En ce soir de Noêl

En ce soir de Noël, Jésus, je veux t’honorer au milieu des miens, comme toi-même tu nous as honorés, une certaine nuit.

Tu es né là, sur la paille, Joseph et Marie n’étaient pas compétents pour ce genre de choses, mais ton Père les a aidés. Dans leur étable, les animaux non plus ne s’y retrouvent plus, ils s’approchent étonnés.

L’âne remue les oreilles, cligne des paupières, regarde ses compagnons ; le bœuf en oublie de ruminer, et les moutons de bêler.

Tous font silence pour regarder le bébé que tu étais et pour écouter les anges chanter.

Les bergers prosternés t’adorent, toi qui t’es abaissé pour venir jusqu’à eux.

J’aime imaginer ce moment, l’étable illuminée de mille bougies, de guirlandes étincelantes.

En fait, je ne sais pas s’il y a eu tout cela, mais beaucoup, comme moi, ont senti dans leur cœur ce tressaillement d’allégresse, de grand bonheur, comme Anne dans le temple, ou comme Siméon, qui ont su que tu étais venu.

Tout jeune, à douze ans, tu enseignais les érudits, les grands.

Tu n’avais pas de char, mais à pied tu allais toujours, de ville en ville et de village en village, faisant connaître les œuvres de ton Père, guérissant les malades, délivrant les démoniaques, bénissant toujours. Malgré ton savoir et ton pouvoir, tu ne t’es jamais élevé, mais à tes disciples tu as lavé les pieds.

Et puis, il y a eu la croix, mais est-ce vraiment le moment d’en parler ?

Certainement, c’est pour cela que tu es venu, humble parmi les humbles, grand par tes connaissances, puissant par tes œuvres, amour par ton sacrifice, sur la croix tu as dit au brigand repenti : " Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ".

Auprès du Père, tu te fis intercesseur : " Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ".

Tout est accompli pour notre salut. Ton œuvre n’est pas achevée puisque trois jours après ta mort, tu es ressuscité ; Alléluia !

Vainqueur du tombeau et éternellement vivant, tu te tiens jour après jour à nos côtés, nous exhortant à avancer et à te faire connaître aux déshérités.

Ghislaine LAHAYE

La caisse de Noël

(Témoignage d’une femme de pasteur – La scène se passe en Amérique).

Il est un jour d’hiver dont le souvenir s’est gravé dans ma mémoire d’une manière ineffaçable.

Nous souffrions d’un froid exceptionnel ; notre traitement ne nous était pas réglé régulièrement, et même lorsqu’il nous parvenait, il ne suffisait pas à nos besoins.

La plupart du temps, mon mari était absent, faisant ses tournées de district en district.

Nos garçons se portaient bien, mais ma petite Ruth était souffrante, et même tout eût-il été pour le mieux, aucun de nous n’était suffisamment vêtu.

Je raccommodais et raccommodais encore, tandis que mon courage allait baissant jusqu’à l’extrême.

L’eau du puits vint à tarir et le vent soufflait à travers les fentes du plancher.

Nos paroissiens étaient bons et généreux ; mais la région n’étant habitée que depuis peu, chaque famille avait elle-même à se tirer d’affaire.

Peu à peu, alors que j’en avais le plus besoin, ma foi commença à vaciller.

De bonne heure dans ma vie, j’avais appris à prendre Dieu au mot et croyais avoir appris à fond cette leçon.

J’avais déjà traversé des jours sombres en m’appuyant sur les promesses de Dieu, et comme David, j’avais pu dire : l’Eternel est mon refuge et ma délivrance.

Maintenant, tout ce que je pouvais faire, était de prier chaque jour pour demander à Dieu son pardon.

Le pardessus de mon mari était à peine assez épais pour un temps d’octobre.

Pourtant mon pauvre mari devait faire des lieues pour présider des réunions ou des enterrements.

Souvent notre déjeuner consistait en biscuits indiens et une tasse de thé sans sucre.

Noël approchait, les enfants espéraient vivement leurs étrennes.

La glace était épaisse et polie, et chacun des garçons désirait ardemment une paire de patins.

Ruth s’était mis en tête que les poupées que je lui avais faites n’étaient plus présentables et elle en souhaitait une grande et belle, insistant pour que nous priions à ce sujet.

Je savais ces souhaits irréalisables ; mais combien ardemment je désirais que chaque enfant eût son cadeau !

Il semblait que Dieu nous eût abandonnés.

Je ne parlais pas à mon mari de tout ceci, il travaillait avec tant de cœur et de sérieux que je le croyais aussi confiant que jamais.

Je maintenais une apparence de confort dans notre petit salon, en faisant une flambée dans la cheminée et je servais nos maigres repas d’une manière appétissante.

Le matin avant Noël, James fut appelé auprès d’un malade.

Je lui préparai un morceau de pain comme déjeuner.

C’était tout ce que je pouvais lui donner.

Lui jetant autour du cou une écharpe, je tâchai de lui murmurer une promesse de la Bible comme je le faisais souvent ; mais les paroles moururent sur mes lèvres et il partit sans un mot d’encouragement.

Pour moi, ce fut une journée de tristesse et de désespoir.

