Femmes missionnaires en pays païens au 19ème siècle

Préambule

L’évangéliste Luc introduit son second ouvrage, les Actes des Apôtres, par ces paroles :

" Dans mon premier livre (c'est-à-dire l’Evangile qui porte son nom), j’ai parlé de tout ce que Jésus a commencé de faire et d’enseigner jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel ".

L’œuvre de Jésus était achevée sur la terre, mais elle allait se poursuivre par son ministère céleste avec l’aide du Saint-Esprit pour former l’Eglise (la bâtir comme il l’avait déclaré à Pierre).

Une Eglise qui ne devait pas se limiter aux élus d’Israël seuls, mais embrasser le monde entier en partant de Jérusalem pour atteindre " les extrémités du monde. "

C’était la grande mission que Jésus confiait à ses disciples et que relate le livre des Actes.

Mission dont le but était de rendre témoignage à toutes les nations que Dieu avait tant aimé le monde qu’il avait donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse point mais qu’il ait la vie éternelle. (Evangile de Jean 3 : 16).

La mission, la publication de cette Bonne Nouvelle inouïe, bonne entre toutes, a été reçue par toutes les générations de chrétiens comme un ordre divin et comme la condition de l’achèvement de la dispensation de la grâce.

Jésus avait en effet dit : " Cette Bonne Nouvelle du Royaume sera prêchée à toutes les nations, alors viendra la fin. "

Luc a commencé un livre qui ne relate qu’une partie très limitée de l’œuvre du Saint-Esprit au travers des premiers apôtres et qui s’arrête nécessairement avec les évènements connus de lui au moment où il a mis le point final à son écrit.

Cependant la mission, ainsi que l’avait ordonné le Seigneur, n’a pas été interrompue à la mort des premiers disciples et la preuve c’est qu’elle s’est poursuivie jusqu’à ce jour, puisque nous en avons été les bénéficiaires.

S’il fallait un signe de plus de la véracité des Ecriture et des Paroles de Jésus, nous le sommes en tant que témoins de l’efficacité de cette grande œuvre missionnaire commencée à Jérusalem avec les apôtres et qui se poursuit sur tous les continents aujourd’hui même.

Dieu est souverain maître de l’histoire, et les évènements se produisent selon son plan en vue d’un achèvement, d’une intention arrêtée de toute éternité.

Il est des temps et des moments particuliers que le croyant éclairé et attentif doit savoir discerner, tandis que la majorité de ses contemporains restent aveugles et indifférents.

" Qui a reconnu le bras de l’Eternel ? " dans la venue sur terre du Sauveur : Jean-Baptiste, le vieillard Siméon, Anne la prophétesse, les premiers disciples….

Qui a entendu l’appel divin retentir lorsque Dieu voulait le faire entendre, comme ce fut le cas pour Esaïe lorsqu’il vit la gloire du Seigneur dans le temple de Jérusalem ?

La mission a commencé le jour même de la Pentecôte et comme une traînée de poudre a atteint rapidement le monde connu d’alors.

Donc au milieu du premier siècle de notre ère, Paul pourra dire en parlant des messagers de la Bonne Nouvelle :

" Leur voix est allée par toute la terre et leurs paroles jusqu’aux extrémités du monde. "

Cependant, bien des territoires inconnus à l’époque restaient à évangéliser et il s’écoulerait encore bien des siècles avant que le mot d’ordre de Jésus " jusqu’aux extrémités de la terre " puisse avoir son accomplissement.

Bien que de nombreux pionniers, envoyés par la chrétienté en général vers de lointains continents, aient porté l’Evangile aux païens avec plus ou moins de succès, il revient aux missionnaires du 19ème siècle le mérite, si l’on peut dire, d’avoir discerné le temps favorable.

C’est en effet au cours de ce siècle qui a vu le développement des moyens de communication intercontinentaux, que des hommes ont compris que le moment était venu d’annoncer l’Evangile aux païens enténébrés.

On pourrait citer quelques noms parmi les apôtres modernes que Dieu a suscités au 19ème siècle : Livingstone en Afrique, Hudson Taylor en Chine, Carey en Inde, Judson en Birmanie, et la liste est longue de ces hommes qui ont perçu la voix du Seigneur au moment opportun.

Mais il serait injuste d’oublier les femmes que Dieu a appelées à ce ministère et nous avons eu à cœur de faire connaître à nos lecteurs plusieurs d’entre elles qui ont servi le Maître en leur temps et dans des conditions bien difficiles.

