " étudiants en prière. "

Il y faut de l’application, une longue pratique, une persévérance résolution (8) "

Oh ! apprenons tous à prier et prions beaucoup.

" Vous qui rappelez le souvenir de l’Eternel, point de repos pour vous " (Esaïe, chapitre 62, verset 6)

Il ne suffit pas que le canal soit en contact avec le fleuve, il faut qu’il soit constamment entretenu, qu’il soit en bon état et libre, pour que l’eau puisse couler abondamment.

J’ai lu l’anecdote suivante : Une ville du Colorado était admirablement approvisionnée d’eau, grâce à un canal qui amenait les eaux claires et limpides d’un lac situé sur une hauteur.

Un matin, lorsque les ménagères tournèrent le robinet, il vint du bruit, mais point d’eau !

On grimpa sur la montagne ; le lac était aussi plein que jamais.

On examina les tuyaux ; on ne vit rien d’anormal.

La ville allait être sérieusement éprouvée quand un jour un des magistrats reçut une lettre, dans laquelle il était dit à peu près ceci : si vous retirer du tuyau le tampon qui s’y trouve à environ douze centimètres du sommet, vous verrez l’eau couler comme auparavant.

On ne se le fit pas répéter.

On suivit les directions données et on retira le tampon qu’un mauvais garnement avait placé là.

Et l’eau recommença à couler (9) . Il n’avait pas fallu grand-chose pour obstruer le tuyau.

Dans notre vie spirituelle, il en est souvent ainsi.

Le ruisseau de Dieu est plein d’eau, nous le savons ; nous prions, nous agissons, nous nous croyons en contact avec Dieu, mais l’eau vive ne jaillit pas.

Pourquoi ? Il y a un obstacle, un interdit ; peu de chose, peut-être, mais c’est suffisant pour arrêter la grâce divine.

Permettez-moi encore une comparaison.

Lorsque j’étais jeune garçon, j’aimais beaucoup arroser les champs de mon père.

Mais il m’arrivait bien souvent que, tout en prenant au ruisseau la quantité d’eau nécessaire, je n’en avais plus en arrivant au milieu du champs.

C’est que je la laissais se perdre en route !

Ici il y avait une galerie creusée par quelque taupe, là une petite rigole, plus loin autre chose ; je négligeais de boucher toutes ces fuites ; bref, mon eau disparaissait sans que je susse comment.

Ah que de fois j’ai pensé à cela depuis, en réfléchissant à notre pauvreté spirituelle, à notre manque de puissance.

Nous demandons à Dieu la puissance de son Saint-Esprit, et nous n’en voyons pas les effets, parce que nous la laissons s’écouler par de nombreuses petites fissures.

Ici, par exemple, il y a la fissure que nous appellerons : recherche de l’intérêt personnel ; là celle qui porte le nom : orgueil, avec toutes celles de la même famille : désirs de se mettre en avant, susceptibilité, amour des éloges, etc.. ; voici la fissure paresse et amour de ses aises, et voilà la rigole légèreté.

Que d’autres encore, hélas !

Dieu donne sa puissance, mais à ceux qui veulent employer cette puissance selon sa volonté, pour sa gloire et non pour la leur.

Il faut nous dépouiller de toute préoccupation personnelle, nous vider de nous-mêmes, en tous cas nous laisser dépouiller, vider par Celui qui veut opérer tout en tous.

Dans une réunion de consécration, un jour, un évangéliste se leva et raconta à peu près ceci : Mon Dieu s’est approché tout près de moi une de ces dernières nuits ayant beaucoup de choses à me dire.

Il m’a dit d’abord : N., voilà un rameau qui ne vaut rien ; il faut le couper.

Oui, Seigneur, répondis-je, non sans qu’il me coutât, coupe-le.

Alors il continua : " N., voici une branche qui ne porte pas de fruits, et voilà une pousse qui ne convient pas dans ma vigne. "

- " Oui Seigneur, répondis-encore, taille seulement, émonde, pourvu que je t’aie, toi… "

Mais cette dernière nuit le Maître est venu plus près encore et m’a dit : " Ce n’est pas seulement tel rameau ou telle branche qu’il faut tailler, c’est N. tout entier qu’il faut abattre et mettre à mort. "

" Mes frères, c’était douloureux, mais c’est fait et définitivement fait. (10) "

Voilà le chemin par lequel il nous faut passer, l’expérience qu’il nous fait faire et renouveler sans cesse, si nous voulons puiser abondamment au ruisseau de Dieu.

Voulons-nous nous abandonner sans réserve à notre Sauveur ? soumettre notre volonté à la sienne ? délaisser tout ce qu’il veut que nous délaissions ? être prêt à faire tout ce qu’il nous commandera ?

Laissons-le nous montrer par son Esprit tout ce que cela comporte. Laissons-le fouiller jusqu’au plus profond de notre être pour nous révéler tout ce qui lui déplait en nous.

Livrons-lui tout avec une humble et absolue confiance.

Cet abandon sincère du moi écarte l’obstacle à la plénitude de la bénédiction de Dieu et permet au Saint-Esprit d’habiter en nous et de nous remplir.

Alors seulement, nous réalisons ce que le Christ promettait à ses disciples : Celui qui croit en moi des fleuves d’eau vive couleront de son sein.

Oh ! disons tous au Maître bien aimé :

Entre tes mains, j’abandonne

Tout ce que j’appelle mien.

Oh ! ne permets à personne.

Seigneur, d’en reprendre rien !

Oui, prends tout, Seigneur !

Entre tes mains j’abandonne

Tout avec bonheur.

Et il y aura, n’en doutez point, une grande grâce sur nous. "

Or, à celui qui peut par la puissance qui agit en nous faire infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons, à lui soit la gloire dans l’Eglise et par Jésus-Christ, aux siècles des siècles ! Amen ! " (Ephésiens, chapitre 3, versets 20 et 21).

Monsieur Bertin Aiguillon, pasteur Méthodiste, tombé au champ d’honneur au service de Dieu et de la France à Hattonchatel (Meuse) le dimanche 20 septembre 1914

[1] L’expression est, croyons-nous, de M. G. Tophel

[2] Article de M. Auguste Faure, dans l’Evangéliste du 5 juin 1914

[3] Bounds, la Puissance par la Prière, p. 9

[4] Bounes, ouvrage cité, p.13

[5] Cité par M. Boegner, Conférence d’Edimbourg. Premières impressions, p. 56

[6] Cité par M. Lelièvre, Vie de Wesley, p. 432

[7] D’après Spurgeon

[8]  J. Mott : L’heure décisive des missions chrétiennes, p. 195

[9]  Gordon : Le secret de la puissance spirituelle

[10]  C. H. Rappard de Sainte-Chrischona, p. 143

 

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