J’engageai les enfants à se coucher de bonne heure, car je ne pouvais supporter leur babil.

Quand Ruth partit, j’écoutai sa prière ; elle demanda explicitement une poupée pour elle et des patins pour ses frères.

Lorsqu’elle me dit : " Tu sais, je crois qu’ils arriveront demain matin, de bonne heure, maman ", sa figure était si rayonnante que j’aurais voulu remuer ciel et terre pour lui éviter un désappointement.

Restée seule, je versai des larmes amères.

Bientôt James rentra glacé et exténué.

Il tira ses bottines, ses minces chaussettes partirent en même temps, il avait les pieds rouges de froid, puis comme je remarquais les traits tirés de son visage et son regard désespéré, je me rendis compte que lui aussi était à bout.

Navrée et troublée à cette pensée, je lui apportai une tasse de thé. Il prit ma main et nous restâmes ainsi une heure sans dire un mot.

 J’aurais aimé mourir, m’en aller vers Dieu et lui dire que ses promesses n’étaient pas vraies ; mon âme était pleine de rébellion et de désespoir.

Un son de grelots retentit, un pas rapide, on heurte à la porte.

James s’élance pour ouvrir. C’est notre diacre Pike.

" Une caisse est arrivée par express pour vous, juste avant la nuit.

" Je l’ai apportée aussitôt que j’ai pu, supposant que ce pourrait être pour Noël.

" J’ai pensé : Quoi qu’il en soit, ils l’auront ce soir.

" Et voici une dinde que ma femme m’a dit d’aller chercher pour vous ; et ces autres choses vous sont, je crois, également destinées".

C’était un panier de pommes de terre et un sac de farine.

Tout en causant, il apporta la caisse et avec un cordial " bonne nuit " il repartit sur son char.

Toujours sans parler, James prit un ciseau et ouvrit la caisse.

 J’en tirai d’abord une épaisse couverture rouge, et vis qu’au-dessous elle était pleine de vêtements.

Il me sembla alors que Christ fixait sur moi un regard de reproche.

James s’assit et se couvrit le visage de ses mains.

" Je ne puis toucher ces choses, dit-il, je n’ai pas été fidèle lorsque Dieu m’a mis à l’épreuve pour voir si je pouvais tenir bon.

" Crois-tu que je n’aie pas vu combien tu souffrais ?

" Et je n’avais pas un mot de réconfort à te donner. Je ne puis dire combien il est affreux de douter de Dieu ".

" James, dis-je, ne prends pas les choses si fort à cœur. Moi aussi, je suis à blâmer. J’aurais dû t’aider. Demandons ensemble à Dieu de nous pardonner ".

" Attends un moment, chérie, je ne puis parler maintenant."

Et il s’en alla dans une autre chambre.

Je tombai à genoux et mon cœur éclata.

En un instant tout l’entêtement et l’obscurité disparurent. Jésus se présenta devant moi avec ces paroles d’amour : Ma fille ! De douces promesses d’amour, de tendresse et de joie remplirent mon âme.

Je ne sais combien de temps se passa jusqu’à ce que James revînt ; mais je savais que lui aussi avait trouvé la paix.

" Maintenant, ma chère femme, dit-il, remercions Dieu ensemble ".

Alors s’élevèrent des paroles de louange, des paroles bibliques, car aucun autre langage n’aurait pu exprimer notre gratitude.

Il était onze heures.

Le feu allait s’éteindre et la grande caisse était là… nous n’avions encore touché à rien qu’à cette chaude couverture dont nous avions un si grand besoin.

Ranimant le feu, et à l’aide de deux bougies, nous commençâmes à examiner nos trésors : d’abord un pardessus.

Je le fis essayer à James. Il était juste de la bonne taille et je dansais autour de lui, tant la joie m’était revenue.

Puis un manteau, et il insista pour me le voir mettre.

Mes impressions réagissaient toujours sur lui, nous aussi nous nous mîmes à rire comme des enfants.

Il y avait encore un complet douillet et trois paires de caleçons chauds, une robe chaude pour moi et des mètres de flanelle.

La caisse contenait aussi une paire de snow-boots pour chacun de nous.

Dans les miens se trouvait un billet que je possède encore et que je compte bien léguer à mes enfants ; c’était la bénédiction adressée par Jacob à Aser : " Tes souliers seront comme le fer et l’airain, et ta force durera autant que tes jours ".

La même main affectueuse avait mis un billet dans les gants destinés à James.

On y lisait : " Moi, le Seigneur, ton Dieu, je soutiendrai ta droite, te disant : Ne crains point, je serai ton secours. "

Cette merveilleuse caisse avait été remplie avec le plus tendre soin ; elle contenait encore un complet pour chacun des garçons et une petite robe rouge pour Ruth, puis des mitaines, des écharpes, des bonnets.

Tout au fond une boite ; nous l’ouvrons, elle contenait une grande poupée de cire.

De nouveau, James et moi, fondîmes en douces larmes de joie.

C’en était trop !

Mais bientôt nos exclamations reprirent, car aux côtés de la boite se trouvaient deux paires de patins.

Il y avait encore des livres à notre intention, dont plusieurs que j’avais désirés, des histoires pour les enfants, des tabliers, des sous-vêtements, des nœuds de rubans, un gentil petit ours en peluche, une jolie photographie, des aiguilles, des boutons et du fil.