Nouvelles portes ouvertes au 19ème siècle

Tout d’abord, il convient de remarquer qu’avec le 19ème siècle sont apparues les grandes explorations qui ont permis de découvrir les îles les plus lointaines, de franchir les portes des nations les plus fermées.

Les moyens de communication ont rapproché les peuples, facilité les déplacements, l’univers s’est comme rétréci, ouvrant des perspectives et des facilités aux femmes, qui jusque-là auraient hésité à entreprendre un travail missionnaire en terre lointaine.

Il ne faut pas oublier que la femme a joué un rôle de première importance dans le salut du monde, puisque le Fils de Dieu, Jésus, est venu accomplir ici-bas son œuvre de salut en prenant son humanité dans le corps de Marie.

C’est encore une femme, Marie de Magdala, qui viendra annoncer aux disciples, enfermés dans la chambre haute, la résurrection de leur maître.

Tout au long de son ministère, Jésus sera accompagné de femmes qui l’assistent de leurs biens.

Ce ne sont là que quelques exemples qui montrent que la femme entre dans le plan rédempteur de Dieu.

Comme il est annoncé dans Genèse au serpent : " La postérité de la femme t’écrasera la tête. "

Il faudrait ajouter la femme Samaritaine qui, après avoir découvert le Messie au puits de Jacob, laissant sa cruche, s’en alla annoncer le Christ aux Samaritains de sa ville.

Après avoir été tenue à l’écart pendant des siècles, la femme chrétienne a retrouvé sa vraie sphère d’activité et son influence.

Les missions ont montré la vraie position de la femme dans l’Eglise dans laquelle, comme le soulignera l’apôtre Paul, il n’y a ni homme ni femme, mais dans laquelle tous sont un en Jésus-Christ.

La femme a un rôle à jouer dans la famille et dans la société et sans elle, il n’existe ni foyer saint, ni société renouvelée.

Pénétrée du sentiment de la dette infinie qu’elle a contractée vis-à-vis du Sauveur, non pas seulement parce qu’elle a été rachetée, mais aussi parce qu’elle a été affranchie d’un véritable esclavage domestique et social, elle est jalouse d’aller, missionnaire dévouée, auprès de ses sœurs dégradées des pays païens et musulmans, afin d’accomplir parmi elles une œuvre de relèvement qui ne se fera point si elle ne se fait pas par la femme chrétienne.

Peut-être Dieu a-t-il permis que les harems fussent impénétrables aux hommes, pour que la femme comprit d’autant mieux sa vocation providentielle auprès des représentantes de son propre sexe.

L’œuvre de la femme pour la femme échappe à toute appréciation humaine.

La femme accomplit souvent dans la mission la même somme de travail effectif que son mari, et en fait de leçon de choses, aucune n’est plus nécessaire aux païennes dégradées, victimes d’un milieu social vicieux, que celle qui se dégage de la femme chrétienne ; car elles apprennent ainsi, par des faits, ce que la femme, fille, sœur, épouse ou mère, doit à la religion de Jésus-Christ.

Le témoignage unanime des missionnaires les plus héroïques et les plus bénis, c’est qu’il faut la femme chrétienne, sa vie sainte, son labeur infatigable pour que la mission puisse donner son maximum.

Dans l’œuvre de Dieu, la femme travaille aujourd’hui au premier rang, et c’est un stimulant considérable pour les missions.

Le christianisme a en effet changé radicalement la situation de la femme.

Autrefois, en désaccord avec le vouloir divin qui a fondé la famille, la femme était simplement considérée comme une " aide " de l’homme par où l’on entendait, non pas un être correspondant à l’homme, sa " contrepartie " comme l’invoque le terme original, mais sa subordonnée, sa servante, et tout au plus son auxiliaire.

L’homme était le supérieur, le souverain ; la femme était le sujet, l’être qui sert.

Même dans la communauté des croyants Juifs, la femme reste presque toujours à l’arrière-plan.

Marie (sœur de Moïse), Déborah, Anne la prophétesse sont de rares exceptions dans l’histoire des Hébreux.

La femme y disparaît, noyée dans la masse anonyme.

Dans la nouvelle alliance au contraire, la femme est plus considérée et l’on peut citer ces paroles de l’apôtre Paul recommandant à un collègue " d’aider Evodie et Syntiche, ces femmes qui ont combattu avec moi pour l’Evangile. " Epître aux Philippiens 4 : 3.

Grâce à Christ et à son Evangile, celle qui fut la première dans la transgression pourrait bien prendre la première place dans la consécration à Dieu et dans le dévouement missionnaire.