J’y trouvai encore un manchon et une enveloppe contenant une pièce d’or de 10 dollars.

Chaque nouvelle découverte provoquait à nouveau nos exclamations.

Minuit avait sonné ; nous étions à bout de forces, la joie elle-même avait achevé de nous épuiser.

Je fais une tasse de thé, nous entamons une miche de pain, et James fait bouillir des œufs.

Nous installons notre table devant le feu.

Oh ! Quel plaisir nous fit notre souper !

Puis nous restâmes assis là, passant en revue notre vie et combien le secours de notre Dieu s’était toujours montré fidèle.

Le lendemain matin il vous eût fallu voir nos enfants !

En apercevant les patins, les garçons poussèrent un cri de joie.

Ruth saisit sa poupée et, sans dire une parole, la serra étroitement sur son cœur ; puis elle alla dans sa chambre et s’agenouilla à côté de son lit.

Lorsqu’elle revint elle murmura à mon oreille : " Je savais bien, maman, qu’elle serait là ; mais tu sais, j’ai voulu remercier Dieu tout de même ".

Nous nous approchâmes de la fenêtre et déjà nos deux gars étaient dehors patinant à cœur joie.

" Regarde un peu ici, ma femme, vois la différence ! " me dit James.

Mon mari et moi, nous avons adressé nos remerciements à l’Eglise qui nous avait envoyé la caisse, mais surtout, nous avons tâché dès lors de ne pas laisser passer un jour sans remercier Dieu.

A plusieurs reprises, nous avons traversé des temps difficiles, mais nous avons confiance en Lui, ne redoutant rien autant que de mettre en doute sa sollicitude.

Aussi à bien des reprises, nous avons de nouveau fait l’expérience que ceux qui se confient dans le Seigneur ne manquent d’aucun bien.

Noël

Noël ! Noël ! Que deviendrait l’année,

D’un jour à l’autre à sa fin entraînée,

Si ce rayon lumineux et très doux

Au temps marqué ne se levait sur nous ?

Jésus Sauveur, que serait cette vie,

A tant de maux, à la mort asservie,

Si ta grandeur, ta beauté, ta bonté,

N’avaient paru dans notre infirmité ?

Viens donc, Seigneur, prendre en ta main nos âmes ;

Dévoile-nous tout péché que tu blâmes ;

Qu’un sot orgueil de nous soit écarté,

Et fais-en nous régner ta sainteté.

Ta fête, ô Christ, est toujours la plus belle,

En attendant l’allégresse éternelle

Où dans les cieux, avec tous les élus,

Nous chanterons tes suprêmes vertus.

BOREL - GIRARD

Le chien boiteux

Une veille de Noël, un voyageur recevait l’hospitalité dans une famille d’ouvriers.

Le logis était pauvre, mais parfaitement propre.

L’étranger était accueilli par une femme d’une trentaine d’années, et par trois enfants qui se groupaient autour d’elle.

Peu après rentrait le père de famille, et au bout d’un moment la petite société s’attablait autour d’une soupe fumante à laquelle tous s’apprêtaient à faire honneur.

Un gros chien, qui semblait faire partie de la famille, est venu poser sa tête sur les genoux de l’étranger, comme pour s’associer à la bonne réception des autres.

" Belle bête, dit l’étranger en le caressant. Mais pourquoi est-ce qu’il boite ? Une blessure reçue en se battant avec un autre chien ? "

" Non, dit le père de famille en baissant la tête. C’est moi qui l’ai blessé, et c’est un gros remords pour moi ! "

" Mais pourquoi rappeler ces vilains souvenirs ? " dit la femme.

" Parce qu’il est bon de se souvenir des grands événements de la vie, dit l’homme, tout songeur. Monsieur, quoi qu’il m’en coûte, je vais vous raconter l’histoire de mon chien. "

" Il y a quelques années, j’étais un triste personnage.

" Je n’avais pas d’autre plaisir que d’aller au cabaret avec quelques mauvais sujets comme moi.

" Nous dépensions le meilleur de notre gain à faire la bombe, et la misère régnait dans nos familles.

" Ma femme, mes enfants manquaient du nécessaire : Même, quand je rentrais ivre, je les maltraitais parfois.

" Mon chien paraissait me faire des reproches muets.

" La pauvre bête me suivait jusqu’à la porte des cabarets, et me regardait avec des yeux tristes. ça faisait rire mes mauvais compagnons. " Regarde, me disaient-ils, voilà ton garde du corps ! "

" Moi, ça me mettait en rage, je courais après lui et je le chassais à coups de pied.

" Il y a trois ans - une veille de Noël, comme aujourd’hui ! - nous avions organisé un réveillon monstre.

" Nous allions nous mettre à table, quand la porte du cabaret ayant été ouverte par hasard, voilà le chien qui entre en coup de vent, saisit dans sa gueule un pain entier, et prend la fuite.

" Je m’élance après lui ; je ramasse une pierre et la lui jette si brutalement que je lui casse une patte. Il pousse un cri, mais sans lâcher son pain, s’enfuit sur trois pattes vers notre logis.

" A moitié dégrisé, je le suis, et j’arrive chez nous quelques minutes après.

" Quel spectacle, navrant et touchant à la fois !

" Ma femme et mes enfants dévoraient le pain à belles dents, tandis que le pauvre chien, tout en léchant sa patte blessée, les regardait avec des yeux qui parlaient.

" Du coup, mon ivresse est tombée tout à fait, et en un instant le remords, le repentir, le désir d’une vie meilleure m’ont envahi.

" Jeanne, ma Jeanne, pardonne-moi ! "

" Et je tombai à ses pieds. Elle, pauvre femme, me serrait sur son cœur.

" J’ai embrassé les enfants, peu habitués à de telles caresses : J’ai embrassé mon chien, qui, sans rancune, s’est mis à me lécher les mains.

" Puis ma femme a prié, et j’ai senti que la grâce de Dieu entrait dans mon cœur.

" J’avais un peu d’argent, destiné à payer notre ignoble festin.

" Je m’en suis servi pour acheter aux miens les nécessités les plus urgentes, et même quelques douceurs.

" Et, pour la première fois, ça a été Noël chez nous.

" La paix et la joie n’ont pas tardé à s’installer chez nous et ne nous ont plus quittés.

" Maintenant, vous me croirez si vous voulez, mais après ma femme et mes enfants, il n’y a rien au monde que j’aime autant que ce chien ".

Et, comme l’ouvrier déposait un baiser sur la tête de l’animal, le voyageur vit une larme tomber de ses yeux.

Lui-même ne pouvait guère se retenir de pleurer, et l’émotion lui fit garder le silence un moment.

" Camarade, dit-il enfin, vous m’avez accueilli de telle manière que je vous ferais insulte si j’offrais de vous payer votre hospitalité.

Voici pourtant une pièce d’argent ; c’est pour le chien.

Quand il mourra, servez-vous-en pour acheter quelques fleurs que vous mettrez sur sa tombe.

Combien d’hommes les ont méritées moins que lui ! "

Paul PASSY

Un souvenir de Noël

Je me souviendrai toujours de la seconde fête de Noël de mon ministère.

Mariés depuis peu, nous voyions avec une joie profonde arriver cette soirée, que nous nous proposions de passer paisiblement ensemble.

Les jours précédents, on avait installé un autre éclairage dans notre joli temple, qui pour la première fois à Noël allait rayonner d’une lumière nouvelle jusqu’en bas dans la vallée.

Par un froid intense, je m’étais occupé du matin au soir à surveiller ces travaux, et j’y avais contracté un peu de grippe, avec une fièvre légère et un sérieux catarrhe.

Mais pas question de trouver un remplaçant !

Après mes travaux de contremaître, j’avais dû me mettre à mes préparations de Noël avec toute la joie, mais aussi toute l’inquiétude d’un jeune pasteur.

Le soir, vers 21 heures, j’étais enfin prêt, et nous allions nous installer devant l’arbre de Noël, dans cette atmosphère tranquille, chaude, lumineuse, lorsqu’on frappa à la porte.

C’était un télégramme, où je lus ces mots : " S’il vous plaît, venez vite, vers X., à B…".

 B… était mon annexe.

Elle se trouvait à une heure et demie de chez moi, de l’autre côté de la forêt.

Et il s’agissait du beau-fils d’un fidèle conseiller de paroisse, qui évidemment ne me faisait pas appeler pour rien.

Un an auparavant, j’avais béni ce mariage, et quelque mois après, enseveli la jeune femme.

A présent, voilà que son mari était atteint, et gravement sans doute, puisqu’on m’appelait à ces heures, et la veille de Noël.

Adieu ma bonne soirée !

Et à la garde !

Quelques instants après, je descendais rapidement dans la vallée, et jusqu’à la station.

Il n’y avait plus de train ordinaire, et l’express ne s’arrêtait pas.

 Mais comme le chemin de la forêt, que tant de fois j’avais fait le dimanche, était impraticable par suite de gros travaux effectués en vue d’un pont sur le Rhin, je risquai une demande au chef de gare :

" Ne pourriez-vous pas, pour une fois, faire stopper l’express. "

- Impossible !

- Mais si vous aviez expédié la dépêche à temps, j’aurais pu atteindre le dernier train !

- En effet. J’ai traîné un peu ! .... Mais pas moyen d’arrêter l’express ! 

Si c’était un train de marchandises, passe encore ! Mais le direct... im-pos-si-ble ! ...

Mais je vais vous donner un employé qui vous accompagnera sur la voie. Ce sera le chemin le plus court.

Et nous voilà, cet homme et moi, l’un derrière l’autre, sur l’étroit sentier qui longe les rails.

La bise est glaciale. Je frissonne.

Est-ce le froid ? Est-ce la fièvre ?

Les deux probablement !

L’obscurité parait se moquer de notre lanterne.

A gauche, à une certaine distance, le grand murmure du fleuve.

A droite, la forêt d’hiver.

Et toujours cette pensée que devant nous, à une heure... à une demi-heure... à un quart d’heure, il y a cette jeune vie qui se débat dans l’étreinte de la mort ; il y a quelqu’un qui attend de son pasteur un message d’en haut.