Dans la famille, elle est un centre rayonnant d’attraction.

Dans l’Eglise, elle s’emploie à faire circuler l’enthousiasme, elle organise la libéralité.

Elle part pour l’étranger comme maîtresse d’école, garde-malade, médecin, missionnaire, et, dure au mal, active au travail, elle est l’émule des plus patients et des plus vaillants.

Femme et mère, elle montre ce que Christ a fait de la femme …

Non seulement elle entre dans le travail de son mari, mais parfois elle l’égale et même le dépasse dans le service actif.

Parmi les païens qui n’ont pas encore été évangélisés, un tiers le sera par la femme mieux que par personne.

Un grand nombre, inaccessibles à l’homme, ne sont accessibles qu’à elle.

Dans la mission médicale, un nouveau champ d’action s’ouvre aux " sœurs " de l’Evangile.

En Orient, surtout en Inde, cette noble branche auxiliaire des missions restait pour les femmes indigènes sans utilité.

Tenues à distance par des lois discriminatoires sévères, même les médecins païens n’avaient point accès auprès d’elles.

Ce qui faisait dire à quelqu’un : " Dans la maladie, toutes les femmes hindoues sont absolument négligées. Le préjugé, la coutume, bannissent loin d’elles tout secours médical. "

De là, une effrayante contagion répandue au milieu des femmes et des enfants : la fièvre, l’ophtalmie, et bien d’autres maladies.

Quel changement depuis !

Dans l’Inde entière, on recherche à grands cris des femmes capables, qui aient appris le métier de garde-malade ou qui possèdent un diplôme de docteur.

Chose remarquable, la loi des sexes se retrouve partout dans l’œuvre de Dieu.

L’élément féminin y est aussi nécessaire que l’élément masculin.

L’homme peut être agressif, hardi, fort, il excelle comme pionnier, comme organisateur, comme administrateur.

Mais la femme est patiente, tendre, sympathique, pénétrante ; elle excelle à gagner les cœurs, à soulager, à consoler, à servir.

Joignant leurs efforts, l’homme et la femme représentent, pour la mission, un moyen complet et des ressources d’adaptation parfaites.

C’est ainsi que lorsque les femmes ont commencé à s’organiser pour collecter les fonds, diffuser les nouvelles pour l’envoi et l’entretien des missionnaires - femmes chez les païens, le résultat de ces efforts s’est fait sentir dans toute la sphère de l’œuvre chrétienne.

Parmi une glorieuse et nombreuse foule de missionnaires des deux sexes, qui se sont levés au 19ème siècle, quelques femmes peuvent être citées pour faire ressortir avec quel zèle et quelle abnégation elles ont travaillé dans l’œuvre du Seigneur.

Elles étaient ignorées de la plupart d’entre nous et c’est avec étonnement que nous découvrons l’immense action du Saint-Esprit par toute la terre au travers d’instruments insoupçonnés.

Hannah MULLENS

Elle était née en Inde.

A douze ans, elle était déjà " occupée aux affaires de son Père " auprès des jeunes filles indigènes.

A dix-neuf ans, elle épousa Joseph MULLENS, missionnaire de la Société de Londres à Calcutta.

Depuis ce moment, l’œuvre missionnaire absorba toute son énergie, la saisit par toutes les racines de son être.

Tout en aidant son mari à apprendre le bengali, elle enseignait dans l’internat des jeunes filles hindoues, s’occupait de l’instruction religieuse des femmes, consacrant ses talents à Celui dont elle avait reçu l’onction d’En Haut.

Ces détails font seulement entrevoir ce que fut sa vie, vie toute remplie de travaux multiples et variés, toute débordante d’œuvres utiles.

On l’a souvent appelée le pionnier de l’œuvre des Zénanas (harem en Inde), bien que ce fut du temps où le missionnaire John Fordyce était en Inde que démarra un mouvement qui devait aboutir à un effort sérieux pour pénétrer à travers les portes fermées des maisons hindoues.

Cependant il revient à Mme Mullens, en grande partie, la gloire d’avoir gagné un bon nombre d’exilées de l’Inde à Jésus-Christ.

Après avoir été seize ans femme de missionnaire, âgée de trente-cinq ans seulement, elle fut soudainement appelée aux demeures célestes.

Sa dernière journée avait été consacrée à la préparation d’un ouvrage destiné aux femmes indigènes.

Emily JUDSON

Troisième épouse du missionnaire Adoniram Judson (voir notre livret n° 8 consacré à la vie et au ministère de ce missionnaire), de son nom de jeune fille Fanny Forester, elle fut sollicitée en 1845 par ce dernier, pour rédiger la biographie de sa seconde femme.

Il faut dire que Fanny Forester avait ressenti un profond appel pour les missions à la lecture de la biographie de la première épouse de Judson.

C’est de cette rencontre qu’aboutit leur union.

Durant les quelques années que passa Emily Judson en Birmanie, qui dira à combien de sacrifices cette femme dût consentir.

En 1850, la santé de son mari déclinait rapidement : un voyage sur mer fut jugé indispensable pour son rétablissement.

C’est à peine si elle pouvait vivre sans lui ; elle aussi d’ailleurs, était visiblement atteinte dans sa santé, cependant elle eut l’héroïsme de ne pas quitter son poste.

Et, au moment des adieux, quoiqu’elle restât seule avec trois enfants, dont le plus jeune n’avait pas deux ans, quoiqu’elle dût, un mois plus tard, devenir mère pour la seconde fois, elle demeura joyeuse et sereine.

Trois semaines plus tard, elle donnait naissance à son petit Charles, pour le déposer peu après dans la tombe.

Hélas, elle ne savait pas que le père aussi avait trouvé une tombe…. en plein océan, dix jours avant la mort de son jeune enfant.

Quatre mois de suspense et d’angoisses devaient s’écouler avant qu’elle sût si son mari était mort ou vivant.

Mais elle s’appuya de toutes ses forces sur Jésus, et, avec une patience, un héroïsme aussi émouvant que les incidents les plus pathétiques des annales missionnaires, " elle tint ferme, comme voyant Celui qui est invisible. "

Mary WILLIAMS

John Williams – Celui que l’on a surnommé l’apôtre des îles des mers du Sud – disait toujours qu’il ne savait pas ce qu’il aurait fait sans sa femme.

Tendre épouse et tendre mère, elle fut aussi cuisinière et femme de chambre.

Son esprit supérieur sut anoblir les occupations les plus vulgaires. A ces travaux, elle sut encore ajouter ceux de la femme missionnaire.

C’est elle qui apprit aux femmes de la station de Raiatea tous les arts du ménage, non sans accompagner chacune de ses leçons d’une leçon d’ordre plus élevé.

Elle se donna la peine d’aller à la découverte de toutes les femmes âgées, moitiés nues, méprisées, négligées, et leur fit donner des soins convenables.

Grâce à elle, plusieurs trouvèrent un appui encore inconnu pour leurs vieux jours, une lumière nouvelle pour le soir de leur vie.

Quant aux jeunes femmes, elle les enseigna, les catéchisa avec le plus grand soin jusqu’à ce qu’elles fussent solidement instruites dans la foi.

Qu’elle accompagnât son mari dans ses voyages missionnaires sur mer, ou qu’elle demeurât seule pour veiller à des intérêts que l’absence de tous deux eût compromis, toujours sans murmurer, elle servait le Maître et portait les fardeaux que lui imposait sa main.

Lorsque sept de ses enfants, tous morts en bas âge, dormirent sous le gazon de diverses îles du Pacifique, servante du Seigneur elle disait encore : " Qu’il me soit fait selon ta Parole. "

Elle connut la pauvreté, le danger, la maladie, la souffrance, mais jamais la crainte ni le découragement.

Réveillée à minuit, par la terrible nouvelle de son mari, mort à 43 ans, assassiné sur la plage d’Erromanga, elle demeura comme paralysée, anéantie par la douleur, à tel point que même les visites d’amitié et de sympathie, lui étaient une torture.

Cependant, parmi les premiers qui pénétrèrent dans cette chambre, témoin de ses larmes, elle reçut le chef indigène Maliétou.

Lui aussi était accablé par cette perte qui couvrait toute la Polynésie d’un voile de deuil.

Dans la frénésie de sa douleur, il la supplia de réagir contre le désespoir et de ne point s’ôter la vie.

" Oh ! Vivez, lui disait-il, à cause de moi, à cause de mon peuple. Si vous aussi vous nous étiez enlevée, hélas !!!

Que ferions-nous ? "

Fidelia FISKE

Elle naquit l’année où John Williams partit pour les îles de la mer du Sud.

A vingt-sept ans, cette noble femme s’en alla en Perse, essayer une méthode d’éducation qui avait été mise au point dans une école de filles du Massachusetts.