Enfin je heurte à la porte de mon conseiller de paroisse.

Il ne m’espérait plus et se montra d’autant plus heureux de me voir.

Quant au jeune malade, il n’y avait plus d’espoir ; mais il m’avait réclamé souvent, et il désirait prendre la sainte Cène avant de mourir.

Hélas !

Nous eûmes beau nous hâter !

Quand nous entrâmes dans la chambre, il venait de rendre le dernier soupir, et nous trouvâmes une mère sanglotant auprès de la dépouille mortelle de son fils.

Il y avait là aussi le médecin et une garde-malade.

J’étais jeune, inexpérimenté.

Et puis, le silence solennel de la mort, l’immensité de cette douleur, mon indisposition ; tout cela m’anéantissait.

Je pouvais à peine parler.

Cependant je sortis mon Nouveau Testament, et je lus (on ne m’entendait presque pas) quelques mots de Celui en qui sont apparues la lumière et la vie.

Mais je dois avoir fait bien peu d’impression aux assistants.

D’ailleurs ils savaient, sans moi, où trouver la consolation.

Quelques instants après je montais dans le train.

J’étais brisé de tristesse et de fatigue. Mes pensées me ramenaient obstinément vers ce jeune couple, marié et fauché en une année.

Quelle nuit de Noël pour ces parents !

Et puis, je me sentais si peu bien ! Comment traverser la journée du lendemain ?

Mais au moment où je quittais la station pour regagner ma demeure, minuit sonna.

Et voici que partout les cloches s’ébranlèrent et saluèrent le jour de fête qui commençait.

De la colline m’arrivaient les voix claires de notre petit clocher.

Ailleurs, c’étaient les notes profondes des grosses cloches.

Et toutes chantaient le même cantique : " Joie ! Grande joie ! Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! "

Alors j’ai senti que la consolation descendait en mon âme.

" Non, ce n’est pas la mort, c’est la vie qui aura la victoire ! La fin de tout, ce n’est pas le deuil, c’est la joie !

" Et aujourd’hui, je vais parler de Celui à qui l’on doit de pouvoir être heureux jusqu’auprès des tombes ! "

Ce matin-là, ce même matin de Noël, je prêchai avec force, avec enthousiasme : Je me sentis remarquablement porté.

J’allais mieux, et le mieux se prolongeant le lendemain, je pus encore conduire au cimetière, et non loin de la tombe de sa femme, celui qui l’avait suivie de si près dans la maison du Père.

Alors seulement, je fus obligé de prendre quelques jours de repos.

Depuis, bien des années ont passé.

J’ai quitté mon premier village.

Mais les parents de ces deux jeunes disparus vivent encore.

Ils se souviendront toujours, comme moi, de cette nuit douloureuse où nous avons été consolés les uns et les autres par l’éternelle joie de Noël.

Le Noël de tante grognon

" Lucette ! " appela tante Clarisse d’une voie suraiguë, en ouvrant avec fracas la porte de la cuisine…

Mais elle eut beau abriter ses yeux de sa main pour explorer au loin la route ; comme la sœur Anne du conte, elle ne vit rien venir !

Pas même en vue ! annonça-t-elle irritée, en revenant vers l’intérieur de la pièce et en s’adressant à un gros homme à l’air placide, qui fumait sa pipe à côté de la cheminée.

Où est-elle encore ? Toujours à flâner, à polissonner par les chemins, je gage !

Elle sait bien pourtant que j’ai besoin de ma farine !

Déjà une demi-heure qu’elle devrait être ici !

Avec un calme qui faisait ressortir l’agitation de sa femme, oncle Eugène tira de son gousset son antique montre d’argent.

- Il y a juste vingt-cinq minutes qu’elle est partie, dit-il tranquillement.

Voyons, voyons, ma bonne, ne te mets pas martel en tête pour si peu de chose !

Lucette a peut-être rencontré une de ses camarades d’école ; c’est congé aujourd’hui ; à son âge, il n’y a pas grand mal à s’amuser un peu ; la vie n’est pas trop gaie pour elle, la pauvrette, depuis… depuis…

Il s’arrêta, la gorge serrée, incapable d’ajouter une parole.

Tante Clarisse secoua sa coiffe blanche, d’un mouvement énergique qui semblait vouloir chasser toute émotion intempestive.

- Cette pauvre Lucie ! Ah ! Elle était sérieuse celle-là, et douce et vaillante !

Quel dommage que sa petite ne lui ressemble pas !

C’est bien en souvenir de la mère que j’ai consenti à prendre l’enfant.

On peut dire que c’est une lourde charge.

Je n’ai plus un instant de repos avec elle.

Tout va de travers dans la maison ; je passe mes jours et mes nuits dans des inquiétudes, des tourments, qui me conduiront…

Juste à ce moment, coupant court à la funèbre prophétie de madame Mirande, la porte se rouvrit.

Une petite fille de huit ans, toute fluette, toute menue, emmitouflée dans un grand châle noir, se glissa dans la cuisine en murmurant d’un ton timide :

- Tiens, ma tante, voilà tes commissions !

Et sous les plis épais du vaste châle, elle tira un panier contenant deux ou trois paquets.