Il y a plusieurs sortes de courage ; il n’en est pas de plus héroïque que celui de cette femme aux goûts délicats, raffinés, qui affronte pour l’amour de Christ un lieu rempli de vermine et de saleté repoussante.

A son arrivée en Perse, en 1843, quarante écoles environ avait été ouvertes dans la contrée, mais la plupart d’entre elles n’accueillaient que des garçons.

Une école de filles, fondée cinq ans auparavant par une dénommée Mme Grant, n’avait fait que végéter.

C’est à Fidelia Fiske, la nièce du missionnaire de la Syrie, Pliny Fiske, que revint le mérite d’avoir été le vrai pionnier de l’éducation de la femme en Perse.

Dieu lui mit à cœur d’arracher les femmes dégradées à leur indescriptible condition, semblable à la boue fangeuse d’une horrible fosse.

Elle comprit que pour élever la femme à un niveau supérieur, elle devait tout d’abord relever la jeune fille.

Elle commença donc par les enfants et prit courageusement ses dispositions pour en réunir quelques-unes en une " école – famille " où elle put les laver, les vêtir, les nourrir et les élever.

Pour débuter, elle chercha six jeunes filles.

Elle ne connaissait qu’une seule phrase syriaque et s’en servait pour demander aux parents de " lui donner leurs filles ".

Au jour fixé pour l’ouverture de l’école, quinze externes demandaient leur admission, mais on n’avait pas une seule interne.

Cependant, une femme du nom de Mar Yohanan arriva, conduisant par la main deux petites filles, l’une de sept ans et l’autre de dix.

Peu à peu, d’autres mères lui donnèrent aussi leurs filles et bientôt elle eut vingt-cinq élèves.

Elle ne pouvait pas à ce moment-là, en recevoir davantage.

Ainsi, sur des fondements posés par la prière et arrosés par des larmes, s’éleva une nouvelle institution, semblable à celle qui avait vu le jour dans le Massachusetts et cela fut pour la Perse une perle de grand prix.

Pendant seize années, Fidela Fiske continua ses travaux apostoliques, et quand la maladie l’eut obligée à revenir dans la patrie, elle n’eut d’autre désir que celui de retourner au pays des mages.

Hélas !

Le cancer dévorait ses forces vives.

Elle mourut en 1864, à peine âgée de cinquante ans.

Tandis qu’affaiblie et usée, elle sentait le vautour la ronger au cœur, elle ne cessa pas de plaider la cause des missions.

Bien plus, elle prit la direction de l’école du Massachusetts, à Holyoke, afin de pouvoir répandre encore, de sa main mourante, la semence du zèle missionnaire dans de jeunes cœurs.

Le secrétaire de l’organisation américaine des missions (L’Américan Roard) a dit de Fidelia Fiske :

" Par tous les éléments de sa belle nature et par toute son activité, elle m’a toujours paru se rapprocher plus que personne, homme ou femme, du Seigneur Jésus tel que je me le représente sous sa forme humaine. "

Cette œuvre que Fidélia Fiske avait commencée en s’acquittant d’une tâche répugnante, en lavant littéralement de leurs ordures et en purifiant de leur vermine les jeunes persanes, trouva bientôt la récompense.

Pendant les trois ans qui s’écouleront de 1844 à 1847, une effusion de l’Esprit se répandit sur son école, si abondante qu’elle ne pouvait être comparée qu’à la première Pentecôte.

Toutes les jeunes filles âgées de plus de douze ans furent converties ; plusieurs d’entre elles devinrent missionnaires et évangélisèrent les familles de leur propre milieu.

L’école fut manifestement bénie de Dieu et réussit admirablement à élever la femme au-dessus du " niveau de l’âne " auquel elle était assimilée, et à lui inculquer ces nobles sentiments qui sont le secret d’une condition transformée.

La persécution ne fit que mieux démontrer le mérite de l’école et accroître le nombre de ceux qui la soutenaient, si bien qu’il fallut chercher un local plus vaste.

Pendant les derniers jours que Miss Fiske passa en Perse, elle se vit entourée, dans une réunion spéciale, par quatre-vingt-treize femmes converties, belles prémices d’une vie missionnaire dont la devise était : " Vis pour Christ ".

Madame COILLARD

Alors que François COILLARD – celui qu’on a appelé l’apôtre du Zambèze – se trouvait seul, missionnaire en Afrique du Sud, Dieu lui envoya une aide en la personne d’une écossaise d’un caractère énergique et d’une volonté ferme : Christina MACKINTOSH.

Voici ce que COILLARD écrivait à son sujet :

" Je bénirai, ici-bas et dans l’éternité, mon Père qui m’a béni si abondamment et gratifié d’une telle compagne. Chaque jour, je dirais chaque instant, me découvre un nouveau pli de son caractère et ranime mon amour pour elle et ma reconnaissance pour mon Dieu.

" Accomplie sous tous les rapports, elle me laisse en arrière sur le chemin de la vie chrétienne. Elle est énergique, active, sensible à l’excès, aimante par conséquent.

" C’est le dévouement personnifié. Je suis vraiment tout ébahi, moi pauvre Coillard, cet être qui se trouve dans le chemin comme une pierre inutile et incommode.

" Vraiment, je n’étais pas digne d’elle… "

Ailleurs, il écrira encore : " Si elle avait une passion, c’était celle de la vie intime et sédentaire du foyer domestique ; elle avait toujours soupiré après une maison qui fut son home. Et pendant plus de quinze ans nous vécûmes ensemble, bâtissant, relevant des ruines, vivant dans le temporaire et au milieu des guerres, voyageant au loin dans les déserts ou vivant en exil ".

C’est que Christina avait dit à son mari : " Tu ne me trouveras jamais entre toi et ton devoir ; fût-ce au bout du monde, où que tu ailles, je t’y suivrai. "

Et elle a tenu parole.

Voici un trait qui donnera une idée de l’héroïsme qui habitait cette femme.

Les Coillard, au début de leur activité commune, avaient dû se séparer pour quelques semaines, et s’étaient donné rendez-vous pour le jour anniversaire de leur mariage.

Au jour fixé, Coillard était à Léribé, lieu de la rencontre, mais sa femme n’y était pas à cause du fleuve Calédon qui avait débordé.

Ils se trouvaient séparés par les eaux du fleuve qui grossissaient toujours.

Coillard se rend alors au Calédon avec six ou huit nageurs expérimentés et toute une troupe de jeune gens.

" Les pourparlers, raconte Coillard, ne furent pas longs. " Elle passa une robe de laine, descendit à la rivière torrentielle, se livra calmement à deux vigoureux Zoulous qui la soutenaient sous les aisselles.

Des Zoulous nageaient devant et derrière elle, tous les jeunes gens du village en aval et en amont, dans l’ordre le plus parfait, et le cortège lutta ainsi contre le courant rapide de la rivière débordée, dans le plus profond silence.

Dire ce que j’éprouvais pendant cette traversée… non !

Je pensais au chrétien de Bunyan traversant le Jourdain….

Une fois arrivée enfin au bord, je la reçus, tous nos hommes et nos jeunes gens disparurent.

Elle mit sa tenue d’amazone, et peu d’instants après, la joyeuse et bruyante cavalcade arriva à notre hutte de mottes de terre de sept pieds de large.

En 1877, renonçant avec son mari à un voyage en Europe, certes bien mérité après seize années d’activité missionnaire ininterrompue, elle l’accompagna dans le grand voyage d’exploration d’où est sortie la mission du Zambèze, et y connut les plus grands dangers.

Un jour au milieu d’une population malveillante, elle vit un indigène brandir une hache au-dessus de sa tête.

En 1884, âgée de cinquante-quatre ans, elle suivait son époux au Zambèze.

Elle fut plus d’une fois son lieutenant. Nul n’en eut été plus capable qu’elle.

Elle avait un don remarquable pour diriger. De plus elle était une maîtresse de maison de premier ordre.

Elle savait tailler des habits, pétrir le pain, et même faire son savon et ses bougies.

En un certain lieu, à peine relevée d’une grave indisposition, elle resta seule à la tête de tout le campement, pendant que Coillard allait plus au nord en éclaireur.

Pendant trois mois, elle dut porter seule toute la charge : diriger les ouvriers, s’occuper du bétail, soigner les malades.

En outre, elle faisait soir et matin, l’école aux enfants indigènes des environs.

Elle sortit de ces trois mois brisée dans sa santé.

En 1887, les Coillard arrivèrent en un lieu nommé Séfula pour y établir une seconde station missionnaire. Ils trouvèrent la vallée dans un état de grande agitation.

Les hommes vêtus de ceintures de calicot maintenue par des peaux de serpent, les cheveux entremêlés de queues de lapin, les femmes, plus nombreuses, avec leurs petits jupons de peau d’antilope, leurs bracelets de cuivre ou d’ivoire aux poignets et aux genoux, tous accourraient pour contempler ce phénomène extraordinaire : une dame blanche !!!