Tante Clarisse se retourna tout d’une pièce vers la nouvelle venue, les bras levés au ciel, l’air furibond :

- Ah ! Te voilà, petite malheureuse ! Où as-tu passé ton temps depuis deux heures que tu es partie ?

- Mais tante, balbutia la fillette, dont les joues pâlottes s’empourprèrent, je suis allée chez l’épicier, chez le boulanger…

- Et puis ? Ne mens pas, Lucette ! Tu sais que je ne veux pas d’histoire !

" Hum ! Hum ! " Toussota dans son coin oncle Eugène, en secouant les cendres de sa pipe.

L’enfant regarda le bonhomme comme pour lui demander du renfort.

Ne parvenant pas à rencontrer son regard, elle leva vers la fermière ses yeux d’un bleu profond, couleur de gentiane.

- Tante, je suis bien fâchée… mais …. je suis restée un peu pour voir l’étalage de M. Copin, le libraire.

Il a mis tant de choses pour Noël ! De beaux livres tout dorés….

- Miséricorde ! Interrompit tante Clarisse, c’est pour de pareilles bêtises que tu me laisses me ronger les sangs toute la matinée, que tu es cause que mon dîner sera manqué, que tu risques d’attraper le coup de la mort en t’attardant dehors par ce froid terrible !

Ah ! Pauvre de moi ! Quelle idée j’ai eu de m’embarrasser d’une enfant de ton espèce !

Tout en parlant, la paysanne, vive comme la poudre, courait à son fourneau, précipitait une cuillérée de farine dans sa sauce, revenait à Lucette immobile au milieu de la salle, la secouait, la tournait et retournait à la façon d’une toupie, en la dépêtrant de son châle noir.

- Quand tu resteras plantée là comme une statue, ça n’avancera pas les affaires ! Remue-toi donc un peu, paresseuse ! faut-il que je mette moi-même la table, aujourd’hui ?

Ainsi rappelée à ses devoirs, la petite s’empressa de disposer le couvert ; rendue maladroite par sa hâte, elle heurta bien quelques assiettes, ce qui lui valut de nouveaux reproches ; mais somme toute, aucun malheur sérieux ne se produisit.

A midi sonnant, tante Clarisse apportait la soupière fumante.

Oncle Eugène rendit grâces, et les trois convives s’attablèrent.

Les mets étaient réussis, malgré les appréhensions de madame Mirande, aussi, tant que dura le repas, elle fut de très bonne humeur.

Lucette mangea bien, quoiqu’elle eût le cœur gros ; à huit ans, le chagrin n’enlève pas l’appétit, heureusement !

Sitôt la dernière bouchée expédiée, la fillette quitta sa chaise et allait se faufiler dehors, mais une voix sévère la cloua sur place au moment où elle franchissait le seuil :

- Où vas-tu Lucette ?

- Dans ma chambre, chercher quelque chose à lire, tante.

- Sais-tu ta leçon d’arithmétique pour demain ?

- No…on, balbutia l’enfant confuse en baissant la tête.

- Ah ! Ma pauvre petite, je te reconnais bien là !

Tante Clarisse n’aurait pu vraiment paraître plus désespérée si Lucette lui avait avoué s’être rendue coupable d’un crime.

- Allons ! Fais-moi le plaisir de prendre ton arithmétique et d’aller t’asseoir là-bas à côté de la fenêtre ; tu n’en bougeras pas avant de savoir parfaitement ta règle, tu entends ?

" La division est une opération qui consiste à partager un nombre en autant de parties égales…"

Blottie à la place que sa tante lui a assignée, Lucette fait un effort louable pour retenir la théorie à laquelle elle ne comprend rien.

Madame Mirande va et vient dans la pièce, remettant la vaisselle en ordre, frottant, astiquant avec un zèle qui prouve sa passion dominante de soigneuse ménagère.

Oncle Eugène, lui, prend son chapeau à un clou, échange quelques mots avec sa femme, envoie de loin à sa nièce un regard amical.

Le voilà parti pour son ouvrage.

Lucette suit un instant la haute silhouette massive qui s’éloigne sur la route, puis son regard se reporte vers le jardin, si mélancolique, si triste aujourd’hui avec ses arbres dépouillés découpant sur le ciel gris leurs branches noires.

Ses amis les moineaux ont disparu.

Rien qui bouge, rien qui vive, rien qui sourit dans l’étroit enclos enfermé entre ses quatre murs de pierres brunes.

Est-ce que les violettes auront fleuri pour Noël ?

Noël ! Ah !

Voilà encore une fois l’imagination de Lucette détournée de son travail, de son devoir !

Comme ils sont jolis les livres que M. Copin a exposés pour Noël ! Il doit y avoir de si belles images à l’intérieur, et de si belles histoires !

Lucette possède quinze ou vingt volumes qu’elle aime comme d’autres fillettes chérissent leur poupée ; elle en connaît le contenu presque par cœur.

Ses brochures, ses Feuilles de l’Ecole du dimanche ont été maintes fois parcourues ; justement, elle s’ennuyait beaucoup de ne plus savoir quoi lire…

Ce serait délicieux d’avoir quelques nouveaux livres, d’en choisir elle-même parmi ceux qui trônent fièrement à la devanture du libraire !