L’air retentissait de battements de mains et de cris : " Shangwe ! Khosi ! Lumela ma rona ! " (Salut, salut, Seigneur ! Bonjour notre mère !)

Tandis que Coillard organisait une école pour les garçons, sa femme en ouvrait une pour les filles.

Cette école était un internat.

Il lui fallut voir l’humble demeure missionnaire envahie par les filles du roi et les jeunes esclaves qu’elle instruisait.

Encore ici, c’était le sacrifice, au moins partiel, de son home.

Toujours elle était entourée de ce petit bataillon féminin qu’elle appelait ses filles.

Hélas ! Les trois jeunes filles qui lui donnaient le plus d’espoir trompèrent sa confiance.

Le mal, chez elles et chez d’autres, apparut sous un jour épouvantable.

" Cela est vite dit, écrit Coillard, mais ce qui ne se dit pas et ne peut pas se dire, ce sont les tortures morales, par lesquelles  nous  avons passé, ma pauvre femme surtout. Ses angoisses, ses larmes, ajoutées à son état de grande faiblesse, ont failli la faire succomber. "

Cette amère déception contribua certainement à hâter la fin de cette femme héroïque.

Plusieurs fois, son mari avait songé pour elle à un voyage de santé.

Un jour, il lui en parla sérieusement. Mais elle ne voulut pas même y penser.

" Voyager pour sa santé ! Écrivit plus tard Coillard. Loin d’elle de condamner ceux qui le font, mais voyager pour elle-même lui paraissait de l’égoïsme et un manque de confiance en Dieu.

" Non, disait-elle, la vie est trop courte, et l’œuvre est trop grande. Restons fidèles à notre poste jusqu’au bout. Le Maître sait que j’ai besoin de santé, et il peut s’il le veut me la donner ici, sans que j’aille la chercher ailleurs. Et nous n’en parlâmes plus. "

Pendant la maladie qui devait l’emporter, elle eut un jour de grande angoisse.

" Je suis si misérable, oh si misérable, disait-elle en pleurant, une servante inutile, la dernière des servantes du Seigneur, la plus indigne ! Oh ! Du zèle, du zèle ! "

Elle eut la joie, avant de mourir, de voir les prémices de la moisson. Déjà cinq jeunes gens professaient d’avoir trouvé Jésus.

" Aurait-elle pu désirer, dit son mari, un plus beau coucher de soleil ? "

 Elle mourut le 23 octobre 1891.

Son biographe dit à son sujet : " Toujours donner sans recevoir, avoir la lampe toujours pourvue d’huile et son horloge remontée à toute heure, vivre l’arc tendu, se dominer soi même pour dominer ses alentours, ne jamais s’appartenir, ne se permettre ni relâche ni faiblesse, ni à peu près, ni laisser aller, quelle tâche ! "

Coillard ajoute encore : " Ce qu’elle a été pour l’œuvre missionnaire à Léribé, dans la province du Lessouto en Afrique du Sud, pour nos expéditions et l’œuvre au Zambèze, Dieu seul le sait…

" Elle a été parmi nous une mère et une diaconesse…. Souvent notre providence. Elle s’était franchement donnée. Elle n’a jamais hésité devant les sacrifices qui lui coûtaient le plus pour suivre le Maître, où qu’il l’appelât.

" Elle n’a reculé devant rien, quelque souffrance et quelque privation qu’elle eût à endurer. Son héroïsme à elle consistait dans une lutte de chaque jour.

" Elle était éminemment femme, elle avait une grande défiance d’elle-même, mais à la voir si courageuse, si calme et si sereine quand elle s’était retrempée dans la communion de son Dieu, personne n’eût pu soupçonner ses craintes et ses faiblesses.

" Je ne dirai pas qu’elle était l’âme de la mission, non, l’âme en est ailleurs, hors des atteintes de la mort, mais elle en était l’un des plus puissants ressorts, et ce ressort est aujourd’hui brisé. "

Que faut-il conclure, pour notre instruction, des courtes biographies de ces héroïnes de la foi dont nous ignorions peut-être l’existence jusqu’à ce jour, mais qui ont laissé dans l’histoire des missions du 19ème siècle une marque indélébile ?

Tout d’abord, nous pouvons constater que leur engagement total dans l’œuvre du Seigneur, leurs souffrances et leur abnégation n’ont pas été vains.

Aujourd’hui, sur tous les continents, s’élèvent des temples à la gloire de Dieu, là où autrefois régnaient les ténèbres les plus épaisses et l’idolâtrie.

De toutes ces contrées évangélisées au prix de grands sacrifices et du dévouement surgissent des prédicateurs tels quelques-uns d’entre eux réputés, envoyés par le Seigneur dans les républiques de l’ex U.R.S.S. !

Ces femmes de Dieu qui furent des apôtres, se sont toujours efforcées d’entendre la voix de Dieu, d’obéir aux visions célestes, de se diriger d’après les principes posés par la Parole divine ; elles ont su attendre l’heure et suivre la méthode divine.

Le fondateur de la Mission de la Chine intérieure, Hudson Taylor, entendit distinctement une voix qui lui disait : " Je vais ouvrir à l’Evangile l’intérieur et le centre de la Chine, si tu es prêt à entrer dans mon plan, je me servirai de toi pour accomplir cela. "

Et depuis ce jour, Hudson Taylor ne connut d’autre volonté que la volonté de Dieu.

Dieu ne tient pas au nombre. Il se sert du petit nombre, de ceux qui sont entièrement à lui, de ceux qui sont fidèles dans la vocation où ils ont rencontré Christ.

La vraie grandeur est souvent méconnue et bon nombre de ceux et celles qui ont été appelés par le Seigneur et sur lesquels a reposé l’onction, n’ont pas toujours été reconnus de leurs contemporains.

Ils ont parfois été accusés de gaspiller leurs forces, mais l’histoire annule beaucoup de nos jugements et le tribunal de Christ en annulera beaucoup plus encore.

" Nous donc aussi, puisque nous sommes environnés d’une si grande nuée de témoins, rejetons tout fardeau, et le péché qui nous enveloppe si facilement et courons avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte…. " Hébreux 12 : 1.

Bibliographie

Merveilles des Missions Modernes par Pierson 1896

François Coillard au Lessouto, missionnaire 1861-1882

Résumé fait par Georges DEMEYERE

61 - Etude sur Marie de Béthanie et sur Es...

Par O. FUNCKE Que faisons-nous pour Jésus ? Lire dans l’Evangile de Marc, l...

62 - Jean CALVIN

Introduction Ce petit livret est destiné, pour ceux qui le liront, à faire...

63 - Les aventures de sœur Abigaïl

Sa première prière La cadette d’une famille où la piété était en honneur, l...

64 - Femmes missionnaires en pays païen

Femmes missionnaires en pays païens au 19 ème siècle Préambule L’évangélist...

65 - Réflexions sur l'unité chrétienne

Par J. M. NICOLE à la convention d’ALES EN 1955 La question de l’unité des...

66 - Les sermons de Sophie

Sophie la blanchisseuse " S’il vous plait, Monsieur, il y a à la porte une...

67 - Courte esquisse de la vie de BUNYAN

Auteur de nombreux livres : Le voyage du pèlerin, La cité de l'âme, La priè...

68 - Pasteur BERSIER - La pitié de Dieu

Pasteur de l’Eglise Réformée de Paris. Il est né à Morges, en Suisse, en 18...

69 - Vie pour vie

Le fait que l’on va lire est si extraordinaire, si inouï et si plein d’ense...

70 - Alerte en mer

" … Témoignage d'un marin rentrant joyeux au port après un terrible naufrag...

71 - Les plaintes de l'église

Préface " Où sont tous ces prodiges que nos pères nous racontent… ? " Ainsi...

72 - Les confessions d'un Pasteur (Suite d...

(Pour responsables) Ce livret est la suite et la fin d’un livre intitulé :...

73 - Soeur Eva

31/10/1866 - 21/06/1930 Une femme de foi appelée au service de Dieu malgré...

74 - Cours fragments tirés des discours de...

1863 Préface J’ai retrouvé dans ma bibliothèque un petit livre intitulé : "...

75 - Courts fragments tirés des discours d...

Christ en nous Ayons Christ en nous, l’Evangile dans l’âme, et nous ferons...

76 - Le premier et le plus grand commandem...

Sermons de SPURGEON " Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de toute ton âme, d...

77 - Le chrétien de nom

Tout par grâce - Sermons de SPURGEON Un sermon à propos des joncs. " Le jon...

78 - Le repentance et ses fruits

Pour les chrétiens attiédis - Sermons de MOODY La repentance et ses fruits...

79 - Tu aimeras ton prochain

" Tu aimeras ton prochain comme toi-même " (Matthieu 19 : 19) Très souvent...

80 - Renée DE BENOIT

Née VAN BERCHEM - 1892 - 1919 Son enfance et sa jeunesse - Son appel pour l...