Pourquoi pas, après tout ?

Avec la pièce de cinq francs cachée dans sa chambre, au fond d’un tiroir, elle pourrait bien sûr en acheter deux au moins peut être trois …

Comme c’est tentant ce projet-là !

Et pourtant… Sa chère pièce de cinq francs, son seul trésor !

Cela lui ferait de la peine de s’en séparer !

Elle lui rappelle tant de souvenirs !

Soudain, Lucette se croit transportée loin, bien loin en arrière.

Dans un temps heureux où il n’y avait pas encore pour elle de gronderies ni de bourrades, ni de tante Clarisse, cette vraie tante Grognon toujours en colère, toujours maussade !

Dans quelques jours, dire qu’il y aura un an de cela !

 C’est à Noël dernier que la petite fille a reçu sa belle pièce d’argent toute neuve et resplendissante, parmi d’autres cadeaux si bien choisis par la maman aimée qui est maintenant au ciel !

Oh ! Le doux, le joyeux Noël !

L’enfant se revoit, le soir de la fête bénie, installée sur les genoux de sa mère, qui l’entourait de ses bras caressants.

Qu’il faisait bon être toutes deux seules, à causer gaiement au coin du feu, sans autre lumière que celle des flammes dansantes qui projetaient de grandes lueurs roses sur les meubles enfoncés dans l’ombre !

Une fois de plus, on avait passé en revue toutes les joies de cette radieuse journée.

Le meilleur moment, c’était vraiment la visite à une petite voisine malade, à laquelle on avait porté quelques friandises et un album d’images confectionné par Lucette.

Celle-ci riait encore en se rappelant sa surprise et ses effusions !

Alors maman avait dit, de sa voix un peu voilée, douce comme une musique :

- C’est très bien, ma chérie, d’avoir rendu la pauvre Rose si heureuse, mais sais-tu ?

" Les autres années, il faudra toujours essayer, pour Noël, de faire plaisir, non seulement aux personnes qui sont aimables avec toi, que tu aimes le mieux, mais encore et surtout à celles que tu aimes le moins, qui sont ennuyeuses, désagréables… Ce sera le présent que tu apporteras à Jésus pour son anniversaire.

" Tu te rappelles, il a souvent répété d’être bon avec les méchants, de leur faire du bien.

Lucette, enchantée, battait des mains :

- Oh ! Oui, maman ! Quelle magnifique idée ! Mais j’ai de l’amour pour tout le monde, tu comprends.

" Il faudra que je cherche quelqu’un de très, très méchant pour lui faire plaisir… Tu m’aideras, dis ?

- Oui … si Dieu veut, avait ajouté tout bas la mère, et en disant cela, serrant davantage sa petite fille dans ses bras, elle lui avait donné un baiser …

Oh ! Un baiser si long, si tendre, plein d’un infini d’amour !

Au souvenir de cette caresse, un flot de détresse inexprimable gonfle le cœur de l’orpheline : depuis que sa maman est morte, personne ne l’a embrassée ainsi !

- Lucette ! Éclate subitement un accent criard, qui fait sursauter l’enfant arrachée à son rêve, Lucette !

Voilà plus de vingt fois que je t’appelle !

Depuis que tu es là, les yeux cloués sur ton livre tu dois savoir ta leçon, je suppose !

Viens m’aider à fourbir les casseroles, allons, vite !

Noël ! Noël !

Les cloches carillonnent à toute volée, tandis que les fidèles, vêtus de leurs plus beaux atours, sortent de la petite église du village, où vient d’avoir lieu le service divin.

Après l’échange habituel de coups de chapeaux, de poignées de mains, de souhaits, les groupes se dispersent ; chacun se hâte vers son logis.

Sa menotte serrée dans la grosse main d’oncle Eugène, qui donne son autre bras à tante Clarisse, Lucette trottine aussi vite que ses petits pieds le lui permettent, essayant de régler son pas menu sur les grandes enjambées de ses compagnons.

Au coin de la place, quelques écoliers contemplent, bouche bée d’admiration, les magnifiques livres rouges et or exposés par M. Copin, et les cartonnages, et les découpures, et les cartes postales….

La fillette, elle, se détourne en passant devant l’étalage fascinateur ; depuis certain jour de la semaine dernière, elle n’a plus osé le regarder…

Noël ! Noël !

Dans la cuisine plus brillante que jamais, oncle Eugène a regagné sa pipe et sa place habituelle auprès de l’âtre.

Par extraordinaire – parce que c’est comme un dimanche, - sa femme n’est pas occupée à ranger ou à nettoyer autour d’elle.

Elle a soigneusement relevé sa belle robe de cachemire brun et s’est assise de l’autre côté de la cheminée…

Soudain, une petite ombre se penche vers elle, elle entend une voix timide murmurer à son oreille :

- Tante, je te souhaite un joyeux Noël !

Et, ce disant, Lucette pose sur les genoux de madame Mirande un léger, très léger paquet.

La ficelle enlevée, le papier déplié laisse apparaître un ravissant bonnet à la mode du pays, une de ces coiffes seyantes et si gracieuses, avec leur fond de fine dentelle et le ruché de mousseline plissé tout autour comme une auréole.

Si tante Clarisse a un faible en tant que toilette, c’est bien pour les bonnets.

La vue de celui-ci lui fait pousser un " Oh ! " de surprise et de délices.

Elle va remercier son mari, mais le brave homme est aussi étonné qu’elle…

Son regard se reporte sur l’orpheline, qui, avec un sourire un peu incertain, attend l’effet produit par son cadeau.

La paysanne ignorait l’existence de la fortune de l’enfant.

Prompte comme toujours à s’alarmer, elle prend son attitude la plus rigide :

- D’où vient ce bonnet, Lucette ? Réponds ! Comment te l’es-tu procuré ?

La fillette comprend !

Elle comprend que sa tante la soupçonne, et de quelle action honteuse, abominable ! …

Une flambée de rouge monte à ses joues, ses yeux bleus se foncent et deviennent presque noirs, c’est l’indignation, la révolte en personne !

- Tante, je l’ai acheté avec de l’argent à moi… Cinq francs que je gardais pour des livres…

Voilà un an que je les avais, mais je ne pouvais me décider à m’en séparer, parce que … parce qu’ils me venaient de maman ! …. Oh ! Maman, maman !

Toute secouée de sanglots, la pauvrette s’abat contre la table, la figure cachée dans ses bras.

 Oncle Eugène a fait un mouvement, mais tante Clarisse l’immobilise d’un coup d’œil impérieux, et c’est elle qui s’incline vers la petite fille, elle qui la force – fermement, mais sans rudesse – à relever son visage convulsé.

- Voyons ! Voyons, Lucette ! A quoi penses-tu de te mettre dans un état pareil !

Si tu m’avais parlé tranquillement de ces cinq francs, tu sais bien que je t’aurais crue tout de suite !

Cela te fait donc beaucoup de chagrin de ne plus les avoir ?

Mais alors pourquoi les as-tu dépensés… pour moi ?

Sans le vouloir, tante Grognon a appuyé sur le dernier mot.

Elle se doute que le sacrifice de sa nièce a dû lui coûter deux fois autant, accompli pour elle !

Et Lucette, alors trop bouleversée pour se taire, trop sincère aussi pour rien cacher :

- J’avais promis à maman… l’année dernière… Elle m’avait dit de toujours essayer, à Noël … pour que Jésus soit content…. de faire plaisir à la personne que j’aime le moins.

Un grand silence…

Puis tante Clarisse, avec un calme qui paraît terrible tant il est inusité, interroge :

- Je suis la personne que tu aimes le moins, Lucette ?

- Oui, tante… répond un souffle à peine perceptible.

- Et pourquoi ?

Un nouveau sanglot désespéré échappe à l’orpheline :

- Oh ! Tante, tu grondes toujours … et …je suis malheureuse !

- Malheureuse ! … répète madame Mirande, abasourdie.

Rendre cette petite créature malheureuse, elle !

L’aurait-elle jamais cru !

Mais non, elle n’est pas méchante, tante Grognon ; criarde, autoritaire seulement ; et puis, n’ayant jamais eu d’enfants, elle ne savait pas comment s’y prendre avec cet oiselet tombé du nid.

Lucette, par son étourderie, sa négligence, lui donnait quelquefois beaucoup de peine ; elle s’imaginait la corriger par les reproches, la brusquerie, sans se douter qu’elle faisait souffrir le pauvre petit cœur tremblant …

Comme si une grande clarté l’illuminait, elle comprend, elle devine…

Elle regarde la silhouette falote et désolée qui est là devant elle, elle croit la voir pour la première fois :

- Ah ! dit-elle, comme elle ressemble à Lucie !

Un immense attendrissement l’envahit ; elle attire l’enfant, l’enveloppe d’une longue étreinte :

- Lucette ! Ma mignonne ! Ne pleure pas comme cela ! Allons bon ! Je crois que je pleure aussi ! Tu es une chérie ; jamais, jamais aucun cadeau ne m’a fait plus de plaisir que le tien… Mais ne dis plus que je suis la personne que tu aimes le moins, que je te rends malheureuse !

Cela ira mieux à l’avenir, je te le promets ! J’essaierai de ne plus gronder si fort, et toi, tu y mettras aussi du tien pour m’aider, n’est-ce pas ?

Tu veux bien être mon enfant, ma petite fille chérie ?

Et, tandis que, dans son coin, oncle Eugène se mouche bruyamment, essayant en vain de cacher son émotion, Lucette sent un baiser se poser sur sa joue, - un de ces baisers profonds et tendres dont elle était sevrée depuis si longtemps !

De toute la ferveur de son âme aimante, elle rend sa caresse à tante Clarisse – qui n’est déjà plus tante Grognon !

Noël inoubliable, mêlé de rires et de larmes, et qui – sans pouvoir combler le vide laissé par l’absente – lui a donné ce qu’il pouvait y avoir de meilleur pour elle en ce monde : Une seconde maman !

Toi aussi, mon cher lecteur, veux-tu essayer, comme Lucette, de faire plaisir, pour Noël, à la personne de ton entourage que tu aimes le moins ?

Ce sera la plus douce manière de souhaiter sa fête au Sauveur qui est venu apporter sur la terre la paix et la bonne volonté.

Yvonne PITROIS

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